Si Bullfrog a inventé la simulation de parc d’attractions avec Theme Park, c’est le développeur Chris Sawyer qui a donné ses lettres de noblesse au genre avec sa série Rollercoaster Tycoon. Il ne suffisait plus de créer une montagne russe haute et rapide, il fallait surtout s’assurer qu’elle ne soit pas trop intense. Même ceux qui ont le goût du risque refusent de se rompre le cou ! Incliner ses virages et prévoir des freins devenait indispensable, et ce n’était qu’une partie du niveau de détail que ces jeux de gestion exigeaient. C’est après le troisième opus, quand Chris Sawyer a quitté Atari, que les choses se sont gâtées. Aujourd’hui, la série arrive sur Switch avec le portage de l’opus mobile RollerCoaster Tycoon Touch. Vos ceintures sont attachées ?
Le jeu ne permettant pas la capture d'images, ce test est illustré avec les visuels de l'éditeur.
Le trailer de RollerCoaster Tycoon Adventures
Pas besoin de se creuser les manèges
Mais à qui s’adresse ce jeu ? Si le fan de gestion est ravi de retrouver RollerCoaster Tycoon sur une console transportable, la douche froide s'avère rude. Le jeu n'a quasiment aucun élément de gestion. Après avoir cherché en vain le menu permettant de placer une file d'attente aux attractions, il devient clair que tout a été simplifié à un point si extrême que même des éléments qui semblent indispensables pour une simulation de parc d'attractions sont absents. Pas de gestion de la foule : les visiteurs n’ont pas d’existence, ce sont des éléments graphiques qui se promènent dans les allées et disparaissent aléatoirement devant les activités proposées. Vous ne les verrez jamais dépenser leur argent, manger, porter un ballon. Ils n’ont d’ailleurs pas de besoins particuliers, tout est représenté par des jauges globales au niveau du parc, il n'y a donc aucune micro-gestion. La jauge de faim tombe en dessous de 50% ? Construisez quatre stands de limonade alignés sur la même allée au fin fond du parc. C’est idiot de les mettre là ? Le jeu s’en fiche, la jauge remonte. Et effectivement, faim et soif sont représentés par la même jauge, il ne faudrait pas que ça devienne trop dur.
Il n'y a pas de gestion de votre personnel. Contentez-vous de construire une petite maison et ils feront le travail tout seul dans leur zone d’influence. Pas besoin d'embaucher, de former le personnel ni même de payer son salaire. D’ailleurs toute la gestion monétaire se résume à fixer les prix des produits et activités. À ce niveau on se dit que devoir prendre une décision est une perspective effrayante, aussi rassurez-vous, la jauge indique directement si votre prix est juste. Ouf. Comme il n'y a pas de micro-gestion et que votre parc est habité par des visiteurs sans existence réelle, personne ne dépense son argent en temps réel : l’argent est récolté automatiquement à intervalles réguliers, comme le proposerait un jeu mobile. De toutes façons vous ne perdez de l'argent qu'en achetant des choses ou en faisant des recherches, votre solde gonflera tout seul sans que vous n'ayez rien à faire. C’est reposant mais un peu dommage pour un loisir interactif.
Broken Mountain
Les fans de gestion se sont endormis, adressons-nous aux concepteurs ! Si vous espérez faire de belles montagnes russes, attendez-vous à vous arracher les cheveux. Vous pouvez créer vos circuits mais l’outil a des réactions aléatoires et des bugs, il faudra une patience infinie pour arriver à faire quelque chose de propre. Dommage, ça ne sert à rien, toutes les montagnes russes coûtent un prix fixe, quels que soient les éléments que vous mettez dessus. Et même les tracés les plus nuls obtiendront des résultats satisfaisaients. Même sans mettre une seule chute, avec un tracé littéralement plat, les résultats seront corrects... Impossible de rater votre coup, au mépris des lois les plus élémentaires de la physique ou de l'amusement. Devant la vacuité de l’opération, autant opter pour les tracés tout faits, ça fait un peu ramer au moment de les charger mais ils sont jolis.
