Personnage ô combien culte du cinéma de genre, Jason Voorhees n'avait pour l'heure pas bénéficié d'un jeu vidéo digne de son aura malfaisante en dépit de son grand âge. Sur les bases d'un kickstarter réussi, Illfonic entend bien remédier à cette carence en nous livrant Friday the 13th : The Video Game. Pari réussi ?
Notre vidéo-test de Friday the 13th : The Video Game
Du côté des campeurs, nous le disions, l'objectif est de survivre à tout prix. Plusieurs moyens sont mis à votre disposition pour cela, le plus long et le moins intéressant étant de tenter de rester planqué jusqu'à la fin de la nuit, soit 20 minutes en jeu. Fort heureusement, le jeu ne se résume pas à attendre bêtement que le temps passe et Illfonics a tenté de rendre justice au gameplay asymétrique en favorisant la coopération côté campeur. Effectivement, plusieurs objectifs, qui restent les mêmes d'une carte à l'autre, vous sont proposés, permettant en cas de succès de faciliter ou d'accélérer votre fuite. Au début de la partie, chaque campeur se trouve parachuté seul sur un point aléatoire de la carte. Le premier bon réflexe est bien entendu de se procurer une arme, même si cette dernière sera davantage destinée à ralentir Jason qu'à le tuer, le colosse étant bien entendu très résistant.
Une fois votre arme de fortune trouvée, le bon réflexe est de tenter de rejoindre les autres campeurs. Effectivement, les premiers facteurs à prendre en compte lorsque l'on joue la proie sont les sons produits par les pas et la peur. Effectivement, si vous êtes seul et dans l'obscurité, votre niveau de peur augmentera, ayant pour double sanction de vous rendre plus détectable aux yeux de Jason et d'obscurcir votre interface, vous empêchant de voir votre minimap et de gérer votre jauge d'endurance. Rejoindre un autre campeur diminuera votre niveau de peur, vous permettra d'avoir du soutien si Jason vous attrape mais accroîtra votre niveau sonore. C'est là la première étape de la coopération, qui prend tout son sens lorsqu'il s'agit de remplir les objectifs mentionnés plus haut.
Si vous trouvez un véhicule à proximité, ne vous attendez pas à pouvoir sauter dedans immédiatement. Il faudra avant tout explorer les alentours afin d'en dénicher la batterie, l'essence et les clefs de contact. Si vous trouvez un téléphone, permettant de prévenir la police qui arrivera à un point de la map donnée 5 minutes plus tard, il faudra d'abord réparer l'appareil. Ces petites phases de réparation donnent lieu à un mini-jeu, qui consiste simplement à cliquer au bon moment et sur le bon bouton pour remplir le plus vite possible un réservoir par exemple, et ont surtout pour intérêt de vous immobiliser suffisamment de temps pour vous donner un coup de pression, surtout si Jason se trouve dans les parages. Notez que c'est là que la communication (en anglais vocal, principalement) trouve tout son sens, car indiquer à vos camarades que vous avez trouvé tel ou tel objet leur évitera de fouiner dans les maisons alentours pour une pièce déjà dénichée et leur permettra de venir vous couvrir le temps que vous effectuiez les réparations nécessaires.
D'autres éléments stratégiques sont à prendre en compte. Outre la gestion de la peur et du bruit, il ne sera pas inutile de barricader des portes et de poser des pièges sur leur seuil, Jason ne pouvant s'introduire dans une demeure que par son accès principal, tandis que le campeur peut y accéder par la fenêtre. Bloquer Jason dans un piège, ou encore ramasser un petit couteau suisse que vous planterez dans son cou s'il vous attrape vous donnera un léger sursis offrant une fenêtre de fuite somme toute salutaire, car, nous le disions plus haut, si Jason n'est pas immortel, le terrasser n'est pas la meilleure option, la plupart des actions à son encontre étant surtout destinées à l'étourdir pour mieux échapper à son étreinte.
