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Test The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

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Le nouveau jeu d'Arte est disponible dès aujourd'hui

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question
103 256 vues
Profil de meakaya,  Jeuxvideo.com
meakaya - Rédaction jeuxvideo.com

Pour porter sa nouvelle pierre à l’industrie du jeu vidéo, Arte a décidé de joindre ses forces avec celle du studio indépendant français LaBelleGames. Ce nom ne vous dit rien ? Pas de panique. Le studio n’avait sorti qu’un seul jeu jusque-là, Eugenics, et il n’avait pas fait grand bruit. Mais avec The Wanderer : Frankenstein’s Creature, le studio signe une œuvre à part. Adaptation très libre du roman de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée moderne (il a d’ailleurs été développé pour fêter le bi centenaire de l’oeuvre), c’est une expérience philosophique, onirique et émotionnelle que nous offre LaBelleGames et qui a d’ailleurs été saluée par la critique lors de sa première apparition à la Gamescom de Cologne 2018. Et ce qui est sûr, c’est que The Wanderer laisse difficilement indifférent.

Trailer : Aquarelle, musique et texte : une oeuvre complète

La Créature se réveille, seule, dans un monde sans couleur, terne, cherchant à tâtons un chemin, mais sans vraiment savoir où aller. Sans la moindre connaissance du monde, il erre et n’a d’autre choix que d’apprendre. Apprendre à voir les couleurs qui l’entourent, à connaître les êtres qui évoluent autour de lui, à reconnaître les langues qu’il entend, et, surtout, découvrir qui il est. Et c’est à tâtons que l’on commence ce jeu également, sans information, sans aide, dans l’ignorance la plus totale. C’est ainsi, main dans la main, que joueur et joué vont évoluer, ensemble, dans cette aventure point’n’click où émotions et questionnements sont à l’honneur.

Rien de nouveau sous le soleil du point’n’click

Il faut avouer que The Wanderer : Frankenstein’s Creature ne se démarque pas par son gameplay. Il vous suffira d’utiliser votre souris la plupart du temps, et quelques touches de votre clavier par-ci par-là. Le gros du jeu consiste à déplacer votre personnage, en cliquant, et choisir entre différentes phrases de dialogue. À noter néanmoins que vos choix auront un impact sur la fin de l’histoire, mais nous y reviendrons plus tard. Entre deux phases de dialogues ou d’exploration, on croise la route de quelques mini-jeux.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en questionThe Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en questionThe Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

Rien de bien compliqué, loin de là. Une petite énigme par-ci, un court jeu de rythme par-là... Et pour les louper, il faut presque le vouloir. Il est clair que si vous cherchez du challenge et une vraie sensation de jeu, ces quelques mini-jeux ne satisferont pas votre soif. Néanmoins, leur simplicité et ce autour de quoi chacun s’articule les rendent cohérents avec l’ADN du titre. Tel mini-jeu mettra en avant la musique, partie intégrante de l’histoire et du jeu, tandis qu’un autre pointera du doigt l’isolement et la différence. De plus, ces séances, placées au bon moment, offrent comme des bouffées d’air entre deux balades ou dialogues, et contribuent à faire de The Wanderer, une expérience équilibrée. On note néanmoins quelques clics hasardeux, dont les effets se révèlent différents que ce qui était prévu.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question
Pas de tutoriel, le jeu montre la voie de lui-même

Côté gameplay, on peut néanmoins reconnaître à The Wanderer son côté très intuitif. Sans indication aucune, on comprend très vite comment se déplacer ou effectuer telle ou telle action. Les seuls doutes qui peuvent s’installer sont très vite dissipés, sans jamais se révéler frustrants. Ils contribuent même à créer cette symbiose immersive avec le personnage, qui découvre ce qui l'entoure à la manière du joueur.

