Les rêves sont bien souvent porteurs de vérités et c'est ce qui les rend à la fois plein de bon sens et totalement imprévisibles. C'est cette dualité que le nouveau jeu d'aventure d'Ubi Soft veut exploiter en nous faisant jouer les funambules entre onirisme et dure réalité technologique. Psychanalyse.
The Longest Journey, c'est le croisement entre deux thèmes ou plutôt entre deux mondes : d'un côté Arcadia, un monde peuplé de dragons, de créatures enchanteresses mais aussi de démons noirs comme du charbon ; de l'autre côté du miroir, un monde froid et technologique, où cynisme et violence sont monnaie courante. Vous êtes April, vous venez juste d'avoir 18 ans et vous vivez à Newport, une des plus grandes mégalopoles de Stark, le monde technologique. Mais April est loin d'être comme les autres, sa destinée et sa lignée la prédispose à un grand destin à la fois dans son propre monde et dans le monde des rêves.
The Longest Journey, vous l'aurez compris est un jeu d'aventure ancienne mode : bouger, utiliser, cliquer, parler. Rien de bien révolutionnaire dans son fonctionnement mais l'équipe scandinave de Funcom a d'autres tours dans son sac pour nous faire accrocher à son titre. Tout d'abord, la qualité de sa conception graphique. Loin de la simplicité des jeux LucasArts et Sierra qui nous avait plutôt habitués à des styles cartoons et directs, Funcom évolue directement dans l'oeuvre d'art. Ambiance mystique, formes longues, recherchées et torturées, rien de ce qui passe devant vos yeux n'est laissé au hasard. C'est beau, très beau.
L'interface, quant à elle, reprend les bons vieux classiques de l'inventaire et de la palabre à tout-va. Un grand merci d'ailleurs aux concepteurs qui donnent la possibilité de couper ces dialogues pour aller plus vite. La fenêtre de jeu utilise pleinement l'écran et lorsque votre curseur glisse sur le bord haut, votre inventaire apparaît. Votre curseur change évidemment de forme dès qu'il se place sur un objet "interactif", permettant trois actions : parler, prendre ou utiliser et regarder. Au final, seulement trois catégories d'objets, ceux qui ne servent à rien, ceux qui sont là juste pour faire parler l'héroïne et planter le décor et enfin, les "vrais" objets, ceux qui servent, qui se combinent, qui s'utilisent et qui s'actionnent.
Si le monde d'Arcadia est un monde de beauté où les arbres parlent, les dragons servent la Nature et où chaque dialogue semble provenir d'un volume de poésie, le monde de Stark est tout autre. La violence des propos fera peut-être rougir quelques personnes bien avisées et j'entends déjà les ostensoirs se lever et les hosties se recracher rien qu'à entendre le langage souvent cru des 50 personnages du jeu. Mais bon, cela a pour effet de renforcer l'antinomie des deux mondes et le libéralisme des moeurs scandinaves qui donne à la propriétaire du logement d'April des pensées que la morale réprouve, donne un réalisme de bon aloi et un ton plus juste. Le monde de The Longest Journey en devient ainsi bien plus crédible et plus complexe.
Tout au long des 4 CD du jeu, vous suivrez pas à pas les traces d'April, tentant d'une part de comprendre ce qui vous arrive mais aussi de résoudre les multiples énigmes et puzzles mis sur votre route. En tout cas, rien de bien terrifiant pour les méninges et cahin-caha, l'acharné de jeux d'aventure ne devrait pas se forcer pour finir le jeu assez rapidement. The Longest Journey se résume, il est vrai, plus à une succession de belles images, de scènes de dialogues et de cinématiques sortis de la tête d'un très bon metteur en scène. Techniquement parlant, Les personnages évoluent dans des décors précalculés d'une très grande beauté et les personnages eux-aussi modélisés sont mal intégrés dans les décors. Ils ont pourtant fière allure avec leur belles animations et la jeune héroïne qui se balade légèrement vêtue a de quoi attiser le regard. Pourtant entre les mains qui ouvrent les portes à distances, les pieds qui ne touchent quelques fois pas le sol, tout cela manque singulièrement d'homogénéité.
- Graphismes17/20
Les passionnés d'esthétisme et de belles animations seront comblés tandis que les plus techniques regretteront l'aspect un peu vite fait de l'intégration des différents éléments. Mais l'ensemble reste crédible et très joli.
- Jouabilité15/20
L'accès aux différents menus et actions est facilité et accessible d'un simple clic de souris. Par contre, pour diriger April, on clique un peu n'importe où et on a du mal à visualiser où on met les pieds, surtout avec les changements de caméra.
- Durée de vie15/20
De quoi passer un bon moment mais pas de quoi contenter les fous de jeu d'aventure. La difficulté des puzzles est souvent un peu faible et seuls les dialogues à répétition et cinématiques viennent véritablement augmenter la longueur du jeu.
- Bande son17/20
Digne des plus beaux films, la bande son est de très grande qualité. Les dialogues sont doublés par des acteurs professionnels mais le tout manque de crédibilité dans le ton. Bruitages en stéréo vous accompagneront tout au long du voyage.
- Scénario17/20
Un scénario mystique où rêve et dure réalité se mélangent au cours de la prise de conscience de la belle April sur ses responsabilités.
Un jeu d'aventure qui a tout pour plaire mais qui manque de coffre et d'interactivité malgré des graphismes somptueux et une bande sonore de qualité.