Après avoir incarné l'enfant du diable en 2012 grâce à Lucius, nous voici de retour non pas dans la peau d'un adolescent un peu déséquilibré, mais dans celle d'un bambin effrayé. Si le point de départ de Among the Sleep se montre très intéressant, la voie empruntée par les développeurs ne plaira pas à tout le monde. N'oubliez donc pas que les lignes qui suivent ne représentent qu'un simple avis parmi tant d'autres, celui-ci n'ayant pour autre ambition que de vous donner un aperçu de ce qui vous attend.
Bien qu'il soit de notoriété publique que les films ou romans qui s'amusent avec les peurs enfantines parviennent aisément à susciter la peur chez les adultes que nous sommes devenus, les jeux vidéo ont finalement rarement utilisé cet artifice pour engendrer le malaise. Si Among the Sleep use de ce postulat de départ en nous faisant incarner une choupinette de deux ans, il s'écarte malgré tout des sentiers balisés dans lesquels se sont engouffrés quantité de longs-métrages. En effet, les développeurs norvégiens de Krillbite Studio se sont davantage penchés sur la question de la métaphore, dont nous ne vous dirons rien pour ne pas vous gâcher la surprise, afin de construire une progression engoncée entre cauchemar et réalité.
Dur dur d'être un bébé
Comme précisé plus haut, Among the Sleep nous met dans la peau d'un bambin haut comme trois pommes fêtant, en guise de préambule, ses deux bougies aux côtés de sa mère attentionnée. Malheureusement, à peine a-t-on le temps d'enfourner une part de gâteau que des coups sourds proviennent de la porte d'entrée. Une conversation s'ensuit, le ton monte et sans comprendre ce qui se passe, notre génitrice nous emporte prestement dans notre chambre où débute véritablement notre aventure. C'est en effet à ce moment-là que l'on rencontre Teddy, notre ours en peluche qui profitera d'une double utilité puisqu'en plus de nous rassurer en nous parlant à intervalles réguliers, il aura la faculté de projeter de la lumière dès qu'on le serrera dans nos bras. Utile pour arpenter les coins sombres que nous ne manquerons pas de visiter. Among the Sleep réussit donc plutôt bien son entrée en matière en nous familiarisant avec la jouabilité liée au personnage qu'on incarne. On aura alors le choix de ramper à quatre pattes, afin de nous déplacer plus vite, ou sur nos deux jambes, ce mode de déplacement étant plus lent mais indispensable pour utiliser Teddy ou tout simplement afin d'interagir avec les objets de notre quotidien. Toutefois, ces interactions seront limitées dans le sens où on pourra simplement pousser des objets pour monter dessus (le plus souvent afin d'atteindre des poignées de portes) ou balancer des balles pour toucher des cibles en hauteur. En partant de ce gameplay atypique, Among the Sleep nous confronte ainsi à des scènes banales du quotidien qui sont ici autant de défis pour notre avatar. Intéressant, bien qu'au final, la difficulté ne soit qu'un vague concept.
Catch me if you can
On pourra donc trouver décevant que Krillbite Studio n'ait pas cherché à pousser le concept encore plus loin afin de nous offrir un vrai survival jouant avec les peurs que nous avons tous connues : le monstre sous le lit, celle du noir, etc. Cependant, elles existent bel et bien dans Among the Sleep même si elles servent davantage à nous propulser (trop) rapidement dans un univers fantasmagorique. Ainsi, un placard plongé dans le noir nous servira de porte d'entrée vers une sorte de hub où on reviendra à intervalles réguliers entre deux collectes de souvenirs liés à notre mère. S'il est indéniable que l'ambiance est travaillée et, qu'en marge d'une qualité technique fort discutable, on s'immerge facilement dans ce trip enfantin, les mécaniques de jeu s'enlisent trop vite dans une routine implacable nous demandant le plus souvent d'ouvrir des tiroirs nous servant d'escalier de fortune ou de résoudre deux, trois esquisses d'énigmes pour récolter des objets indispensables à notre progression. Ici aussi, on comprend la logique de la chose, puisque si le bambin s'avère diablement débrouillard pour son âge, on aurait trouvé étrange d'être confronté à des puzzles trop complexes. Le revers de la médaille est qu'on boucle le titre en 2h30 maxi et qu'il n'y aura aucun intérêt à y rejouer, surtout que lors de notre premier run, le contexte et quelques indices par trop évidents nous mettent rapidement la puce à l'oreille concernant la fin. Malgré tout, cela ne nous empêche pas d'apprécier l'ensemble d'autant qu'à la moitié de jeu, on devra échapper à une sorte de boogey man semblant issu d'un conte des Frères Grimm. Sans pour autant tomber dans de l'infiltration, on devra cependant utiliser notre capacité à ramper pour se cacher sous des meubles, dans des placards afin de ne pas subir le tant redouté game over peu punitif néanmoins puisque nous faisant revenir légèrement en arrière grâce à divers checkpoints.
Baby, come-back
En somme, il est difficile d'émettre un avis tranché sur Among the Sleep tant le soft oscille entre excellentes idées et déceptions. A contrario, on ne peut en vouloir au studio qui a développé le jeu qui leur plaisait, imparfait mais essayant d'offrir un point de vue sur des problèmes pouvant toucher n'importe qui. Notons enfin que si vous disposez d'un Oculus Rift, l'immersion n'en sera que plus grande, certains passages devenant beaucoup plus réussis que derrière une souris, un clavier ou une manette. Rappelez-vous tout de même que le plus important dans l'histoire est de savoir qu'il ne s'agit pas d'un pur survival-horror, mais plutôt d'un voyage mû par une vision du monde enfantine d'où découlent cauchemars et amis imaginaires. Un parti pris engagé pour un projet Kickstarter qui aurait peut-être mérité un peu plus de moyens et de temps pour peaufiner certains aspects laissés de côté.
Points forts
- Excellente idée de départ
- L'ambiance est travaillée
- Une métaphore intéressante...
Points faibles
- Ne cherche pas vraiment à faire peur
- Mécaniques redondantes synonymes d'absence totale de difficulté
- ... même si elle annonce trop rapidement la fin
- Durée de vie faiblarde (environ 2h30)
- Prix excessif
En jouant et terminant Among the Sleep, on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'aurait donné le titre si les développeurs étaient restés dans un carcan plus réaliste en jouant avec les peurs primaires des bambins. Par certains côtés, ces dernières sont bien au centre de l'histoire, même si elles ne représentent qu'une métaphore dont on vous cachera la teneur afin de ne pas vous spoiler. De fait, au-delà d'une aventure intéressante et de bonnes idées, le titre de Krillbite Studio ne semble pas avoir utilisé tout le potentiel de son excellent postulat de départ. Frustrant, d'autant qu'à ce ressenti s'ajoutent une durée de vie minime, une progression longitudinale et une absence de challenge.