L’art sous toutes ses formes

Ce qui marque le plus dans The Wanderer, c’est bien sûr sa direction artistique. Avec ses tableaux tantôt sombres, tantôt peinturlurés de couleurs vives et chatoyantes, l’environnement s’adapte à l’ambiance, aux saisons et, surtout, aux émotions du personnage. Le style pastel permet une évolution tout en douceur, fluide, qui nous prend par la main afin de nous guider naturellement à travers ces différentes nuances.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en questionThe Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en questionThe Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

Vous l’aurez compris The Wanderer est beau. Mais ne dit-on pas que la beauté ne se limite pas à ce que l’on voit ? Ça, les développeurs de LaBelleGames l’ont bien compris. Car la vraie beauté du jeu réside dans cette parfaite cohésion entre ses visuels, sa bande originale et les émotions qu’ils retranscrivent. La musique, superbement réalisée par Alex Burnett, est ancrée dans le jeu. Elle ne retranscrit pas juste les émotions, elle évolue avec elles. Ainsi, les quelques notes qui accompagnent le début d’un sentiment, se transforment en un thème complet au fur et à mesure que celui-ci prend place dans l’esprit de la Créature.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

De plus, certaines musiques interagissent avec le joueur, défilant quand il décide d’avancer et se rembobinant quand il recule. Ainsi, The Wanderer prend en considération les spécificités du jeu vidéo afin d'impliquer d'autant plus le joueur et créer des sensations qui ne seraient pas possibles par le biais de tout autre média. Cette adaptation ne saurait en effet exister en dehors du spectre vidéoludique. La beauté et l’interactivité de ces différents points font de The Wanderer une œuvre d’art, à part certes, mais tout aussi légitime que Les Métamorphoses ou Tristan et Iseult (qui font toutes deux parties des nombreuses œuvres citées dans le jeu).

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

Les références littéraires ont une grande importance dans The Wanderer. Souvent explicites, elles ponctuent l'aventure et se révèlent parfois au coeur de mini-jeux. Il faut dire que le tout s'alimente de ces références et se base parfois sur ces dernières. Si The Wanderer est une adaptation du roman de Mary Shelley, on peut y voir par moment une réécriture du mythe de Pygmalion, ou encore du Paradis Perdu de Milton. Mais si ces quelques références raviront les fans de littérature, nul besoin de les connaître pour comprendre le jeu. Il s'agit néanmoins d'un petit plus qui permet d'évaluer la profondeur de cette expérience. Une oeuvre faite d'oeuvres et qui se reconnaît comme telle, brisant le quatrième mur à plusieurs reprises. Une décision troublante mais qui ne vous sort pas du jeu pour autant et vous pousse un peu plus à vous questionner.

Apprends-moi, montre les moi

Si The Wanderer était un livre, il serait un Buildungsroman, un de ces romans dans lequel on suit l’évolution d’un personnage à travers sa formation morale et intellectuelle. Deux heures de votre temps et vous voilà plongé dans la tête de la Créature, à la découverte du monde qui l’entoure, des émotions, du bien, du mal et de lui-même. Alors qu’elle se réveille dans un monde dont elle ignore tout, il va falloir tout découvrir, et il en va de même pour le joueur. À l’image du personnage qu’il incarne, celui-ci ne comprend d'abord pas les dialogues des humains qui l’entourent, il doit faire des choix, se remettre en question… Au final, vous faites partie intégrante du jeu, vous le vivez… The Wanderer est ainsi bien plus une expérience qu’un jeu en soit. Une expérience qui force à se poser certaines questions existentielles et à remettre en cause des pensées que l’on croyait pré-établies : la frontière entre le bien et le mal, le sens de l’existence… Une quête de réponses qui vous forcera à voir au-delà des apparences et des a priori.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

The Wanderer nous plonge dans une situation qui est inconnu à la grande majorité des gens : le rejet et la solitude la plus totale. Poussés dans nos retranchements, on est alors obligé de se mettre à la place du personnage, de faire preuve d’empathie, afin de savoir quel serait notre réponse face à cette situation. Le jeu joue avec nos idéaux et nos habitudes, et a le mérite de nous retourner un peu par moment.

