Au fil des années, le genre du metroidvania n'a cessé de surprendre les joueurs. Après les bons (voire très bons) VVVVVV en 2010, Dust : An Elysian Tail en 2012 ou encore Valdis Story : Abyssal City et Guacamelee! en 2013, le pinacle du genre semblait être atteint en 2015 avec Ori and the Blind Forest. Porté par sa direction artistique renvoyant aux plus belles productions des studios Ghibli, ce dernier a été élevé au rang de chef-d’œuvre. Si vous pensiez ne jamais retrouver un jeu avec une telle aura, c’était sans compter sur le travail de trois jeunes Australiens, à l’origine du premier jeu développé par leur studio Team Cherry : Hollow Knight.
LE CHEVALIER AU CLOU
Au premier regard, Hollow Knight a tout du petit jeu indé qui n’ose pas trop se mouiller. Mis en chantier il y a trois ans et porté par une campagne Kickstarter fructueuse, le projet de la Team Cherry a débarqué dans l’indifférence totale en février dernier. Petite remise en contexte de ce metroidvania à première vue bien classique : après une mystérieuse cinématique d’introduction dessinée entièrement à la main introduisant le danger guettant le monde d’Hallownest, peuplé d’insectes anthropomorphes, nous voici dans la peau d’un petit voyageur aux allures de perce-oreille. Pour se défendre au fil de son aventure dans la ville de Dirtmouth et les kilomètres de souterrains qui l’entourent, celui-ci n’a pour seule arme qu’un clou, que l'on gardera du début à la fin. Bien entendu, comme dans tout bon metroidvania notre héros plutôt atypique va débloquer progressivement (et régulièrement) diverses compétences d’attaque et capacités de déplacement (double saut, dash, walljump…). Plutôt pratique dans ce jeu où l’exploration est de mise.
Qu’on se le dise, la map est gigantesque et offre son lot de décors variés et dépaysants : forêts luxuriantes, grottes froides, cités lugubres peuplées d’insectes fous… Chaque environnement est interconnecté aux autres par bien des façons. La teinte sombre et grisâtre qui prédomine, surtout au début, peut désorienter mais laisse régulièrement place à des couleurs plus réjouissantes. On ne va pas s’attarder plus longtemps sur la direction artistique qui est tout simplement fabuleuse. Chaque décor fourmille de détails. Sous ses airs mignons se cache un univers emplit de mélancolie, aux faux airs de Tim Burton auxquel on aurait rajouté un peu de Pixar / Disney et une pointe de Miyazaki. Un mélange qui séduit immédiatement. Les partitions du jeune compositeur Christopher Larkin, tantôt discrètes quand il le faut ou stressantes lors des combats de boss, subliment le tout.
CHOPPER LE CAFARD
L’une des forces du jeu vient du fait que la Team Cherry a choisi de proposer une progression libre en invitant à l’exploration. À l'exception des toutes premières zones en début de jeu, chaque joueur découvrira les mystères d'Hallownest à sa manière. Un parti pris qui en rebutera certains, tout comme le fait que, contrairement aux metroidvania traditionnels, la carte ne s’écrit pas au fur et à mesure de l’avancée du joueur dans le monde sans poser de question. Ici, chaque zone possède sa propre carte, que l’on doit d’abord acheter chez un cartographe itinérant, toujours bien planqué dans un coin tranquille. Cela peut dérouter lors des premières heures de jeu, voire même décourager, mais cela témoigne de la volonté des développeurs de nous faire déambuler sans repères dans ce monde hostile.
La prudence est donc de mise, mais la curiosité est récompensée. Il vous arrivera fréquemment de perdre toute votre monnaie en mourant à la chaîne sur un passage de plateforme un peu ardu, pour découvrir qu’il ne mène qu’à un quart de masque, donnant un point de vie supplémentaire une fois recomposé. La liberté offerte au joueur amène forcément du backtracking (le fait de revenir sur ses pas), mais le tout est compensé par un level design intelligent et précis, une prise en main quasi-immédiate de notre avatar et une composante platformer bien gérée. Hollow Knight propose une lecture parfaite de l’environnement et de l’action. Vous pouvez facilement identifier les ennemis aux sons qu’ils émettent, et même le fameux cartographe sifflote joyeusement pour indiquer sa présence à proximité.
