Connu pour la série Tropico, le studio Haemimont Games abandonne le temps d’un jeu les dictatures bananières pour se lancer dans l’action-RPG sur PC avec Victor Vran. Lorsque l’on parle de hack’n slash, la saga Diablo revient toujours sur le devant de la scène tant elle a influencé le genre, mais on pensera aussi à Path of Exile et son tentaculaire système de talents. L’ami Vran reprend nombre de mécaniques propres à ces jeux, mais évite habilement la confrontation frontale avec la concurrence grâce à une approche différente dans son gameplay, plus dynamique et... bondissant. Mais différent ne signifie pas forcément meilleur, voyons voir si Victor Vran parvient à imposer sa formule...
Ils m'entraînent, au bout de la nuit...
Le titre d’Haemimont zappe la création de personnage au profit d’un héros prédéfini, Victor Vran, un chasseur de démons lui-même habité par une entité démoniaque bavarde, un homme au charisme classique, faciès anguleux, barbe de trois jours et biceps proéminents. On ne verra jamais véritablement le haut de son visage, preuve que le bougre réserve quelques secrets. Une oreille avertie fera assez tôt le rapprochement entre son doubleur (en anglais uniquement) et celui de Geralt de Riv de la trilogie The Witcher, et pour cause, Doug Cockle assure la voix des deux personnages.
L’aventure se déroule en Zaragovia, pays fictionnel envahi par les démons, terre rêvée pour un chasseur comme Victor Vran. Contacté par la reine des lieux, notre tâche sera assez basique : botter des fesses de méchants et dénicher l’origine de cette invasion. Le scénario se construit autour de phases de dialogues sans aucune possibilité de choix de notre part : il s’agit simplement de lire et d’écouter des protagonistes aux doublages réussis. Mine de rien, la recette scénaristique fonctionne très bien, le joueur est plongé en immersion dans les mystères de cet univers grâce à un travail sérieux sur l’ambiance et les dialogues pourtant dénués de tout embranchement narratif. Malgré ses moyens de production limités, on sent que le studio s’est attelé à soigner l’atmosphère globale de l'aventure, preuve en est notre voix démoniaque intérieure qui commente régulièrement nos actions en direct à la manière du narrateur de Bastion, tantôt pour faire avancer l’intrigue, tantôt pour nous narguer.
Victor Vran contre tout chacal
Victor Vran opère plusieurs changements importants par rapport aux poncifs du genre. Il met par exemple de côté la personnalisation du personnage au moyen de pièces d’équipement. Un hack’n slash dans lequel on ne loote pas ?! Quelle diablerie me direz-vous ! Je vous rassure tout de suite, nous ramassons du butin, certes moins que dans un Diablo ou un Path of Exile, mais suffisamment tout de même pour renouveler l’intérêt de la progression. Car tout ici passe par l’influence directe des armes et des compétences sur le gameplay du personnage. Victor n’a pas de classe, il n’y pas de Victor magicien, de Victor barbare, Victor est un chasseur de démons capable de manier un arsenal composé d’épées, de rapières, de faux, de marteaux, de pistolets ou encore de fusils électriques. Il est possible de porter deux armes en même temps et d’alterner entre elles en plein combat pour profiter de leurs avantages. Car chacune d’entre elles est associée à un style d'attaque particulier composé de mouvements spécifiques et de deux capacités uniques. La faux est par exemple capable d'étourdir les cibles pendant un court instant ou de permettre à Victor de tournoyer en mode mixeur sanglant tandis que le marteau dispose d’une puissante attaque sautée et d'un coup chargé dévastateur. On retrouve en quelque sorte des sensations à la God of War dans le changement constant des armes dans les mains du personnage, ce n’est pas pour nous déplaire.
Démon oblige, Victor dispose aussi de capacités actives à sélectionner dans son inventaire. Elles se récupèrent sur les ennemis et confèrent des pouvoirs variés comme une pluie de météores enflammés, une aura vampirique, un rayon de lumière, etc. Une bonne partie du renouvellement de l’intérêt du jeu réside dans la quête de la meilleure capacité ou des meilleures armes selon leur qualité, leurs effets, leur DPS. L'efficacité du héros passera aussi par la gestion des cartes du destin, des passifs à sélectionner dans l'inventaire. Enfin, si le personnage ne porte pas à proprement parler de pièces d’armures, sa tenue influe tout de même sur sa génération de “surpassement”, une forme d’endurance utilisée pour lancer les capacités démoniaques.