Le jeu dont vous êtes le héros

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

Au final, le joueur a une place primordiale dans ce jeu, dont il est à la fois victime et acteur. Car vous aurez le choix dans The Wanderer. Que ce soit au niveau des dialogues ou certaines actions, le jeu vous proposera deux possibilités la plupart du temps. Un choix limité mais qui a bel et bien un impact sur la suite des événements et la fin du jeu. En effet, The Wanderer propose 4 fins différentes et une expérience cohérente, s’adaptant légèrement aux choix faits. Si le déroulement global reste le même, l’expérience change, que ce soit au niveau de la musique, des couleurs, de l’atmosphère ou des émotions et des aspirations retranscrites. Au final, l’expérience évolue selon qui la dirige et la vit. Elle est le miroir du joueur et reflète ainsi sa propre vision du bien, du mal, ou encore de l’existence.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

On peut néanmoins déplorer le manque de choix. En effet, difficile de réellement se faire le miroir de qui que ce soit avec seulement deux propositions diamétralement opposées. Feignantise ou choix réfléchi afin de forcer le joueur à adopter une posture manichéenne, cela n’en reste pas moins frustrant par moment.

Déjà la fin ?

Il ne faut pas longtemps pour arriver au bout de The Wanderer : Frankeinstein’s Creature. En effet, le jeu se termine au bout de deux heures, grand maximum. Une durée de vie bien courte donc, mais, à la fin, on n’en demande pas plus pour autant. Une expérience plus longue aurait sans doute créé une certaine lassitude et une impression de déjà vu, principalement dut à l’aspect répétitif du jeu. Bien que courte, la durée de The Wanderer paraît pourtant juste et bien pensée, évitant la frustration d’un jeu trop court et la redondance d’un jeu trop long.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

C’est au niveau de la rejouabilité que le bat blesse. En effet, qui dit plusieurs fins, dit, le plus souvent, possibilité de rejouer au jeu pour les découvrir toutes. Si en théorie cela est possible, en pratique ce n’est pas conseillé. L’aspect très contemplatif et parfois lent du jeu, qui pourtant ne dérange pas à la première partie, devienne bien lourd quand on en commence une nouvelle. Tout l’aspect découverte et apprentissage, si central à l’oeuvre, n’a plus d’intérêt une fois que l’on connaît déjà le jeu. The Wanderer fait parti de ces expériences qu’on ne peut vivre qu’une fois. Un bon petit plat qui fait vibrer les papilles, mais perd toute sa saveur une fois réchauffé. Il est l'un de ces jeux qui font voyagé un petit temps, après quoi il finisse par prendre la poussière dans notre bibliothèque, comme un bon vieux livre.

The Wanderer : Frankenstein’s Creature - une adaptation poétique, entre contemplation et remise en question

Points forts

  • Plusieurs fins ...
  • Un style visuel travaillé
  • Une bande-son interactive et de toute beauté
  • Une interprétation de Frankenstein qui pousse à la réflexion
  • Une expérience équilibrée et prenante
  • La relation personnage/joueur
  • L’interactivité entre les émotions du personnage, la musique et l’environnement qui rend le tout dynamique
  • Une adaptation qui exploite les spécificités du jeu vidéo

Points faibles

  • ... mais difficile de toutes les explorer sans s’ennuyer
  • Déplacements au clic parfois hasardeux
  • Choix trop manichéens, parfois frustrants
  • Mini-jeux peu stimulants

Alors oui, The Wanderer : Frankenstein’s Creature ne plaira pas à tout le monde. Avis aux fans d’action et de sensations fortes s’abstenir. Mais si vous aimez la contemplation, la réflexion, l’émotion et la poésie, le jeu de LaBelleGames sera pour vous une belle expérience, autant visuelle et auditive, qu’émotionnelle. The Wanderer : Frankenstein’s Creature est une adaptation atypique et à la fois très fidèle, qui use de l’interactivité et de l’immersion propres aux jeux vidéo pour délivrer un message plus percutant. Si bien que l’on passe au-dessus des quelques maladresses de game design, et on se laisse emporter dans ce voyage à travers les états d’âmes de la Créature, au final pas si éloignés des nôtres. Car au fond, la Créature sommeille dans chacun d'entre nous. Amateurs de petites expériences et d'introspection, de poésie et d'art, fous de couleurs et mélomanes, vous pouvez y aller sans crainte. Asseyez-vous, coupez tout le reste, et laissez vous embarquer pour un court instant, à travers les pages de cette oeuvre monstrueuse.

Note de la rédaction

16
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