Cela faisait près d'un an que nous avions laissé Deponia de côté. Conçu dès le départ pour être une trilogie, le point'n click de Daedalic Entertainment était, en dépit de ses incontestables qualités, resté dans l'ombre, davantage connu des amateurs du registre que par le grand public. La faute sans doute à une absence de localisation française du deuxième épisode à la sortie du jeu. Le problème est aujourd'hui corrigé, et Goodbye Deponia, dernier épisode des tribulations de Rufus, bénéficie de sous-titres français au jour de sa sortie.
Avant d'aller plus avant, un bref point pitch s'impose. Vous incarnez Rufus, sorte d'antihéros égocentrique à l’excès et terriblement attachant, vivant sur Deponia, une planète jonchée de déchets. Entretenant le désir ardent de quitter cette planète-décharge, Rufus tente désespérément de rejoindre la ville aérienne d'Elyseum, paradis flottant et luxuriant, peuplé d'êtres immaculés et intellectuellement supérieurs. Dans sa quête, il fait la rencontre de Goal, Elyséene de son état, dont il tombe éperdument amoureux. Accompagné de sa belle et de quelques amis bien loufoques, Rufus découvre une conspiration venant directement du monde aérien, qui a pour but de faire exploser Deponia avec tous les habitants qui s'y trouvent. Votre double machiavélique élyséen, Clétus, a en effet rendu un rapport à ses supérieurs, déclarant Deponia déserte et dépeuplée. Votre quête sera d'arriver avant l'instant fatidique afin d'avertir les autorités d'Elyseum que Deponia est bel et bien habitée, et qu'il serait donc fort regrettable de la rayer définitivement de la carte.
On prend les mêmes et on recommmence
Si Chaos on Deponia ne faisait pas avancer énormément l'histoire, il a tout de même permis au joueur, en plus de lui faire bénéficier de situations burlesques et franchement drôles, de faire plus ample connaissance avec les personnages principaux de l'histoire, tous plus allumés les uns que les autres. Goodbye Deponia, s'il sert cette fois d'épilogue à cette aventure entamée il y a un peu plus d'un an de cela, reprend les choses là où on les avait laissées. Vous êtes en compagnie du Doc, de Goal et de Bozzo dans le chalutier de ce dernier, et comme à son habitude, Rufus va enchaîner les catastrophes qui seront autant de prétextes à la découverte d'un univers riche et toujours aussi soigné. Les décors, intégralement dessinés à la main sont encore une fois superbes et variés, et c'est un régal de progresser dans l'histoire pour voir à quel prochain tableau l'imagination fertile de Daedalic a donné vie.Car en définitive, comme dans les épisodes précédents, l'histoire de Goodbye Deponia prend son temps pour dévoiler ses enjeux et ses buts. En effet, les informations essentielles à l'avancement de l'intrigue ne sont diffusées qu'au compte-gouttes, et au prix de la résolution d’énigmes très farfelues sans rapport immédiat avec la trame principale. Mais ce n'est pas une tare pour Goodbye Deponia, bien au contraire. L'histoire principale vous réservera un très grand nombre de surprises, et de nombreuses allusions aux épisodes précédents jalonneront vos péripéties.
