On peut désormais soutenir le fait que le jeu vidéo, décrié par certains comme vecteur de violence et d'un apport culturel indécent, fait corps avec les autres arts. Tout concourt à amener à cette réflexion. La recherche poussée de la mise en scène, l'innovation dans le domaine de la création et du design, ainsi qu'un travail non feint sur la psychologie des personnages. Mais en est-il de même lorsque l'on incarne un tank ? Difficile à dire, non ?
La première chose qui impose un questionnement sur soi-même, réside dans le background même du titre ? Je vous assure que dès l'instant où votre char se sera mis dans l'idée de commencer à proférer des paroles, vous serez sincèrement surpris. Alors naïvement on se dit que ce sont les personnes contenues dans ces conserves guerrières qui conversent. Mais cet état de fait est rapidement réduit à néant lors de votre promenade en ville. En effet, vous n'y verrez que des chars d'assaut. Il y a donc deux solutions, soit ces engins sont considérés comme des intervenants à part entière, soit les conducteurs disposent tous d'un aspect repoussant avec un peu de lèpre en sus. Dans les deux cas, vous aurez vraiment du mal à pénétrer intensément au sein du soft, d'autant plus que la réalisation s'avère très simpliste. Bien que l'on sache aisément que les véhicules militaires ne s'affirment pas vraiment du point de vue de leur ligne, la modélisation tentant de remettre au goût du jour les modèles 3D cubiques est malvenue. De plus, les environnements que vous traverserez souffrent d'un syndrome semblable. Avares en détails et en textures de qualité, ces derniers semblent masquer l'effet de brouillard omniprésent dans le lointain. On se croirait revenu aux temps immémoriaux des débuts de la N64. Fort heureusement, les décors en extérieurs apparaissent désespérément vides, et donc masquent leurs lacunes. Il est vrai que l'embryon de trame scénarisée met en scène une guerre entre deux factions rivales, mais ce n'est pas une raison pour proposer une vision digne de l'aspect d'un coin de campagne soumis à un hiver nucléaire. D'autant plus que vous bénéficiez de l'occasion agréable de fouler de vos chenilles une carte du monde plus qu'épurée, affichant fièrement une carence de contrastes saisissante. Ces cartes-ci ne seraient elles pas réservées aux RPG, ou aux titres d'aventure ?
Votre instinct ne vous a pas trompé, la réponse à cette question inintéressante est affirmative. Par conséquent Seek And Destroy se pose en tant que précurseur. Diriger un char Leclerc à la place d'un Clad ou d'un Caim, voilà qui est original. Néanmoins un peu trop. Suite à votre première tâche, votre objectif tournera autour de la prise de postes avancés ennemis. A chaque victoire de votre part, vous engrangez des félicitations, et plus intéressant, de l'argent. Avec l'aide de vos deniers durement acquis vous acquérez la possibilité de modifier votre véhicule via différentes pièces, allant du moteur, au lance-missile, en passant par la tourelle. De quoi modeler un outil de destruction à votre convenance. Il vous faudra cependant revenir dans votre cité pour procéder à ces changements, ainsi que dans le but de participer à des mini-jeux peu passionnants, ou alors de discuter avec les habitants. Tout un programme !
Fier de vos acquisitions vous vous lancez dans un nouvel affrontement, et les prémices d'un soft passable volent en éclat. Conduire un blindé requiert du doigté, mais reste tolérable. Ici, ce n'est pas le cas. Vous luterez davantage face à votre pad plutôt que face à vos opposants. Les commandes se révèlent fort raides et l'on a souvent du mal à viser correctement, ce qui handicape passablement face à une armée de 20 de vos semblables. D'autre part, un invité indésirable fait une entrée fracassante. Notre grande amie la caméra rebelle est de retour. Faîtes-lui un triomphe. Décidément rancunière, elle ne vous épargne rien. Mettant un temps affolant à recadrer l'action, elle vous laissera bien fréquemment en une situation dite "à l'aveugle", vous obligeant à presser le bouton R2, permettant sa remise en bonne place. Ce n'est néanmoins qu'un épilogue passager, car cette petite coquine se fond dans les murs, refusant obstinément d'en sortir. Les phases de combat urbain sont donc à proscrire pour toute personne dont la tension est à surveiller. Malgré tout, après un moment d'adaptation, on entrevoit un intérêt plausible, qui s'amenuise proportionnellement aux fautes de traduction et au défilement des thèmes musicaux. Et ce n'est pas la présence d'un mode combat, bien qu'offrant des mini-jeux pour certains agréables qui relancera un titre peinant à gravir la pente de la morosité. Takara nous avait habitué à beaucoup mieux, avec la série des Battle Arena Toshinden, ainsi que celle des Choro Q. Essayant d'aborder un sujet risqué, la société brise ses chenilles violemment.
- Graphismes6/20
Ne tirant en aucune manière partie des capacités de la Playstation 2, on assiste désemparé à une profondeur de champ réduite à vingt mètres, ainsi qu'à des modèles polygonés de manière lacunaire. Les extérieurs vides de toute vie, ne permettent même pas de s'évader.
- Jouabilité8/20
Les commandes répondent relativement bien, mais le tout s'avère bien trop lent et raide pour convenir même aux plus acharnés. D'autre part les mouvements de caméras désordonnés n'aident vraiment en aucun cas cette maniabilité défaillante. Effectuer des virages serrés relève du suicide.
- Durée de vie11/20
Si votre objectif est de customiser votre char à outrance, vous aurez de quoi passer de longues heures de jeu. En revanche, si le scénario est votre priorité, une demi-heure sera déjà trop. Globalement, il faut s'accrocher pour ressentir un début de commencement d'immersion.
- Bande son8/20
Les grandes envolées militaires sont légions, sans toutefois donner plus de coeur à l'ouvrage. L'orchestration est de mauvaise qualité, et le tout s'avère rapidement lassant.
- Scénario6/20
Il y a deux camps qui ne s'aiment pas, et pour la peine se font des misères. Si c'est pas malheureux.
Défoulant durant aux grands mots une heure, les lacunes grandement mises en avant contiennent un intérêt déjà en berne depuis longtemps. Développer un soft mettant en scène des tanks doués de réflexion, au sein d'un environnement mi-"aventure", mi-"destruction sauvage" était osé. Malheureusement, cette tentative échoue, loin de convaincre les aficionados des deux forces en présence. La reddition vint plus vite que prévu.