La réussite ou l'échec d'une partie sera quoi qu'il arrive récompensé par la distribution de points d'expérience. Ainsi, si vous avez eu l'intelligence d'aider vos partenaires d'infortune, d'appeler la police, bref, de faire toute action destinée à entraver la frénésie de Jason, vos points d'XP seront plus importants. Une fois assez d'expérience cumulée, vous gagnerez des niveaux permettant autant de débloquer des nouveaux personnages que d'acheter des perks, distribués aléatoirement et triés en fonction de leur niveau de rareté. La plupart d'entre eux vous procureront des bonus parfois dispensables, accélérant par exemple les phases de réparation, augmentant votre furtivité ou vous autorisant à commencer la partie à un item donné. Et puisque nous parlons de débloquer de nouveaux personnages, sachez que chaque campeur jouit de ses propres statistiques, certain étant par exemple plus enclins à la furtivité que d'autres. Autant dire que mettre un branque de la réparation en charge de la réfection d'une voiture ne sera pas une excellente idée, tandis qu'un campeur un peu faible en endurance et en constitution aura toutes les peines du monde à se confronter à Jason. L'idée est certes bonne, mais dans les faits, chacun fait un peu comme il veut avec le personnage choisi, et la vraie coopération – comme c'est le cas dans tous les jeux de ce type – ne prendra toute sa saveur qu'en compagnie d'une bande de copains.
Session victorieuse dans la peau d'un campeur
Jason, mon amour
Et maintenant que vous êtes arrivé ici, vous vous demandez fatalement : « mais alors, le Jason, il donne quoi ?». Eh bien le ressenti est partagé et si nous reviendrons un peu plus tard sur les carences du gameplay, autant aborder de suite le côté jouissif du fait d'incarner l'un des plus emblématiques détraqués du cinéma de genre. Jason a plusieurs compétences pour favoriser sa traque et compense largement sa lenteur (impossible pour lui de sprinter) par sa résistance et par la diversité de ses atouts.
Sans qu'il soit obligé de rentrer dans les détails, sachez que Jason pourra percevoir les sons, profiter d'une sorte de sprint ultra accéléré, d'un TP permettant d'accéder instantanément à n'importe quel point de la map ou encore d'un Stalk, dont l'usage – assez subtil – peut grandement favoriser la réussite de votre massacre. Sur ce dernier point, il est nécessaire de savoir que lorsque vous êtes campeur, une musique flippante à souhait surgit dans vos oreilles si Jason est à proximité, vous avertissant de sa présence. Le Stalk permet pour un temps de couper cette musique, laissant ainsi les campeurs inconscients de votre venue. Chaque compétence de Jason est soumise à un temps de rechargement plus ou moins long, aussi sera-t-il nécessaire de les exploiter à bon escient dans le feu de l'action. La traque constitue le principal plaisir dans le fait de jouer Jason, et c'est assez régulièrement que l'on entend en vocal les campeurs paniqués tenter d'échapper à votre courroux. Un plaisir coupable, en somme.
Une fois votre proie isolée, vous pouvez opter pour un tabassage en règle ou, plus intéressant, pour une exécution soumise à un léger temps d'attente laissant le temps au campeur de spammer une touche pour tenter de s'extirper de vos griffes. Si attraper une victime est parfois délicat tant les déplacements de Jason peuvent s'avérer simiesques, une fois la chose faite, difficile pour le campeur de se soustraire à sa situation et c'est alors que vous pouvez activer, en fonction des exécutions que vous avez pu débloquer si vous avez généré suffisamment d'XP, les tueries les plus sanglantes. En somme, jouer avec talent Jason comme les campeurs demande un minimum de connaissance du jeu et demande pas mal d'implication dans le titre pour pouvoir engranger suffisamment d'expérience et ainsi débloquer le Jason ou le campeur de votre choix... et c'est en partie là que le bât blesse du côté de Friday the 13th.