Ce n’est pas grave, il reste la décoration ! Quatre thèmes vous sont proposés et certains éléments plutôt réussis. Mais le jeu vous pousse à empiler le plus d’éléments possibles pour avoir un meilleur score. Le plus souvent cela donne une impression de gros fourre-tout. Et si vous choisissez de quand même vous faire plaisir, l’interface laborieuse va vite décourager votre âme d'artiste. Trouver un élément dans le menu est fastidieux, et dès que vous le placez toute l’interface se referme, il faut recommencer pour l'élément suivant. On comprend mieux pourquoi le jeu est si simple, s'il fallait créer quelque chose de compliqué vous prendriez le risque de développer un ulcère.
Une finition qui part en vrille
Peut-être le jeu s'adresse-t-il à un public occasionnel, après tout il s'agit du portage d'un jeu mobile. Hélas, les couleurs criardes peinent à masquer des éléments très peu détaillés et un design daté, malgré quelques attractions visuellement inspirées. Mention spéciale aux visiteurs qui font les tours de montagne russe en boucle et gardent constamment les bras en l’air, même à l’arrêt. Le niveau de zoom autorisé est révélateur, les développeurs n'ont pas voulu que l'on puisse regarder de trop près, n'espérez pas non plus pouvoir entrer vous-même dans vos attractions.
Pour parachever le tableau, le jeu souffre de nombreux bugs. Le plus bel exemple sera ce tracé de montagne russe qui est parti tout seul se superposer sur une autre montagne russe, les deux parcours se fondant l'un dans l'autre. Les rails peuvent passer à travers les bâtiments ou les arbres. C'est toute la finition qui souffre, entre les textes émaillés de fautes ou la Switch qui peine à conserver sa fluidité dès que les parcs deviennent conséquents. Si l'écran tactile peut être utilisé pour les mouvements de caméra, le besoin de recourir tout de même aux manettes Joy-Con rend la fonctionnalité inutile.
Des scénarios forains-génieux
Les quelques bonnes idées viennent des 16 scénarios aux défis variés qui ajoutent un peu de variété : faire un parc bien décoré, devoir amuser des fans de sensations fortes ou amasser de l’argent sans faire payer le prix d’entrée des attraction, chacun aura sa subtilité. Mais comme le jeu est très simple, même les défis qui semblent complexes peuvent être rapidement surpassés. Un exemple sous forme de tuto : si on vous demande de faire 15 attractions bien décorées, c'est facile ! Attendez que l'argent grimpe, créez 15 petites bornes d’arcade au même endroit et empilez des arbres tout autour.
Enfin, Une campagne vous met dans la peau d’un entrepreneur qui récupère le terrain d’un parc en faillite. Bernard, l'ancien directeur financier du parc qui a fermé, s'associe à vous pour vous donner des conseils. Ses antécédents ne plaident pas en sa faveur mais il ne se privera pas de proposer régulièrement des situations avec le choix entre deux alternatives avec des conséquences positives ou négatives. Une idée originale mais cette campagne n'est en réalité qu’un bac à sable sans objectifs, votre attention ne sera pas captée bien longtemps.
Points forts
- Quelques idées originales dans les scénarios, hélas bien trop simples
Points faibles
- Aucun challenge
- Quasiment aucun aspect gestion
- L'interface laborieuse qui annihile les velléités créatives
- La création de montagnes russes, entre grotesque et mépris des lois de la physique
- La finition à la ramasse : bugs, bâtiments qui se superposent, fautes dans les textes...
- Le framerate qui s'effondre sur les parcs importants
- Impossible de tester nous-même les attractions et montagnes russes
Personne ne s’y retrouve dans RollerCoaster Tycoon Adventures. Pas de gestion, pas de personnalisation, des outils fastidieux à utiliser et un manque terrible de finition. Ce jeu ne mérite sa place ni sur Switch, ni au sein de la série. Pourquoi avoir choisi de porter un jeu mobile ? RollerCoaster Tycoon Classic, qui a permis de redécouvrir les deux premiers opus, aurait été un ajout à la console tellement plus intéressant…