Vous rouliez ? Eh bien sautez maintenant !
Victor Vran décide donc d’emprunter le chemin vers plus d’accessibilité, au détriment peut-être de certains joueurs friands de statistiques et de création de build. Fort heureusement, le jeu dispose encore d’un argument de poids dans sa besace : ce bougre de Victor est capable de sauter et d’esquiver les attaques grâce à des roulades. Dynamisme quand tu nous tiens vous disais-je un peu plus haut ! Ces deux ajouts importants sont au coeur des combats, mais aussi du level design des zones. Doté d’un wall-jump, le héros peut en effet prendre appui sur de nombreux éléments de décor pour atteindre des endroits secrets souvent riches en trésors. Il est aussi tout à fait possible de sauter en contrebas dans une zone pour éviter des détours obligatoires dans les autres jeux du genre. Les roulades quant à elles participent à la fluidité globale de l'action. Cependant, hack’n slash oblige, un sentiment de répétitivité peut s’installer après quelques heures de jeu. Il est certes contrebalancé par la carotte de la montée en niveau, de la recherche d’équipement ou du plaisir évident à bondir et à changer d’arme à la volée en combat, mais il est tout de même accentué par un manque de variété du bestiaire, dommage.
Les 10 premières minutes de Victor Vran
L’aventure se divise en cartes regroupées autour du palais impérial, un HUB central disposant de marchands et de PNJ impliqués dans le scénario. Haemimont rajoute une intelligente couche de rejouabilité à ses zones grâce à l’introduction de défis optionnels à accomplir pour débloquer des récompenses en or, en objets ou en cartes du destin. Ils prennent la forme d'objectifs variés tels que trouver tous les secrets d’un donjon, tuer 25 zombies en même temps, ne pas utiliser de potion, etc. Des challenges stimulants aptes à augmenter la longévité du titre. Le choix entre deux niveaux de difficulté est proposé au lancement, normal et difficile (le mode difficile l’étant tout particulièrement pour un nouveau joueur, soyez prévenus). Des runes font leur apparition dès le niveau 12, elles agissent comme autant de petits bonus de puissance et de résistance pour les adversaires, une façon pour le joueur amateur de défis de pimenter son expérience de jeu à la volée selon ses envies.
Victor Vran n’impressionnera pas par sa technique ou la qualité de certaines de ses animations, d’aucuns diront même que sa direction artistique le ferait presque se confondre avec un certain The Incredible Adventures of Van Helsing. La chose est due sans doute à cette ambiance des villes des pays de l’Est à l’époque victorienne. Parfois proche de l'esthétique d’un Diablo, Victor Vran demeure plaisant visuellement, mais peine tout de même à trouver sa propre imagerie sur le long terme. Notez que le jeu dispose aussi d’un mode multi en coop jusqu'à quatre joueurs et d’un support manette pour les amateurs de contrôle au stick. La durée de vie d’un hack’n slash est toujours difficile à quantifier, on constate toutefois que le titre se montre assez court dans une optique d’aventure en ligne droite. Comptez entre 8 et 10 heures pour en venir à bout en mode normal, ajoutez autant d’heures que nécessaire si vous aimez farmer ou réaliser tous les objectifs bonus.
Points forts
- Dynamique à souhait, on saute, on roule, on change d’arme en plein combat
- Des armes à l’influence directe sur le gameplay
- Des pouvoirs variés à changer à la volée
- Narration réussie, histoire agréable à suivre
- Challenges annexes intelligents
- Doublages (VO uniquement) réussis
Points faibles
- Peut se montrer répétitif sur le long terme
- Bestiaire peu varié
- Plutôt court hors objectifs bonus
- Direction artistique peu inspirée
Victor Vran ne prétend pas se frotter aux ténors du hack’n slash que sont aujourd’hui
Diablo et Path of Exile. Il joue sur un registre différent, celui de
l’action-RPG dynamique mettant volontairement de côté une gestion trop poussée
des statistiques au profit d’armes et de talents à l’impact direct sur le
gameplay. Dotée d’une narration réussie, l’aventure se savoure à grands coups de
roulades et de wall-jumps, des ajouts rafraîchissants pour ce type de jeu. On
regrette une direction artistique assez peu inspirée servie par un bestiaire
redondant et l’on espère que le contenu s’étoffera au fil des mises à jour.
Vendu pour moins de 20 €, Haemimont signe tout de même ici une belle entrée en
matière dans le genre. A essayer !