Ah les écrans bleus, la carte graphique qui se met à vaciller, la page web qui se fige, la souris qui ne veut plus rien savoir... les pannes informatiques, tout le monde y a été confronté au moins une fois dans sa vie. Autant dire que si vous êtes allergiques à cet univers binaire, vous aurez sans doute du mal à entrer dans celui de Digimon Story : Cyber Sleuth. Sous ce nom étrange se cache un jeu de rôle avec son lot d'enquêtes numériques, de combats tridimensionnels et de collectionnite à la Pokémon. Bien que cette licence n'ait jamais fait de l'ombre à Pikachu et ses potes, elle vient d'atteindre sa quinzième année d'existence et continue de fédérer de nouveaux fans. Reste à savoir si le jeu parvient à faire oublier les ratages des épisodes précédents...
Digital Monsters, ou plutôt Digimon, est né en 1997. À l'époque, c'était la grande mode des animaux de compagnie virtuels et des micro-consoles portables. Tamagotchi, PocketStation ou même VMU (ou VMS) de la Dreamcast, chaque constructeur rivalisait d'imagination pour faire craquer les joueurs. C'est dans cette mouvance que Bandai, déjà à l'origine du Tamagotchi, a imaginé un gadget électronique popularisant l'élevage, la gestion et l'affrontements de créatures virtuelles. Et puis, au fil des années, la franchise s'est développée avec des jouets, des cartes à jouer, des séries animées, des films et bien évidemment des jeux vidéo. Génération après génération, Digimon a grandi avec ses fans et le dernier épisode en date, Digimon Story Cyber Sleuth, est là pour le prouver.
Jardin d'EDEN
Conçu par des experts de la discipline (Media. Vision est à l'origine de la série Wild Arms), Digimon Story Cyber Sleuth est un jeu extrêmement bavard. Les rencontres avec les PNJ sont nombreuses et ces derniers ont souvent beaucoup de choses à raconter. De ce fait, l'histoire met un certain temps à décoller et les plus impatients pourraient lâcher la manette avant même d'atteindre le premier chapitre. Ce qui serait dommage, car l'effort en vaut vraiment la chandelle. Après avoir créé son avatar (les options sont faméliques, il y a juste le sexe et le nom à choisir), le joueur est projeté dans un univers virtuel, l'EDEN, constitué de hackers, de virus et d'évènements étranges. Le scénario - accessible et dans l'air du temps - ne manque pas d'intérêt. Au sein de l'EDEN, les informations des individus sont piratées et le héros, au fil de ses investigations, découvre qu'un mal terrible frappe les habitants de Tokyo. Ces derniers tombent dans le coma et leur corps reste bloqué dans la "matrice". Pour une raison inconnue, l'âme de l'avatar parvient à se reconstituer un corps et peut, à loisir, se balader entre le monde réel (les différents quartiers de Tokyo) et l'EDEN. Repéré par une détective privée, le héros devient son assistant et devra, non pas reluquer le minois de sa patronne, mais bel et bien résoudre plusieurs mystères. Vous avez ainsi la lourde tâche de sauver les deux dimensions, en vous aidant des étranges créatures que vous croisez dans l'univers numérique.
De Tokyo à la matrice
Découpé en chapitres, Digimon Story Cyber Sleuth propose au joueur se de balader dans différents environnements plus ou moins fermés, en résolvant de multiples affaires. Concrètement, le Nakano Broadway est un hub qui renferme l'agence de détective et c'est à partir de cet endroit que vous pouvez vous déplacer à travers la ville. Les lieux, bien qu'ils semblent assez ouverts, sont finalement restreints et on en fait très vite le tour. Leur variété (centre commercial, hôpital, Shinjuku, Roppongi, station de métro, etc.) est néanmoins appréciable, d'autant que le jeu n'est pas avare en publicités et autres enseignes japonaises. Ne soyez pas étonner de croiser des affiches des jeux Tekken ou des magasins de type Mandarake. En ce sens, la vie tokyoïte, malgré le peu de monde dans les rues, est assez bien reproduite. Cela rappelle d'ailleurs le délirant Akiba's Trip. Et puis, à côté de tous ces environnements naturels, il y a le monde informatique. À forte tendance bleutée, il est représenté sous la forme d'un univers aux structures cubiques, où se côtoient des entités binaires. Très linéaire en matière level-design (tout en couloirs avec quelques escaliers de temps à autre), il n'est pas des plus passionnants à parcourir mais il fait partie intégrante de l'aventure et c'est dans cette zone (entre autres) que la rencontre avec les Digimon a lieu.
