Sortie de l'ombre avec le succès d'Amnesia : The Dark Descent, l'équipe de Frictional Games avait étonnament choisi de confier le développement de son second bébé à The Chinese Room, pour un résultat pas dénué d'intérêt mais à l'accueil mitigé. Le studio suédois revient dans le jeu avec SOMA, un héritier de son plus gros succès se déroulant toutefois dans un univers différent.
Les ingrédients du digne héritier de la longue, grande et belle (vous me dites si j'en fais trop) lignée de System Shock sont bien la : Vue subjective, personnage seul dans une station abandonnée, progression via des phases d'enquêtes et dialogues par outils de communications interposés. Quand à l'héritage d'Amnesia, il se matérialise par la conservation de l'écran qui se trouble en cas de présence d'un ennemi, ainsi que le comportement de ces derniers dont les déplacements sont souvent problématiques pour le joueur.
Le transhumanisme, ca vous tente ?
La partie la plus intéressante de SOMA est son histoire : Vous incarnez Simon, un jeune homme en proie à des crises, sujet d'expérience d'un laboratoire basé à Toronto. Après quelques minutes de découverte de la prise en main, vous guiderez celui-ci dans un fauteuil pas vraiment rassurant pour démarrer une nouvelle étape du processus. Il s'y réveillera avec une furieuse gueule de bois mais surtout dans une pièce totalement différente, sans lumière et vierge de toute vie. C'est à ce moment que SOMA commence réellement, nous faisant explorer une sorte de bunker inquiétant jonché de matière hybrides, mi-organiques et mi-robotique.
Nous ne vous spoilerons pas davantage sur les événements de la suite, mais il est important de s'attarder un instant sur la présence de ces éléments au sein du titre. Le transhumanisme, mouvement prônant l'utilisation des technologies pour améliorer la vie humaine (ralentir le vieillissement, augmenter les capacités intellectuelles, etc...) est le thème central de l'aventure, qui est ici intelligemment traité puisqu'il n'impose aucun point de vue défini au joueur. Nulle morale ne vous attend au tournant, simplement la possibilité de réfléchir aux conséquences d'un tel acte sur la vie humaine et le doute sur le soupçon d'humanité restant aux robots mal en point que vous croiserez dans l'aventure. Doute qui se dissipera notamment lors de cette séquence ou l'un d'entre eux va se mettre à hurler de douleur sitôt que vous aurez coupé le générateur auquel il est relié. On pourra simplement reprocher la réalisation maladroite d'une de ces séquences ou le personnage ne semble comprendre la portée de son acte qu'après l'avoir réalisé, alors qu'il avait quasiment effectué le même 30 minutes avant. Ce cas reste toutefois anecdotique dans l'ensemble des séquences abordant ce sujet. Il y aurait beaucoup d'autres points à aborder sur la narration de SOMA mais l'on se contentera de vous préciser qu'elle se pose comme un point fort du jeu pour ne pas vous gâcher l'expérience scénaristique proposée.
Quelques interactions avec des "personnes" vivantes sont à prévoir
L'horreur sous-marine
L'autre point fort du titre réside dans son ambiance, que l'on peut difficilement détacher du thème évoqué ci-dessus. Le mélange de chairs et de technologies disséminées dans l'environnement couplés à une esthétique rappelant la beauté froide du Rapture de Bioshock offre un rendu inquiétant pour le joueur. Mais l'inquiétude viendra surtout des créatures croisées ici-bas que vous devez impérativement fuir pour espérer survivre, le videur des lieux étant très strict sur le dress code : on laisse ses flingues à l'entrée. Plutôt bien réparties, ces séquences évoquent fortement les parties de cache-cache d'Amnesia mais parviennent à se renouveller grâce à quelques bonnes idées de spécificités des créatures. l'une d'entre elle étant par exemple incapable de vous repérer si vous ne la regardez pas. L'aventure se veut toutefois plus permissive, être attrapé une première fois n'étant pas synonyme de mort : Vous revenez dans la peau d'un personnage blessé, la vue trouble et le regard chancelant pendant quelques minutes avant de retrouver vos sensations. Il faudra être attrapé plusieurs fois avant d'être tué et de devoir charger votre dernière sauvegarde.
Le joueur dispose d'une palette de mouvements là encore sensiblement équivalente à celle du précédent survival de Frictional Games. Il peut tirer profit du lean (se pencher pour regarder en restant caché derrière un mur), déplacer nombre d'objets plus ou moins utiles ou encore interagir avec un ordinateur ou un document. En dehors de quelques réflexions à voix haute guidant le joueur dans les débuts de l'histoire, vous ne serez jamais réellement aidé dans vos phases d'enquête. Le cloisonnement d'une grande partie des niveaux et la petite taille des maps plus ouvertes facilite toutefois la tâche du joueur qui ne sera que rarement perdu au cours de l'aventure, mais devra sans cesse rester à l'affût pour repérer les éléments susceptibles de faciliter sa progression : un code laissé sur une feuille, un levier à activer, mais aussi quelques interactions qui ne surviennent qu'une à deux fois dans l'aventure et permettent de varier un peu les plaisirs. On notera également un choix de design bien mystérieux, celui de l'orifice bleuté avec lequel vous pouvez régulièrement interagir. Presques surréalistes tant l'on se demande comment les développeurs n'ont pas pu y voir un double-sens, ces séquences ont tendance à nous sortir un peu du contexte angoissant et sérieux de l'aventure. Dommage.
On concluera en revenant brièvement sur la partie technique du titre, qui a subi un petit coup de fouet salvateur depuis le dernier soft développé par Frictional Games. Bien plus détaillé et séduisant visuellement que les précédents titres du studio sans être une claque graphique pour autant, SOMA propose tout de même quelques effets très réussis notamment sur la lumière sous-marine. On retiendra tout de même que du point de vue optimisation, le jeu est déjà plus en difficulté et subit quelques plantages sur des bécanes de moins bonnes factures. Les ralentissements sont également présents à chaque sauvegarde automatique et pointent même le bout de leur nez pendant d'autres occasions : Rien de dramatique, mais le studio suédois devra encore progresser sur ce point s'il veut proposer un prochain titre à l'expérience technique irréprochable.
La mort n'est jamais bien loin dans SOMA
Points forts
- Une réflexion intéressante sur le transhumanisme
- L'ambiance à mi-chemin entre Bioshock et Amnesia
- Prend rarement le joueur par la main, sans être trop difficile
- Rythme maîtrisé après l'introduction
- Pas de jumpscare
Points faibles
- Très classique sur la forme
- Soucis d'optimisation
- Démarrage poussif
Pris comme un titre narratif, SOMA est une réflexion intéressante sur le transhumanisme qui laisse intelligemment réfléchir le joueur sur les évènements sans lui prendre la main. Sur la forme, il est déjà plus classique mais a au moins le mérite de reprendre bon nombre de mécanismes dont l'efficacité n'est plus à prouver tout en s'évitant les plus faciles d'entre eux, jumpscares et hausses de sons artificiels en tête. Frictional Games a également su franchir un palier dans la modélisation de ses titres, mais peine encore à se débarrasser des quelques ralentissements et défauts d'optimisation qui lui collent aux basques. SOMA n'est certes pas parfait mais il réussit où on l'attend, c'est bien là l'essentiel.