Pour quiconque n'a jamais touché à un spin-off de la série Musô, le mélange Dynasty Warriors / Fire Emblem a de quoi détonner. Un peu comme un couple qui découvre que sa gamine en pince pour le petit caïd de l'école primaire. Cela ne rassure pas des masses ! Mais comme on a pu le voir avec le très sympathique Hyrule Warriors, les préjugés ont la vie dure et il arrive parfois qu'il y ait une bonne surprise et que le môme en question ne soit finalement pas un mauvais bougre. Prônant le fan-service et l'anéantissement à grande échelle, Fire Emblem Warriors parvient à distiller une pincée de stratégie dans un monde de brutes, où s'associent armes puissantes et magies dévastatrices. Un beat'em up qui sonne la charge !
Bien que frappé du sceau Fire Emblem, le jeu conserve tous les codes des Dynasty Warriors, avec ses armées à occire, ses héros à faire cohabiter et ses conquêtes de territoire. Le studio OMEGA Force connaît son sujet à la perfection et ne fait qu'appliquer sa recette (aussi éculée soit-elle) en l'assaisonnant d'ingrédients soigneusement sélectionnés. Mais à la différence de certaines itérations de la licence, Fire Emblem Warriors a fait l'objet d'ajustements considérables et son approche tactique pourrait bien intriguer les joueurs non adeptes des Musô.
ACIDE ET MUSÔ
Toujours prêts à dégainer des scripts improbables, les développeurs nippons ne faillissent pas à leur réputation. Empruntant à Dragon Ball Z, l'histoire manipule avec plus ou moins de cohérence le voyage dans le futur et les failles dimensionnelles. Un bon prétexte pour lier des personnages provenant de différentes époques sans heurter la sensibilité du quidam. Alors que leur royaume est en proie à une évasion de créatures du mal, le Prince Rowan et sa sœur Lianna forcent le destin pour restaurer la paix d'Aytolis. Plus d'une vingtaine de personnages (25 au total) vont se côtoyer dans un seul et même but : aider le futur roi et sa frangine !
En quelques secondes, on retrouve toute la hargne de la série. Les affrontements ont un punch incroyable et la foire aux combos se matérialise toutes les trente secondes par des séquences automatiques qui en disent long sur la puissance de nos avatars. Les ennemis volent dans tous les sens et il n'y a guère que les boss ou les soldats un peu plus résistants qui vous fileront du grain à moudre. Ceux-là exigent une certaine stratégie afin d'être contrer. Vous aurez ainsi à maîtriser des armées entières, à activer des veines dragunaires pour modifier le champ de bataille (et débloquer un passage), fouler des terrains hostiles (volcan, etc.) ou encore braver des tempêtes de sable, de la brume et même de la brume toxique. Pour le reste, Fire Emblem Warriors se nourrit des poncifs de la série Musô avec ses zones vastes et couloirs étriqués, ses différents types d'adversaires (chevaliers, archers, épéistes, chef d'avant poste...) et son lot d'objectifs. Pour quiconque jette un regard à l'écran, il y a de quoi se perdre. L'ensemble est rapidement brouillon et la carte, à moins d'être en mode zoom, reste immobile, ce qui n'aide vraiment pas pour se guider à travers des dédales labyrinthiques infestés d'ennemis. On peut aussi tiquer sur l'intérêt de certains protagonistes, notamment ceux à cheval qui sont un peu lourds (ou trop légers) et pas forcément fun à incarner. Un peu dommage dans le sens où les unités aériennes sont les seules à pouvoir s'élever au-dessus des gouffres.
AMOUR, GLOIRE ET DYNASTIE
Malgré des missions peu originales et des objectifs pas toujours clairs, le titre se démarque par ses à-côtés. Outre le principe triangulaire (épée ⇒ hache ⇒ lance ⇒ épée) qui régit les forces et faiblesses des armes, le joueur a accès à différentes possibilités, que ce soit dans le feu de l'action ou avant d'entrer sur le champ de bataille. Ainsi, pour marquer son affiliation à la série Fire Emblem, chaque personnage peut être déployé pour attaquer une cible ou se rendre dans une zone précise. En déplaçant ses unités, on peut ainsi définir une stratégie et surprendre l'adversaire. En parallèle de cette option, la notion d'affinités entre chaque individu est importante. Sur le terrain, chaque personnage peut constituer un duo avec le compagnon à proximité tandis que certains héros ont la capacité de soigner le groupe. Ces interactions, loin d'être futiles, apportent une certaine profondeur aux joutes, même si le matraquage de boutons est (souvent) de mise. Outre une force décuplée, un duo peut déclencher des attaques spéciales redoutables. Et comme le jeu n'est pas avare en mise en scène chiadée, on est tenté de tester toutes les associations possibles et imaginables. En affectant ses unités à différents points de la carte, tout en gérant les affinités, on a un véritable sentiment de contrôle (même si le pathfinding n'est pas toujours optimal). Cette impression est renforcée par les outils mis à disposition entre chaque niveau. Outre la forge qui permet d'expertiser et de vendre ses armes, Fire Emblem Warriors propose une emblèmerie. Grosso modo, il s'agit d'un arbre de compétences répertoriant les qualités de chaque héros en matière d'attaque et de défense. Vous pouvez ainsi améliorer toutes vos aptitudes mais aussi être promu et changer de classe. Un concept vu et revu mais qui se montre toujours aussi efficace (à l'exception peut-être des voix qui répètent sans arrêt la même chose dès qu'un nouvel emblème est créé).
