En 1997, Paul Cuisset et Delphine Software sortait un jeu de motos typé arcade des plus sympathiques : Moto Racer. Le titre a tant et si bien fonctionné que deux suites sont rapidement sorties, avec plus ou moins de réussite. Mais avec la fermeture du studio en 2004, la licence est passée de mains en mains, jusqu'à ce qu'elle soit récupérée par l'éditeur français Microïds, qui l'a confié à Artefacts Studio. Avec pour mission de ressusciter Moto Racer et lui rendre son faste d'antan. Mauvaise nouvelle : la mission a échoué.
Si dans les années 90 vous étiez déjà accro aux jeux vidéo, non seulement vous deviez subir les quolibets des médias généralistes et les rodomontades de vos parents (les gamers d'aujourd'hui ne connaissent pas leurs chances), mais peut-être avez vous vu passer, entre vos mains ou lors d'une soirée entre amis, des jeux aussi exotiques que lamentables. Notamment du côté des jeux de course. Le genre était alors particulièrement prolifique et du côté de l'arcade, les créateurs se lâchaient complètement. L'idée était de créer un jeu qui réussirait à mêler convivialité, sensations extrêmes, et ambiance complètement folle. Parmi ceux qui ont probablement le mieux réussi, on trouve Delphine Software. Un nom qui doit vous rappeler de bon souvenirs puisque c'est chez Delphine que notre Paul Cuisset national a oeuvré pendant près de longues années, notamment sur Flashback ou Darkstone. Le studio pouvait se vanter d'être propriétaire d'un portfolio de jeux divers et variés, qui allait de Another World à Shaq Fu... Et donc à Moto Racer, paru en 1997. Si à l'époque, Moto Racer était avant tout synonyme de fun et de courses mémorables entre amis, autant vous dire que ce nouvel opus ne lui fait pas franchement honneur. Ou alors, s'il le fait, c'est bien maladroitement.
« Art plastique : pneu mieux faire »
Car on serait tenté de croire que les graphismes de ce Moto Racer 4 sont un hommage aux épisodes originaux. Certes, Artefacts n'a pas les moyens de Naughty Dog, mais tout de même. Optant pour une direction artistique légèrement cartoon, avec une utilisation relativement simple de couleurs, ce nouveau Moto Racer 4 ne prenait pas trop de risque, et pourtant, il parvient à s'envoyer au fossé au premier virage. Le titre n'est pas seulement laid, il souffre également d'un aliasing et d'un clipping extrêmement prononcés. C'est pire encore sur certains circuits, comme ceux prenant place en forêt : figurez-vous qu'en pareils endroits, la végétation se fait plus dense, et que l'on y trouve en quantité considérable ce que l'on appelle des arbres. Ces derniers semblent dotés de pouvoirs maléfiques, comme par exemple le fait de métastaser le framerate du jeu qui développe subitement une forme très avancée de cancer. Autant vous dire que sur un jeu techniquement si peu exigeant, on s'attendait au minimum à une image fluide. Ce qui n'est pas le cas, ou trop rarement pour que ce soit excusable. Pour un jeu de course aussi vif que Moto Racer, c'est un véritable problème.
Moto Rasoir 4
Parce que figurez-vous que malgré ces défauts techniques, Moto Racer 4 parvient à nous rappeler pourquoi la licence a conservé pendant de longues années, et malgré un épisode 3 franchement médiocre, une place dans notre petit cœur de gamer. Comme ses prédécesseurs, le titre d'Artefacts met en scène des courses de moto arcade complètement décomplexées, où l'on file à plus de 250 km/h sur des routes désertiques ou des tronçons de périphériques. De fait, les premiers instants de jeu sont assez plaisants : cela va vite, très vite et l'IA semble opposer une forme de résistance qui apporte un certain challenge à la course. Grâce à un wheeling bien placé, il est possible de gagner un léger boost, ou avec la touche Carré (PS4) / X (XB1), de coller un vilain coup de coude à son adversaire. Tout est permis dans Moto Racer 4, et l'on est donc très proche de l'esprit des premiers jeux.
