En 1990, Lankhor nous donne une suite indirecte à son petit chef-d'oeuvre d'aventure, Le Manoir de Mortevielle, mettant une fois de plus en scène le détective Jerome Lange aux prises cette fois avec un cyclone du nom de Henri qui va le forcer à faire escale sur une petite île recélant bien des mystères. Ainsi débute Maupiti Island, titre phare du début des années 90 qui encore aujourd'hui évoquera d'innombrables souvenirs aux petits Sherlock Holmes en herbe qui s'y sont essayés.
C'est donc après le succès retentissant du Manoir de Mortevielle que Lankhor reprend la formule en transposant son intrigue d'un manoir perdu dans les bourrasques de neige à une île tropicale chargée de mystères. Le titre porte toujours sur le click & play et vous met dans la peau d'un détective par les yeux duquel vont se succéder une série d'images fixes de toute beauté représentant autant de lieux qu'en compte l'île évoquée plus avant.
Le tout commence après l'appontage de votre bateau. A peine avez-vous le temps de souffler qu'on vous signale la disparition d'une jeune demoiselle sur laquelle vous allez devoir enquêter le temps que votre rafiot soit réparé et paré à reprendre la mer. Voici déjà la première chose importante du titre qui est que votre enquête se déroulera pendant 36 heures et pas une minute de plus. A vous dès lors de questionner tous les personnages de l'île, de visiter tous les endroits dissimulant leur lot d'indices, de vous cacher pour épier les faits et gestes de chacun, et ce, afin de démêler le vrai du faux pour démasquer le ou la coupable.
Le titre se déroule donc en vue subjective mais à l'inverse d'un FPS où vous voyez votre avancée dans les niveaux, vous devrez ici cliquer sur une porte (ou toute autre passage) pour sortir d'une pièce et un autre écran de jeu apparaîtra via un agréable fondu enchaîné. Le but du jeu est ici de cliquer sur tous les objets ou meubles que recèlent une pièce pour y trouver de l'argent (utile pour soudoyer un personnage qui n'aurait pas nécessairement envie de vous parler) ou des indices. Vous pourrez à votre guise revenir dans n'importe quel endroit visité mais attention car il ne faudra pas oublier que l'heure tourne. De ce fait, il conviendra très souvent d'aller interroger tous les habitants de l'île une fois que vous aurez trouvé un indice ou si vous avez été témoin d'une rencontre ou d'un événement incongru. Ce n'est uniquement à ce prix que des sujets de conversation apparaîtront (en plus des traditionnelles questions propres à tous les individus ou à leur emploi du temps) et vous permettront d'en savoir un peu plus sur ce qui se trame dans les parages.
Il est à ce sujet assez génial de pouvoir délayer les langues soit en distribuant quelques billets soit en se montrant violent et en distribuant cette fois des bourre-pifs à tout-va. Mais attention à ne pas en abuser car si vous veniez à frapper une pauvre femme, cette dernière se rétracterait et ne vous dirait plus un mot. En contrepartie, si vous veniez à frapper un personnage plus imposant que vous, vous risqueriez de recevoir une raclée et de vous retrouver K.O. pour de nombreuses heures vous faisant perdre par là-même un temps précieux. Le but du jeu était ainsi de vous la jouer finaud et de ne pas faire d'esbroufe. L'autre point important venait de votre capacité à vous cacher (sous un lit, dans une armoire, derrière une penderie...) pour vérifier les faits et gestes de chacun. Vous vouliez savoir si un personnage vous avait dit la vérité ? Rien de tel qu'une petite visite chez lui et un petit temps d'attente sous son lit pour voir à quelle heure rentrerait le bonhomme. Cependant, si vous veniez à être découvert, ce serait une fois encore une porte ouverte au mutisme environnant. De plus, il vous fallait obligatoirement dormir à intervalle régulier, ceci influant sur votre forme physique. En somme si vous étiez dans un état de fatigue avancé et que vous veniez à prendre position devant tel ou tel endroit sachant pertinemment qu'il arriverait quelque chose à une heure bien précise, c'était à vos risques et périls puisque vous aviez alors toutes les chances de vous évanouir et de vous retrouver dans votre chambre, avoir été plusieurs heures dans le cirage, encore un bon moyen pour perdre du temps. Enfin, vous aviez également le choix de suivre un suspect pour vous rendre compte de ses déplacements, ceci se faisant par l'entremisse visuelle d'une petite carte où votre avatar et celui de votre victime étaient affichés en médaillon. Se mêlaient donc étroitement recherches de preuves, filatures, interrogatoires et résolutions d'énigmes tant basées sur le temps, le sens logique ou la combinaison d'indices.
Dire que tout ceci se déroulait dans une ambiance exotique serait un pur euphémisme pour lequel je pourrais être brûlé en place publique. Maupiti Island, s'il délivrait des instants de pure réflexion, amenés par une construction excellente, n'en reste pas moins un monument graphique et sonore. Bon certes, le tout a un peu vieilli aujourd'hui mais à l'époque la réalisation était des plus éblouissantes et impressionnantes. Si vous pouvez voir ce que nous donnaient les environnements de jeux au travers de ces quelques images (témoins d'un souci du détail et d'une recherche graphique poussée via des tableaux vraiment superbes basés sur les couleurs, les ombres ou les ambiances), vous pouvez également entendre ce que donnait la bande-son, cette dernière étant disponible en téléchargement ci-dessous. En sus de celle-ci (qui malgré les diatribes de Dino n'en est pas moins une petite merveille du genre), le jeu bénéficiait de voix digits qui rendaient les dialogues encore plus immersifs. Ok, tous les personnages possédaient le même timbre métallique et seule une voix masculine ou féminine était associée aux personnages mais quel bonheur de pouvoir entendre les NPC discuter avec vous. Ceci étant, cette prouesse (pour l'époque) était déjà de la partie dans Le Manoir De Mortevieille...de sacrés développeurs que ceux de chez Lankhor. Enfin, les bruitages de Maupiti jouaient un rôle prépondérant dans l'atmosphère du jeu, chaque tableau ayant droit à plusieurs bruitages comme le craquement d'un navire amarré, les cris lointains d'un singe ou d'un oiseau, le ressac des vagues contre le rivage, le bruit désagréable de moustiques dansant dans la nuit noire et bien plus encore. Un jeu autant sonore que visuel, et par certains côtés tactile que ce Maupiti Island.
A signaler, que la série des Jerome Lange n'aurait pas dû s'arrêter en si bon chemin, une suite du nom de Sukiya, se passant au Japon (et faisant directement suite à Maupiti), ayant été au programme. Malheureusement, le titre ne sortira jamais suite aux déboires de la boîte française, ce qui fait vraiment de la peine sachant que le projet était à un stade relativement avancé comme le montrent les nombreux screens du jeu disponibles sur le site de Lankhor.
En l'état Maupiti Island est un titre tout simplement mythique, à un tel point immersif qu'il n'était pas rare de refaire plusieurs fois le jeu pour en découvrir toutes les possibilités, toute la richesse intrinsèque, quitte à mourir, quitte à flâner sur l'île pour le simple plaisir d'humer les embruns d'une mer salée ou de dégoter le dernier secret à la mode. Le titre restera donc à jamais gravé dans nos mémoires en tant que chef-d'oeuvre immuable de l'aventure à la française.
Logan