"Tuez un de vos camarades de classe, ou passez le reste de votre vie en captivité - et quand le procès arrive, confessez votre meurtre et recevez une exécution atroce, ou échappez-vous avec le sang de tous les autres sur vos mains." Voilà à quoi est confronté Makoto Naegi, lycéen tout ce qu'il y a de plus ordinaire, quand il est invité à la prestigieuse Hope's Peak Academy. La rentrée scolaire de rêve que s'était imaginée Makoto risque de ne pas se dérouler comme prévu…
Hope's Peak Academy. Le lycée où tous les étudiants du Japon voudraient se rendre. Sortir diplômé de là-bas garantit un avenir radieux à l'élève ayant eu la chance d’y avoir fait ses études. Car on ne peut pas être accepté dans cette école de manière classique : pas d'examens ou de concours, la sélection se fait par invitation seulement. Hope's Peak ne recrute que la crème de la crème de la jeunesse japonaise : seuls les lycéens ultra-doués dans un domaine particulier auront le privilège de recevoir une invitation. Ainsi, chaque élève reçoit un titre correspondant à son talent, comme l'Ultime Programmeuse, l'Ultime Joueur de base-ball, l'Ultime Ecrivain, l'Ultime Nageuse et bien d'autres. Makoto Naegi fait lui aussi partie de ces Ultimes lycéens, et pourtant, il n'est qu'un garçon parfaitement ordinaire, sans talent remarquable et moyen dans tous les domaines. Mais ce n'est pas l'avis de Hope's Peak Academy, qui a décidé d'inviter Makoto après... qu'il ait été tiré au sort dans une loterie nationale organisée par l'école. Makoto obtient donc le titre d'Ultime Chanceux, et c'est avec espoir et impatience qu'il arrive à Hope's Peak, bien décidé à commencer une nouvelle vie auprès de ses nouveaux camarades de classe, tous plus talentueux les uns que les autres. Mais les choses se gâtent quand les élèves se retrouvent piégés au sein de l’école : toutes les issues se retrouvent bloquées par des plaques de métal indélogeables. Les élèves commencent rapidement à paniquer. Mais soudain retentit une annonce du directeur, invitant tous les lycéens à rejoindre le gymnase de l’école pour commencer la cérémonie d’ouverture comme prévu. Malgré leurs inquiétudes, les élèves, poussés par la curiosité, s’y rendent, et rencontrent enfin le directeur qui va éclaircir les circonstances étranges entourant leur situation. Tout se serait bien passé si le directeur était une personne normale.
Ultime (mal)Chanceux
Peu d’écoles peuvent se vanter d’avoir pour directeur un ours en peluche contrôlé par télécommande. C’est pourtant le cas de Hope’s Peak Academy, dirigée d’une main, ou plutôt d’une patte de fer, par Monokuma. D'emblée, sa simple présence donne le ton de Danganronpa : un mélange entre sérieux et humour, entre comédie et tragédie. Le jeu mélange habilement les genres sans que les deux fassent conflit. Néanmoins, ce n’est pas de l’humour quand Monokuma annonce aux élèves qu’il a l’intention de les garder prisonniers dans l’école pour toujours. Mais il existe un seul et unique moyen de s’échapper. Il suffit simplement de tuer un autre élève, et le faire sans être découvert par les autres. Pourquoi ? Monokuma répondrait “Parce que”. Tout de suite, les graines du doute se plantent dans l’esprit de chacun. “Serai-je trahi ? Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je peux être sûr que je ne le ferai pas moi-même ?”. Le désespoir, la peur de l’autre, la peur de soi-même, ces adolescents autrefois insouciants vont maintenant être confrontés à une situation digne de Battle Royale. Qui tentera sa chance ?
Bien sûr, qui dit meurtre dit procès. Monokuma s’empresse avec un malin plaisir d’en expliquer les redoutables règles. Après une courte période d’enquête, les élèves débattront dans un tribunal scolaire sur l’identité de l’assassin. S’ils parviennent à identifier le coupable, lui seul sera puni, et tous les autres élèves auront le droit de continuer leur vie à l’école. En revanche, si le coupable parvient à cacher sa culpabilité et à berner le reste de la classe, tous les innocents seront punis, tandis que le tueur recevra symboliquement son diplôme et le droit de quitter l’école, abandonnant tous les autres à leur sort. Quel genre de punition ? Pour faire simple… une exécution.