1001 BLATTES
Ne comptez pas vous faire que des amis lors de votre descente vers l’inconnu. Les insectes rodent dans l’ombre et ils sont pour la plupart hostiles. Comptez pas moins de 130 types d'ennemis à affronter et 30 boss bourrés de charisme, promettant nombre d’instants de jeu grandioses (et difficiles). Il vous faudra d’abord analyser les mouvements de l’adversaire, quitte à mourir à répétition, savoir saisir l’occasion pour donner un coup et gérer correctement votre palette de mouvements ainsi que votre jauge d’âme. Celle-ci se remplit à chaque coup porté par notre cher perce-oreille, et permet, au choix, d’utiliser des pouvoirs d’attaque ou bien de recharger votre vie en vous immobilisant.
Le sel du jeu vient donc de la bonne utilisation de cet outil, à utiliser avec parcimonie car il vous laisse vulnérable. Vous pouvez aussi vous reposer sur des bancs, les feux de camp sauce Hollow Knight, qui servent également de points de sauvegarde. La Team Cherry emprunte ainsi à plusieurs licences, pour proposer des mécaniques que l'on connaît par coeur mais qui sont parfaitement maîtrisées, ainsi que quelques bonnes idées comme la possibilité d’équiper des charmes, offrants divers bonus passifs.
Histoire d’apporter quand même un peu de réconfort, Hollow Knight offre son lot de PnJ hauts en couleur et attachants. Certains vous offriront divers services (banque, vente d'objets...), tandis que d'autres ne sont là que pour partager quelques lignes de dialogues. La narration passera notamment par eux, sachant que s’investir dans ce monde demande un certain effort et une certaine patience. Il se passera un moment avant que vous puissiez avoir des éléments de réponse aux questions qui ne vont pas manquer de vous tarauder : Pourquoi agissez-vous ainsi ? Quel sombre passé se cache derrière les cavernes que vous explorez ? Les informations sont distillées au fil de l’aventure via des dialogues soigneusement écrits (uniquement en anglais, un patch FR est prévu) ou des objets dissimulés dans les niveaux. Les moins courageux risqueront d’abandonner l’affaire rapidement, tant l’exploration de kilomètres de souterrains sans quiconque pour vous prendre par la main peut frustrer.
D’autant plus que Hollow Knight réserve son lot de passages / boss à s’arracher les cheveux si vos réflexes ne sont pas assez affutés ou si vous êtes victimes des quelques freeze inhérents à l’utilisation du moteur Unity. Les autres trouveront là un jeu plutôt corsé et dense, riche en contenu post-game ainsi qu'en boss optionnels, qui ne manquera pas de marquer les esprits par son ambiance et ses quelques moments de mises en scène originaux. Autant vous dire qu’on y replongera avec plaisir quand les versions PlayStation 4 et Nintendo Switch débarqueront, ou lorsque les développeurs s’attelleront à la création de DLC, rendant jouables d’autres personnages croisés durant l’aventure.
Points forts
- L'univers, original et esthétiquement réussi, qui invite à la découverte
- Le sound design et les musiques subliment l'ambiance
- Le système de combat et le gameplay, exigeant et sans défaut
- Riche et dense en contenu (20 à 30 heures pour terminer l'aventure du jeu de base)
- Offre son lot de moments mémorables
Points faibles
- Frustrant lorsqu'on erre un certain temps sans trouver le bon chemin (et le cartographe)
- À ne pas mettre entre toutes les mains, de par sa difficulté et son aventure qui laisse le joueur livré à lui-même
- Peu innovant finalement
Si Hollow Knight ne réinvente en rien la formule du metroidvania, il s’affiche à la fois comme une référence et un aboutissement du genre. Demandant concentration, discipline et rigueur, il vous tiendra en haleine pendant facilement une bonne trentaine d’heures, dans un univers peuplé d’insectes aussi riche qu’intrigant. Vos moments d’errances dans ses environnements visuellement charmants ne feront que mettre en valeur son level design ingénieux. Si vous avez aimé Ori and the Blind Forest mais que vous regrettez ses combats peu poussés, foncez sans hésitation.