Combats de monstres
Les Digital Monsters, comme le nom l'indique, sont des créatures qu'il faut apprivoiser et faire combattre. Les rixes, au tour par tour, se déroulent à l'ancienne. Via un menu, le joueur peut se protéger, effectuer une attaque standard, déclencher ses coups spéciaux et autres sorts, prendre la fuite ou encore accéder à différents items (pour gagner de la vie ou annuler tout effet néfaste de type poison, endormissement, etc.). Dans son approche, Digimon Story Cyber Sleuth est un RPG assez classique, avec tout de même la possibilité d'effectuer des combinaisons de coups en accumulant les affinités offensives entre vos différents Digimon. Ne soyez d'ailleurs pas impatients de tous les réunir. Avec 240 créatures au compteur, il va vous en falloir du temps pour tous les rassembler. Les puristes regretteront que tous les Digimon ne soient pas présents mais il y a tout de même de quoi se faire plaisir ! Comme dans Pokémon, l'histoire ne débute réellement que lorsque vous êtes confrontés au choix de votre Digimon (parmi les trois proposés). Ensuite, au fil de la progression, libre à vous de les faire évoluer pour booster leurs aptitudes ou, au contraire, les faire revenir à un stade antérieur de leur évolution. Cette option, qui rappelle Pokémon, est l'un des aspects les plus funs du jeu !
La vérité est ailleurs
C'est sur ce schéma continuel, entre escapades réelles et virtuelles, que se dessine l'aventure de Digimon Story Cyber Sleuth. Il faut aimer ce côté linéaire - avec des objectifs pas toujours clairs - malgré quelques modes bien sentis. Ainsi, en vous rendant au Digital Lab, vous pouvez soigner vos créatures, faire des emplettes, vous adonner à des combats en ligne, accéder à une bibliothèque recensant toutes les espèces ou encore gérer votre petite escouade et leurs différentes compétences. Il est même possible de chouchouter et d'exercer vos créatures dans la Digifarm, une île qui rappelle le fameux jardin des Chaos de Sonic Adventure . Le jeu a d'ailleurs le mérite de proposer des menus lisibles et une interface agréable. Maintenant, côté réalisation, il ne faut pas s'attendre à des prouesses visuelles. Les graphismes, tout en cel-shading, sont réussis et mettent en avant de beaux personnages et décors. Sur PlayStation 4 (la version testée ici), le rendu est net et sans bavures et les quelques cinématiques sont appréciables. Ce n'est toutefois pas avec ce titre que la console va être mise à genoux. Cela reste tout de même du bon et beau boulot ! Au niveau musical, la présence de Masafumi Takada est pour beaucoup dans l'immersion. Le monsieur est à l'origine des compositions de Killer 7, No More Heroes ou plus récemment The Evil Within et ses thèmes sont très variés et parfois psychédéliques. Avec les doublages japonais, l'impression de voyager est totale ! C'est vraiment très dommage que les textes soient intégralement en anglais. Il est vrai que la licence ne s'extirpe que rarement du Japon, mais l'absence de traduction dans notre belle langue empêche le jeu de s'adresser au plus grand nombre. Et pourtant, il le mériterait...
Bande-annonce de Digimon Story : Cyber Sleuth
Points forts
- L'emploi du cel-shading
- L'impression d'être à Tokyo
- Personnages hauts en couleurs
- Scénario intéressant
- Le principe d'évolution et de désévolution
- Combats dynamiques
- Bonne durée de vie
- Un mode New Game + pour les fans
Points faibles
- Absence de la langue française
- Déroulement linéaire
- Des environnements un peu trop petits
- Level-design limité
- Trop long à démarrer
- Un blabla considérable, impossible à zapper
Avec ses dialogues amusants (avec parfois des thèmes très adultes), son cel-shading de qualité et sa dualité constante entre virtuel et réel, Digimon Story Cyber Sleuth est un jeu soigné. Bien que manquant de rythme par moment, il s'agit d'un chouette J-RPG. On regrette juste une linéarité un peu pesante et des zones trop petites et fragmentées. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit du meilleur jeu Digimon depuis des années et qu'il est, dans l'ensemble, très solide. Les amateurs de collections et les fans de Digimon ont tout pour craquer. À noter que cette mouture PS4 est cross-save avec son homologue PS Vita.