Une vie scolaire (a)normale
Après ce préambule lugubre, les élèves n’ont d’autres choix que de cohabiter ensemble s’ils espèrent trouver une échappatoire avant qu’il n’en manque un ou deux à l’appel. Le jeu est divisé en plusieurs phases, la première étant la Daily Life. Ici, l’intrigue avance doucement, et Makoto est libre d’explorer à sa guise l’école (tant qu’il n’est pas bloqué par les grilles en fer ou les portes verrouillées), essayant tant bien que mal de résoudre les mystères entourant sa situation. Il peut aussi choisir de passer du temps avec ses camarades pour peu que ceux-ci soient disponibles. Les personnages sont globalement attachants, mais certains plus que d’autres. Bien qu’ils soient proches de la caricature, ils restent tout de même très agréables, et on finit inévitablement par se prendre d’affection pour certains élèves, espérant de tout coeur qu’ils ne seront pas les prochaines victimes. Certains renversent les clichés, mais que vous accrochiez aux personnages ou non, une chose est sûre : ils ne vous laisseront pas de marbre (on se surprend même à adorer, à être fasciné par Monokuma, qui pourtant est un véritable psychopathe). Les moments où Makoto peut passer du temps avec ses amis s’appellent les Free Time Events, des petites scènes optionnelles où notre protagoniste peut se rapprocher d’eux, en apprendre plus sur leur histoire, et même leur offrir des cadeaux. Ces scènes contribuent à ajouter de la profondeur aux personnages, surtout à quelques-uns qui en sont cruellement dépourvus si on choisit de ne pas accomplir leurs Free Time Events. Car oui, même si on peut retarder l’échéance, on ne peut pas l’éviter, et ce qui devait arriver arriva. Un meurtre !
Une vie scolaire anormale
Sachez que sous ses airs horrifiques, l’ambiance de Danganronpa reste relativement bon enfant. Mais bon enfant ne signifie pas que le jeu ne procure pas de sensations fortes ou d’émotions intenses ! L’atmosphère devient pesante, la fausse bonne humeur s’évapore, l’optimisme et l’espoir s’envolent : c’est la Deadly Life, la deuxième phase du jeu. Finie la vie communale paisible (bien que ternie par le fait d’être piégé dans une prison dorée), la priorité de chacun est de trouver le coupable, car la vie de tout le monde est désormais en danger. Les enquêtes, assez simples et courtes, sont aussi plutôt linéaires. Il faut passer chaque zone liée au meurtre au peigne fin, récolter des témoignages auprès des autres élèves, tout ça sous la menace de Monokuma qui guette, l’air bien trop amusé par ce spectacle au goût de Makoto. L’interface du jeu est pensée pour grandement faciliter la tâche au joueur : d’une pression de bouton, tous les éléments examinables de la pièce où l'on se trouve apparaissent en surbrillance pendant un court instant. Il suffit d’ouvrir la carte de l’école pour se téléporter à sa guise, et éviter ainsi les allers-retours pénibles. Des points d’exclamation apparaissent sur la carte pour indiquer les zones d’intérêt reliées à l’enquête ou bien pour faire avancer l’intrigue, évitant ainsi de tourner en rond.
Makoto prend note de chaque indice qu’il trouve, et la liste est consultable à tout moment dans le menu du jeu. Un historique de conversations est également disponible, et extrêmement pratique au cas où l’on passerait trop rapidement une phrase. L’enquête enfin terminée, Monokuma invite tous les élèves à se rendre dans les souterrains de l’école pour commencer ce qui est le plus grand point fort de Danganronpa : les fameux procès scolaires.