Mais cette sensation disparaît finalement assez rapidement. D'abord parce que le pilotage en lui-même n'offre aucune subtilité, que ce soit sur macadam ou sur terre. Si les jeux arcade de ce genre sont la plupart du temps de bons représentants de l'école du « easy to play, hard to master », Moto Racer 4 serait plutôt de la famille des « easy to master, boring to play ». Au bout de quelques courses, le challenge devient presque inexistant et il faudra cultiver l'art délicat de la mauvaise volonté pour perdre une course. Le système d'étoiles du mode Carrière, qui oblige les joueurs à parier sur leurs performances avant de lancer un défi, est plutôt bien pensé en cela qu'il obligera parfois le joueur à recommencer plusieurs courses pour pouvoir poursuivre l'aventure. Mais une fois les premières améliorations débloquées, le challenge s'écroule petit à petit, et l'on se contente de rouler seul en tête, et même quelques mauvaises décisions ou sorties de piste ne sauraient vous en déloger. Même la direction, beaucoup trop sensible et qui a tendance à ne pas offrir suffisamment de précision dans certaines situations, ne parviendra pas à vous déboulonner de votre première place. Elle est juste frustrante.
D'autant qu'une fois que l'on s'est habitué à la sensation de vitesse, le jeu n'a plus grand chose de passionnant à offrir. C'est en grande partie la faute des circuits, beaucoup trop sages dans leur ensemble. Les courses Dirt, supposément plus lentes et plus techniques, sont juste lentes. La technique ? Tout dépend de votre acceptation du terme, mais sachez qu'il suffit globalement de maintenir enfoncé l'accélérateur, de lever le pied dans certains virages, et éventuellement de vous servir du frein arrière pour effectuer un petit dérapage, et repartir aussi sec. Les circuits dirt sont certes marqués par de nombreuses bosses et tremplins mais il est de toute manière impossible de louper une réception (à moins de le vouloir... et encore), et quelle que soit la manière dont vous abordez cette « difficulté », vous ne serez pas vraiment pénalisé ensuite. L'IA souffre d'ailleurs du syndrome Mario Kart et de nombreux hommes politiques jalousent désormais sa capacité à combler son retards dans le classement. Dans le même temps, elle semble souffrir de narcolepsie et s'endort régulièrement sur son frein, alors même qu'elle était en tête. Autant vous dire que l'on se sent assez rarement challengé. L'ennuie pointe rapidement le bout de son nez.
Le son de l'anarchie
Impossible de terminer ce test sans mentionner un aspect particulièrement désagréable de ce Moto Racer 4 : sa bande-son. Si les compos rock génériques seront bien vite oubliées, on retiendra beaucoup plus facilement le son nasillard des engins que l'on pilote. Ces monstres de la route, capables de vous propulser sans forcer à plus de 250 km/h, produisent un son que ne renieraient pas certains livreurs parisiens à scooters, adeptes des modifications maison pour travailler plus vite. C'est très, très, très désagréable. D'autant que puisqu'on lève assez rarement la main de l'accélérateur, le son varie assez peu, et ce bourdonnement monocorde agace rapidement. À tel point que ce test s'est terminé comme Beethoven, c'est-à-dire sans le son.
Points forts
- Bonne impression de vitesse
- La construction du mode Carrière
Points faibles
- C'est vraiment laid
- Framerate enrhumée
- Pilotage vite soporifique
- La direction trop sensible
- Bande-son prodigieusement agaçante
- Pas mal de bugs
- Manque de challenge
Dommage, on y avait cru. Après une courte et sympathique présentation à la gamescom 2016, Moto Racer 4 nous avait laissé croire qu'il serait un jeu sympathique, pas forcément original mais respectueux de son héritage. Respectueux, il l'est sans aucun doute. Mais de qui ? Pas du joueur, en tout cas. Entre la technique hyper faiblarde, l'ennui qu'il inspire trop rapidement et la bande-son à rendre fou un moine bouddhiste, ce nouveau Moto Racer ne parvient jamais à mettre en valeur ses quelques qualités, à commencer par la construction de son mode Carrière et son système d'étoiles, ou encore un mode multijoueur en écran scindé, chose rare de nos jours. Mais c'est à peu près tout. La prochaine fois, peut-être.