On prend les commandes de Jason
Un petit massacre et puis s'en va
La répartition des points d'expérience est pour l'heure le plus gros défaut du jeu. Effectivement, le plus gros « versement » de points émane du simple fait d'attendre que la partie se finisse. Ainsi, si vous êtes campeurs et que votre point de spawn est à proximité de celui de Jason, il vous faudra attendre bêtement, une fois mort, que votre partie se termine si vous désirez collecter assez d'expérience pour débloquer un nouveau personnage. Si effectivement il est possible pour l'un des campeurs morts de se « réincarner » en Tommy Jarvis (les connaisseurs apprécieront), si et seulement si vos partenaires sont parvenus à faire appel à lui, il arrivera bien souvent que vous contentiez d'attendre que le temps passe, à deux doigts de souhaiter que le ou les campeurs restants se fassent trucider au plus vite afin que l'attente se raccourcisse. Car si vous avez le malheur de quitter la partie alors que vous venez de vous faire éclater en 3 minutes, aucune récompense ne vous sera offerte, pas un embryon d'XP, rendant quasi-impossible le plaisir ou l'envie de jouer en pick-up, ce qui devrait pourtant arriver souvent car il sera sans doute rare que vous parveniez à faire se réunir 8 copains pour une partie de massacre.
Au registre des griefs à invoquer à l'encontre du jeu s'inscrit la grande répétitivité des objectifs à accomplir. Si certes, tous les objets apparaissent aléatoirement, l'ensemble manque cruellement de diversité et le gameplay s'articule beaucoup trop autour des mêmes mécaniques pour maintenir l'intérêt des joueurs passées les 20 premières parties. En somme, à moins que vous incarniez Jason, votre partie se résumera à trouver un peu de stuff et à fouiner dans des maisons pour tenter de survivre.
Autre point extrêmement regrettable est celui de l'impossibilité de choisir de jouer Jason ou un campeur. Si effectivement, il est possible dans les options du jeu de choisir d'incarner en priorité Jason, dans les faits, il faudra lancer des parties en boucles pour espérer incarner le tueur masqué. En clair, sur les 8 personnes de la partie, vous avez 12,5% de chances de chausser les bottes de Jason... pas de quoi fouetter un chat, en somme.
Ajoutez à cela des déplacements d'une lourdeur désagréables et des bugs bien trop omniprésents pour que l'on qualifie le jeu de « bien fini » et vous comprendrez que Friday the 13th a encore pas mal de chemin à faire pour satisfaire pleinement.
Mais ne soyons pas totalement négatifs à l'égard d'un jeu qui transpire l'amour d'une franchise culte sur bien des points. Les plus férus de la saga ciné salueront l'excellent travail réalisé par les équipes de développement, chapeautées par Cunningham lui-même, excusez du peu. Qu'il s'agisse de la musique, du lore en général ou des Jason déblocables, tout suinte l'affection profonde pour un slasher qui a marqué son époque et qui trouve en ce jeu l'hommage le plus vibrant du secteur. Est-ce à dire que l'expérience vaut les 37€ demandés ? Sans doute pas.
Friday the 13th dévoile son trailer de lancement
Points forts
- Franchement fun lors des premières parties
- Respect méticuleux de la franchise
- Concept de jeu asymétrique maîtrisé
- Communauté vraiment sympa et active
Points faibles
- Objectifs très vite répétitifs
- Gros problème de distribution des points d'expérience
- Progression des personnages accessoire
- Faible probabilité de jouer Jason
- Pas assez de contenu pour le moment
- Encore franchement buggé
Friday the 13th est fun, c'est incontestable. Ce bon vieux maniaque de Jason n'a pas pris une ride, et Illfonics lui rend hommage d'une fort belle manière, l'esprit des films étant fidèlement retranscrit au fil des parties. Toutefois, si le gameplay asymétrique est plutôt bien pensé, il tourne trop vite en rond du côté des campeurs pour capter l'intérêt du joueur sur la durée. Le système d'expérience totalement mal pensé du jeu, la répétitivité de ses objectifs, la quantité trop faible des cartes proposées et le manque global de finition sont autant d’éléments qui pourraient empêcher même les plus hardcore des fans de la franchise de se plonger dans une nuit de massacre. Pétri de bonnes idées, Friday the 13th n'est pour l'heure pas allé suffisamment au bout de son concept pour justifier les 37€ demandés. Loin d'être mauvais, mais loin d'être transcendant une fois les 20/30 premières parties passées. Dommage.