Et pour les adeptes de challenge, sachez que le jeu propose un mode Classique qui fait mourir les personnages sans pouvoir les re-sélectionner ensuite, si ce n'est en passant par le temple. Ce lieu, accessible entre chaque combat, permet en effet de réanimer un coéquipier tombé au combat ou encore de recevoir une bénédiction. Celle-ci peut se traduire par du loot de meilleur qualité ou en plus grand nombre. Par ailleurs, en plus de la trame qui s'étale sur une quinzaine d'heures, un mode Chroniques vient allonger la durée de vie et permet de revivre certains évènements importants des précédents jeux Fire Emblem. Sur une carte en 2D, le joueur choisit son objectif et accède à des missions plus courtes et notées. Autant dire qu'il va falloir batailler pour obtenir le rang S !
LE PLAN DE CONQUÊTE
Loin de renverser des montagnes visuellement, Fire Emblem Warriors a toutefois la bonne idée d'accepter deux modes d'affichage. Selon votre envie, vous pouvez ainsi activer le mode "Qualité" et profiter d'une résolution en 1080p et 30 images par seconde ou bien opter pour le mode "Performance" et passer en 60 images par seconde avec une résolution en 720p. C'est une très bonne idée et on espère qu'elle se démocratisera sur le support. Cette option n'est disponible que sur Switch et non sur New 3DS. Le jeu est coloré et les graphismes sont agréables mais on ne peut s'empêcher de regretter l'écart qualitatif qui existe entre les décors, un peu plats et fades, et la modélisation des personnages. L'autre aspect qui chagrine, c'est bien entendu la tronche aseptisée des héros. Même si Fire Emblem est une licence Nintendo, elle nous a habitué à des protagonistes bien plus marqués sur le plan physique ou psychologique. En clair, cela demeure du Musô à la Hyrule Warriors et il ne faut pas s'attendre à beaucoup plus. Il en va de même pour la partie musicale, mélange de rock symphonique et envolées orchestrales. D'ailleurs, et c'est important de le noter, si le test a été réalisé avec les voix anglaises, sachez que les voix japonaises sont téléchargeables gratuitement sur l'eShop. Une bonne nouvelle pour les amateurs d'authenticité. Enfin, notez qu'un mode deux joueurs est disponible mais qu'il est préférable, écran oblige, de le pratiquer sur une télévision. De plus, comme l'animation prend un peu cher, optez pour l'affichage en mode "Performance" pour en profiter pleinement.
Comme pour Hyrule Warriors, cet épisode fera régulièrement le plein de DLC payants. Dès le lancement, plusieurs packs seront disponibles afin de profiter de personnages issus des moutures Fates, Shadow Dragon ou encore Awakening. En plus de cela, le mode Chroniques sera agrémenté de cartes inédites et l'inventaire se verra gratifié d'armes et costumes supplémentaires. À l'image de son homologue, il faudra donc compter sur lui dans les mois à venir.
Points forts
- Gameplay d'une nervosité rare
- La mise en scène
- L'aspect tactique non négligeable
- Casting honorable
- La fluidité rarement mise à mal
- Le principe du duo
- Des musiques bien rythmées
- On peut télécharger les voix japonaises
- Choix des modes d'affichage
- Compatible amiibo (pour armes et bonus)
Points faibles
- Cavaliers pas assez fun à incarner
- Décors fades et plats à la Musô
- Le scénario et les évènements passe-partout
- La carte brouillonne et statique
- Ce n'est pas une surprise : répétitif
- Le mode deux joueurs souffrent au niveau de l'animation
- Objectifs des missions peu variés
- Les DLC font penser au syndrome "jeu en kit"
Loin d'avoir fait lever les foules lors de son annonce, Fire Emblem Warriors suit les traces de son frangin Hyrule et décoche un uppercut. S'il est toujours question de foncer à travers des environnements à l'apparence vieillotte, l'impact qui se dégage des combats mérite vraiment le "sacrifice" de pad. Subtil mélange d'action et de stratégie, le jeu ne manque pas de brosser les fans dans le sens du poil et parvient à s'acoquiner avec la série de Nintendo sans choquer. Techniquement correct, surtout en mode nomade, ce cross over vient allonger la liste des Musô avec une aventure au moins aussi agréable que ce bon vieux Hyrule Warriors. Le charme en moins peut-être.