Daedalic Entertainment a conservé une recette qui fonctionne à merveille. Dès le départ de l'aventure, et comme à chaque épisode, vous vous trouvez face à un mini-didacticiel vous permettant d'appréhender les commandes qui ne diffèrent en rien des mécaniques de la plupart des point'n click à l'ancienne. Un roulement de molette pour afficher l'inventaire, clic gauche pour prendre et droit pour regarder, tout cela vous est malgré tout expliqué dans une scène interactive hilarante, dans laquelle même Rufus s'indignera du fait que certains aient encore besoin d'explications pour des commandes aussi simples. Et le reste de l'aventure ne démordra pas de ce parti pris second degré, très drôle, à l'humour tantôt cocasse, tantôt grivois, parfois plus affûté pour le plus grand ravissement du joueur, souvent pris à partie par les réflexions de Rufus. Les autres personnages, les plus connus comme les moins connus, sont toujours là, à subir inlassablement les bourdes et la prétention extrême de Rufus. Goodbye Deponia a d'ailleurs encore travaillé les relations entre les protagonistes, créant un attachement supplémentaire à chacun d'entre eux et à l'univers dans lequel ils évoluent. Les nouveaux personnages secondaires sont bien entendu hauts en couleur et ce sera bien souvent que vous rirez de bon cœur face aux nombreux dialogues, sous-titrés en français rappelons-le, servis par un doublage tout bonnement délicieux.
Une bonne dose d'humour et de l'arrachage de cheveux
Les énigmes ne sont pas en reste, vous vous en doutez. Goodbye Deponia reprend la grande tradition des point'n click, sans offrir plus d'assistance au joueur que la possibilité d'afficher les éléments interactifs du décor. Il faudra donc faire preuve de créativité et d'un peu de folie pour venir à bout de certaines énigmes assez retorses. Car avant de comprendre qu'il faut faire sortir un homme venu du passé occupant des toilettes insalubres, afin de récupérer du papier toilette abrasif dans le but de limer une pièce trop grosse pour un distributeur de tourtes qu'il vous faut pourtant utiliser pour nourrir un ami, vous tournerez pendant un certain temps. Et c'est aussi de cela que naît le plaisir, de ces instants de solitude que connaissent tous les fans de point'n click un peu déjantés : se retrouver à tenter de combiner tout et n'importe quoi dans l'espoir « que ça fonctionne ». Par ailleurs, si certaines énigmes paraissent complètement tirées par les cheveux, on se rend compte qu'en définitive, elles répondent toujours à une certaine logique, décalée, à l'image du jeu.
C'est pourquoi malgré sa grande réussite, Goodbye Deponia ne plaira pas à tout le monde. Si vous pouvez parfaitement faire cet épisode sans avoir joué aux précédents, vous passerez à côté d'un nombre incalculable d'informations et de clins d’œil savoureux. De plus, Deponia ayant sa logique propre, vous vous sentirez plus à l'aise avec les énigmes si vous avez déjà parcouru les deux premiers volets. La patte graphique peut également diviser, le parti pris d'offrir des animations un poil rigides peut en rebuter certains, tandis que d'autres y verront un hommage vibrant aux vieilles gloires du jeu d'aventure. Les cinématiques sont quant à elles trop expéditives et parfois tout à fait dispensables, même si cela ne suffit pas à hacher le rythme de cette aventure séduisante en bien des points. Si elle s'adresse avant tout aux fans de point'n click capillotractés, laissant sur le carreau les autres joueurs, la saga Deponia n'en reste pas moins une véritable réussite dans son registre.
Points forts
- Des personnages déjantés et attachants
- Un univers inspiré et agréable
- L'humour omniprésent
- La cocasserie des situations
- L'originalité des énigmes
- Des doublages de grande qualité
- Sous-titré en français dès sa sortie
Points faibles
- Animations un peu rigides
- Quelques énigmes très capillotractées
- De menues erreurs de localisation
Goodbye Deponia reprend les choses là où Chaos on Deponia les avait laissées. Toujours aussi joli et toujours aussi drôle, ce troisième volet de la série vous fera à nouveau vivre une aventure loufoque, dans un univers particulièrement soigné et inspiré. Très ancré dans la grande tradition des vieux point'n click, Goodbye Deponia pourrait rebuter le plus grand public en raison de l'étrangeté de certaines énigmes et de sa réalisation très old-school. Les autres seront quant à eux ravis de retrouver Rufus et sa bande de bras cassés pour un nouveau baroud d'honneur. Au revoir Deponia et merci Daedalic pour l'ensemble de cette aventure.