Outer Wilds est une ode à l’exploration, à la liberté, un espace ouvert dont les mystères attendent d’être percés par le joueur. Sous son apparente simplicité et derrière des mécaniques de jeu intuitives, la production du jeune studio Mobius Digital révèle peu à peu l’étendue de sa magie. Alors enfilez votre combinaison spatiale, faites chauffer vos rétrofusées et décollage pour une aventure unique à l’ambiance exceptionnelle.
L'exploration redéfinie
La galaxie est mourante, condamnée à l’extinction suite à l’explosion d’une super-nova, mais ça, vous l’ignorez lorsque vous ouvrez les yeux au sein de votre petit village natal sur votre tout petit monde d’origine. Vous incarnez un habitant d’Âtrebois, une planète forestière atypique dont la civilisation, bien que peu avancée en apparence, dispose déjà d’un programme d’exploration spatiale. La bonne nouvelle, c’est que vous avez été désigné comme pilote, libre d’explorer le système solaire ; la mauvaise, c’est que votre mission consiste à découvrir les secrets qui menacent de tout réduire à néant. Mais cet ultimatum attendra une première phase d’exploration du village durant laquelle nous nous familiarisons avec les différents outils de notre kit d’explorateur des étoiles. Drone caméra, détecteur d’ondes sonores, combinaison spatiale, la panoplie est simple d’utilisation et tout nous est remis en main propre dès le début du voyage, sans système d’évolution par la suite, car là ne réside pas l’intérêt de cet Outer Wilds.
Non sans humour et facétie, les différents habitants d’Âtrebois nous donnent les premières clés de compréhension d’un univers énigmatique jonché des ruines d’une ancienne civilisation, les Nomaïs. L’une de leur relique entre d’ailleurs en contact avec nous peu avant le grand décollage vers l’inconnu ; une étrange statue à l’origine de la mécanique de jeu la plus importante d’Outer Wilds, la boucle temporelle. Si à bord de son vaisseau le joueur est libre d’explorer les différentes planètes du système à la recherche de connaissances Nomaï, il ne dispose que d’une vingtaine de minutes (22 pour être plus exact) avant l’inévitable destruction de la galaxie. En apparence fâcheuse, cette mécanique de mort programmée aux airs de jours de la marmotte cosmique nous ramène inexorablement au début du jeu sur Âtrebois. Cela ne signifie pas pour autant que toute notre progression repart de zéro, ou qu’Outer Wilds est à étiqueter en tant que rogue lite. Tous les progrès effectués, les runes traduites, le savoir accumulé sont sauvegardés dans le journal de bord de notre vaisseau, prêts à guider notre prochain voyage.
Au centre de l’intrigue dévoilée tout au long du périple, cette boucle temporelle dont seul le personnage incarné par le joueur semble avoir conscience permet à Outer Wilds d’entretenir un rapport tout particulier avec la mort. Car si aucun affrontement ne figure à proprement parler dans le titre du studio canadien, les conditions climatiques, le vide spatial, l’absence d’oxygène ou encore certaines chutes auront tôt fait de nous faire mordre la poussière. Il faut l’accepter et conjuguer l’exploration avec cette fatalité constante autour de laquelle gravite la progression de notre enquête.
Archéologue de l'espace
On débute notre tâche d’archéologue de l’espace à tâtons, à piocher un peu au hasard notre destination du moment parmi la petite dizaine de planètes ou objets flottants à explorer. Aux commandes d’un vaisseau simple à prendre en main et secondé par un pilotage automatique certes parfois capricieux mais utile lors des manœuvres sensibles telles que l’atterrissage, on s’aventure vers l’inconnu à destination de nouveaux mondes remplis de curiosités à amasser. Si tous ces fragments du passé ne signifient pas grand-chose lors des premières heures, le puzzle des connaissances accumulées alimente le journal de bord et de rumeurs du vaisseau. Chaque nouveau détail une fois analysé sert ensuite à planifier la destination de notre voyage lors du cycle spatio-temporel suivant. Cette série de petits objectifs, libres dans la façon d’être abordés, est étroitement lié à une narration environnementale de tous les instants où chaque planète dispose de sa propre ambiance et de ses propres règles physiques.
Et c’est bien cette corde qu’Outer Wilds actionne le mieux, celle de nous transmettre l’envie constante de lever un voile de mystères jamais écrasants par leur complexité ou artificiels dans leur présentation. De micro-objectifs en tâches plus importantes, nous voilà porté durant une vingtaine d’heures d’un bout à l’autre d’un système solaire conçu avec beaucoup de soin , le tout porté par des planètes à l’identité visuelle forte et donc facile à identifier. Si le contexte d’exploration spatiale peut vous faire penser au principe d’un certain No Man's Sky, Outer Wilds n’est pas à ranger dans la même case. Il s’agit d’un jeu d’exploration narratif, sans système de combat, ni gestion d’inventaire ou table d’artisanat. Au petit jeu des comparaisons, il trouverait certains liens de parentés avec Subnautica dans sa capacité à nous immerger (sans mauvais jeu de mot) dans un écosystème si bien fichu, qu’il titille sans cesse notre fibre d’explorateur de l’inconnu.