Réfutations à coup de revolver
Ah, les procès scolaires, où les coupables contre les innocents vont livrer une bataille sans merci pour le salut de leurs âmes, le tout sous l’oeil d’un Monokuma plus enthousiaste que jamais. Tous les coups sont permis ici, et c’est au joueur de déterminer le vrai du faux, le traître de l’allié, le coupable de l’innocent. Avant chaque procès, on a la possibilité de faire ses préparatifs, c’est-à-dire de revérifier une nouvelle fois chaque indice trouvé au cours de l’enquête (on peut également à tout moment les passer en revue en cours de procès), et, plus important, équiper des Skills, des bonus qui serviront en procès, tels qu’augmenter le temps limite des épreuves, ou allonger sa barre de vie. Les skills sont débloqués grâce aux Free Time Events, alors attention à ne pas les rater ! Les procès de Danganronpa se démarquent par leur dynamisme et par le fait qu’il faut unir non seulement réflexion, mais aussi réflexes et timing pour les réussir. Intégralement doublées, que ce soit en japonais ou en anglais, les voix contribuent grandement à ce dynamisme. Ce sont les phases de procès qui donnent au titre “Danganronpa : Trigger Happy Havoc” tout son sens (dangan signifie balle de pistolet, et ronpa réfutation) : tout ici a pour thème et symbole le pistolet. Chaque procès est découpé en plusieurs mini-jeux que le joueur devra réussir afin de progresser et de percevoir peu à peu la vérité. Ces mini-jeux, tous basés sur le scoring, sont très différents les uns des autres, et chaque épreuve a un temps limité histoire de rajouter de la pression. Bien que Danganronpa soit un visual novel, les mini-jeux qu’il propose ont l’air complètement déplacés sur le papier, voire même hors sujet. Des mini-jeux d’adresse couplés à des musiques électro dans un visual novel avec pour thème des enquêtes de meurtre ? N’importe quoi ! Et pourtant, une fois le jeu en main, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’en fait, ce cocktail improbable fonctionne. Le premier mini-jeu s’appelle le Nonstop Debate, et c’est aussi le plus fréquent. Chaque élève prend la parole, sans pause, et le joueur doit correctement viser les mots où il pense trouver une contradiction avec ce qu’il sait, puis tirer après avoir choisi la bonne munition / preuve pour réfuter l’affirmation de son camarade.
Le second mini-jeu est le Hangman’s Gambit, qui est comme son nom l’indique, un simple pendu où il faut reconstituer un mot-clé en visant les bonnes lettres qui apparaissent à toute vitesse à l’écran. Ensuite vient le Bullet Time Battle, un débat effréné en un contre un où le joueur doit littéralement tirer sur les protestations d’un élève un peu trop campé sur ses positions, en appuyant sur les boutons en rythme avec la musique. Ce mini-jeu ne fera pas l’unanimité et demandera un temps d’adaptation car il est assez laborieux, mais une fois maîtrisé, il devient tout de suite beaucoup plus agréable. Enfin, le Closing Argument marque la fin des procès. Cette fois, le joueur doit reconstituer un manga expliquant le déroulement du meurtre mais dont il manque certaines cases, un peu comme un puzzle. On reprochera à certaines pièces du puzzle d’être trop peu claires et forçant le joueur à les choisir un peu au hasard. Ceci dit, les Closing Arguments sont une touche très réussie, et le joueur ne peut que s’émerveiller lorsque Makoto finit ses explications en accusant à contrecœur, mais tout de même solennellement, le coupable, qui est désormais conscient de sa tentative ratée et de son exécution imminente.
Car c’est ça aussi, Danganronpa : sacrifier le coupable afin de rallonger un peu sa propre vie pour une durée incertaine. Il est très difficile de détester les tueurs, car ils ne sont en fait que les pantins de Monokuma, manipulés par leur désir de vouloir s'échapper de l'école, et l'ourson sadique attise ce désir à coeur joie, fournissant régulièrement aux élèves un nouveau mobile chaque fois plus persuasif. Au final, ce sont les innocents qui mènent les coupables à la mort, et c’est parfois avec un pincement au coeur et un sentiment d’injustice que l’on se voit forcé d’accuser nos personnages favoris, et d’assister à leur exécution violente, certaines dignes des pièges mortels des films Saw.
En conclusion, les procès sont le plus grand atout de Danganronpa, et il est extrêmement difficile de décrocher de sa console une fois qu’ils commencent. Les retournements de situations foisonnent, et à chaque fois, on se dit que la prochaine révélation ne pourra pas être aussi incroyable que celle qu’on vient de voir… mais si. La possibilité de modifier la difficulté des procès est un avantage non négligeable : il existe deux paramètres, Logique et Action, et trois niveaux de difficulté, Gentle (doux), Kind (gentil) et Mean (méchant). La difficulté globale est croissante, mais le jeu reste relativement facile, et il arrive que cette facilité gâche un peu le plaisir de jeu.
2D ? 3D ? … 2.5D ?!
On ne peut pas parler de Danganronpa sans citer sa direction artistique qui mérite une section à part entière. La première chose qui, admettons-le, choque, est le style littéralement “2.5D” du titre. Les personnages et les meubles sont des silhouettes en carton dans des environnements 3D. Au début vraiment dérangeant, on déplore, puis… on finit par adhérer. Cet esthétisme est tellement délibéré, tellement volontaire qu’on ne peut qu’être impressionné devant cette audace de la part de la direction artistique, qui devait être consciente que le design pouvait rebuter. Côté design des personnages, il y en a pour tous les goûts, et là aussi, des risques ont été pris en donnant à certains personnages une apparence extrêmement éloignée des standards habituels. L’esthétique notamment dans les couloirs de l’école sont à souligner. Les couleurs s'y succèdent pratiquement sans transition, et d’une certaine façon, dérangent le joueur, contribuent à cette atmosphère claustrophobique et oppressante. Au fait, maintenant que vous êtes familiarisé avec l’esprit “déjanté” de Danganronpa, vous ne devriez pas être trop surpris d’apprendre que le sang du jeu n’est pas rouge… mais rose vif.