On s’y pose avec l’espoir de tomber sur de nouvelles informations, protégé par une combinaison spatiale conçue pour nous laisser respirer durant quelques minutes à la surface et dotée d’un système de propulsion bien utile à l’exploration. Là résident les deux seules mécaniques de survie du titre : gérer ses réserves d’oxygène et le carburant de son propulseur. Il n’est d’ailleurs pas rare de terminer un cycle temporel perdu dans l’espace, à la dérive dans l’immensité du vide dans l’attente d’une mort par asphyxie… Tout un programme ! Les contrôles sont avant tout pensés pour la manette, même sur PC où l'utilisation du combo clavier souris se montre moins optimisé. Porté par les découvertes de textes Nomaï déchiffrés par notre traducteur, le joueur prend peu à peu conscience des liens qui unissent cet univers et commence à envisager d’autres utilisations de son équipement. On pointe notre détecteur vers d’autres lieux, à la recherche de signaux émis par différents PNJ aux dialogues croustillants ou autres reliques anciennes. Hormis quelques séquences où le danger vous presse, le jeu ne vous force que très rarement à agir dans l’urgence, la découverte se fait à votre propre rythme face à de nombreuses énigmes environnementales qui encouragent sans cesse la pensée latérale et l’usage détourné de son équipement. Ces casses-têtes sont une grande réussite, malins dans leur conception et surtout intégrés avec soin dans cet univers aussi atypique que crédible.
L'important, c'est le voyage
C’est là que réside la plus grande réussite du jeu à notre sens, celle d’avoir su limiter la taille de cette galaxie dans le but de conférer une personnalité propre à chacun des astres. Paré d’un style cartoon épuré, les planètes et autres comètes alignent des environnements uniques et dépaysants. Là, un astre s’effondre sans cesse sur son propre cœur gravitationnel, ici d’épais nuages masquent un océan balayé par les tempêtes et de colossales créatures menacent votre frêle navette en bois, chaque planète dispose de ses propres règles physiques à l’impact significatif sur la manière de les aborder. L’éventail des émotions lié à l’exploration participe au charme de cet Outer Wilds. De l’émerveillement procuré par la découverte d’une structure Nomaï, on passe au frisson de mourir happé par le vortex sombre d’un trou noir.
Jusqu’aux confins de cet univers créé avec grand soin, la construction ingénieuse du monde secondée par une bande sonore impeccable tout en subtilité donnent au joueur le sentiment qu'il y a toujours quelque chose à découvrir et que ses recherches le conduisent sur le chemin de la vérité. Bercé par la lointaine mélodie des instruments d’une poignée de PNJ perdus dans l’espace, le titre aiguise sans cette notre curiosité, un sentiment récompensé par de petites découvertes qui vous mèneront pas à pas vers la clé de l’énigme de ce système en perpétuelle destruction. Volontairement obscur sur certains points, Outer Wilds n’échappe pas à certains moments d’égarement où le joueur ne sait plus vraiment vers quel astre se tourner pour faire progresser ses recherches, il n’est donc pas rare (surtout lors de la dernière partie de l’aventure) d’errer sans réel objectif en quête d’une nouvelle clé de compréhension, soyez prévenus. Ces moments de flottement renforcent d’autant plus la sensation de calme procurée par l’aventure, et ce malgré l’ultimatum des 22 minutes imposée par la boucle spatio-temporelle.
Points forts
- Un vrai jeu d’exploration
- Des énigmes et une construction globale d’une rare intelligence
- Scénario captivant et bourré d’humour
- Une direction artistique simple, mais agréable à l’œil
- Contrôles simples et intuitifs (à la manette)
- Une très jolie finition audio
Points faibles
- Parfois très nébuleux dans ses objectifs, surtout en seconde moitié d’aventure
- Pilotage automatique capricieux
- Technique correcte, sans plus
- Peu adapté au combo clavier souris
Oubliez les batailles spatiales et les heures passées face à un atelier de craft, Outer Wilds redéfinit d’une manière captivante le sens du mot exploration dans le jeu vidéo. Par un scénario original, qui plus est bourré d’humour, et grâce à un game design ingénieux basé sur la répétition d’une boucle temporelle de destruction, le titre encourage sans cesse le joueur à s’engager sur la voie de sa propre curiosité. Les bonnes surprises s’enchaînent alors au rythme calme de nos découvertes et les mystères de ce système solaire délicieusement atypique se dévoilent peu à peu face à nos yeux d’explorateur en herbe.