Encore ! J’en veux encore plus !
Même si Danganronpa est linéaire, il propose une durée de vie très conséquente. 25 heures environ seront nécessaires pour boucler l’aventure principale. A cela, on rajoute les Free Time Events, qui demanderont beaucoup de temps pour être totalement complétés. La liste de cadeaux que l’on peut offrir à ses camarades requiert également du temps pour être achevée : il existe pas moins d’une centaine d’objets à récupérer. Le jeu possède également des scènes cachées qui se déclenchent uniquement si l’on possède le bon item au bon moment. Enfin, on a accès à une galerie géante où sont rangés artworks officiels, concepts arts, scènes du jeu, musiques, et bien sûr vidéos. Qui est partant pour regarder les violentes exécutions encore et encore ?
Mais le plus gros bonus de Danganronpa est le School Mode. Ce mode, disponible en finissant le jeu une fois, est en fait une toute nouvelle histoire où les élèves sont toujours enfermés comme prévu dans l’école, mais jamais forcés de s'entretuer, suite à un manque de préparatifs de Monokuma. C’est parti pour un mode radicalement différent du jeu habituel. Pas de meurtres, pas d’enquêtes, pas de procès, School Mode est en fait une simulation de relations amoureuses où Makoto en fait craquer plus d’un(e). Sous ses airs de mode bonus ajouté à la va-vite, School Mode est en fait un jeu de gestion bien plus élaboré qu’il n'en a l’air. Outre les phases de drague, chaque élève doit également réaliser des tâches quotidiennes (faire le ménage, collecter des matériels pour Monokuma, se reposer) et il faudra correctement assigner chaque personnage à chaque tâche afin de parvenir au bout de ce mode. Bien que répétitif, School Mode se révèle être très addictif, et honnêtement, c’est assez amusant de voir Makoto bâtir une sorte de harem où filles et garçons sont conquis par lui !
Points forts
- Un scénario captivant
- Le dynamisme des procès
- Un contenu énorme (intrigue principale, School Mode, Free Time Events, galerie de vidéos, musiques, concepts arts)
- La possibilité de refaire n'importe quel chapitre déjà terminé à partir du tout début, ou passer directement au procès
- On peut à tout moment regarder ses scores des procès dans le menu principal
- Choix à volonté entre les voix japonaises ou anglaises
- Procès intégralement doublés
- Différentes difficultés disponibles
- Une OST remarquable signée Masafumi Takada (Killer7, No More Heroes)
- Une localisation très réussie
- Durée de vie conséquente (environ 25 heures pour l'aventure principale, et 50 heures pour le trophée platine)
- Une direction artistique très originale...
Points faibles
- … Mais qui demandera un temps d'adaptation
- Barrière de la langue anglaise
- Globalement un peu trop facile malgré le choix de la difficulté
- Certaines phases de procès parfois laborieuses
- Quelques questions laissées en suspens
Danganronpa : Trigger Happy Havoc fait partie de ces perles vidéoludiques, méconnues du grand public, mais dont les joueurs qui ont eu la chance de le faire ne peuvent pas s'empêcher de s'exclamer "J'ai bien fait d'essayer ce jeu !". C’est ça, l’esprit Danganronpa, un jeu qui à première vue n’a pas l’air d’avoir une identité propre, où tout se mélange de manière disgracieuse, alors qu’en réalité, cette hétérogénéité fonctionne et constitue l’identité du jeu. Danganronpa est un titre à posséder absolument sur Vita, et vous auriez tort de ne pas lui laisser sa chance si vous maîtrisez l’anglais. Car malgré son étiquette visual novel, un genre encore trop peu répandu en Occident, le jeu possède assez de charme et d’atouts pour attirer un public beaucoup plus large, à l’image de ses procès et de ses personnages hauts en couleur qui ne laisseront personne de marbre. La suite, Danganronpa 2 : Goodbye Despair, déjà sortie au Japon en 2012, est d'ores et déjà annoncée pour l’automne 2014 dans nos contrées. En espérant que Monokuma reviendra plus en forme que jamais pour nous proposer une aventure encore plus palpitante que celle-ci.