Quoi qu'on puisse en dire, les FPS bien old-school, bas du front et bourrins qui ont constitué fut un temps l'âge d'or du genre ne sont plus légion aujourd'hui. Comme s'ils n'avaient plus leur place au cœur des shooters à la première personne plus élaborés, plus scénarisés. Pourtant quelques irréductibles s'échinent encore à proposer des FPS à l'ancienne dans l'esprit, mais empreints de modernité dans l'enrobage. L'équipe de CI Games est de ceux-là. Alien Rage, le dernier-né des écuries responsables de la série des Sniper Ghost Warrior, est vendu à bas prix et semble s'orienter vers un gameplay qui fleure bon la vieille marmite. Exercice périlleux que de tenter de faire du neuf avec du vieux, Alien Rage transforme-t-il l'essai ?
A la lecture de l'introduction, vous l'avez compris, Alien Rage est un FPS bourrin, qui ne fait pas vraiment dans la dentelle, alors point de vue scénario, il ne faut pas s'attendre à grand-chose de rare. Vous incarnez une sorte de marine de l'espace qui vient défourailler de l'alien sur une immense météorite. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en 2242, et l'United Earth Company (pour laquelle vous bossez) a trouvé le moyen d'extraire de la météorite une ressource énergétique, le promethium, sorte de super-carburant capable d'alimenter en énergie la Terre entière. Sauf qu'évidemment, les Vorus, espèce extraterrestre, veulent leur part du gâteau et viennent la récupérer sur place. Si humains et Vorus sont parvenus à cohabiter, la guerre a vite été déclarée entre les deux espèces, et votre compagnie explique que si la race humaine ne peut pas avoir tout le promethium, personne ne l'aura. A vous de faire exploser tout ce beau monde et le caillou sur lequel il vit. Nous aurions aimé évoquer une sorte de message politico-philosophique en filigrane, mais non, rien de tout ça, juste un prétexte au plus teigneux des bourrinages.
Vous me le faites bien dégagé derrière les oreilles mon FPS, s'il-vous plaît
Vous débarquez donc tout frétillant dans votre énorme armure qui rappelle l’esthétique d'un Gears of War, et c'est parti. Coaché via oreillette par une intelligence artificielle bien insolente et votre patron un peu blasé, vous avancez dans un complexe minier futuriste. L'esthétique est loin d'être à vomir, l'Unreal Engine 3 en a encore sous la godasse et City Interactive entend nous le prouver en proposant un univers cohérent, des effets de lumières agréables et certains panoramas plaisants à l’œil. Pas de quoi décoller la rétine, mais la direction artistique est de bonne facture, plutôt un bon point pour Alien Rage. La prise en main est quant à elle immédiate : avancer, s'accroupir, viser et tirer, balancer une grenade, à l'ouest, rien de nouveau, si ce n'est qu'au niveau sensations, la lourdeur du personnage se fait immédiatement sentir. Incapable de bondir à plus de 2 cm du sol (et donc de franchir la moindre caisse qui vous barre la route), votre marine interstellaire peut malgré tout courir comme un athlète bien entraîné. Les premiers adversaires arrivent et là, c'est la boucherie qui commence. Vous disposez de trois armes : un flingue classique, une arme à deux mains à munitions standard et une arme énergétique alimentée par le Promethium. Il ne vous en faudra pas moins pour atomiser l'ensemble des adversaires qui, agressifs et souvent en surnombre, viendront vous assaillir de toutes parts.
Dès les premiers combats vous assimilerez la brutalité des affrontements, la nervosité du jeu et la patate des armes. En définitive, les premiers instants d'Alien Rage sont plutôt fendards si tant est que l'on se sente à l'aise avec les FPS old-school. Les ennemis surgissent de n'importe où, vous avez la gâchette nerveuse, et, élément clé des combats du jeu, des caisses chargées en Promethium jalonnent le complexe minier. Particulièrement explosives, et disséminées un peu partout, ces caisses vous permettront (lorsque vous aurez le temps de les voir) de désintégrer un tas d'ennemis à la fois, ce qui fera augmenter votre score. Car oui, il existe une dimension scoring dans Alien Rage qui vous permettra, en fonction de vos faits d'armes, de débloquer plus ou moins rapidement des compétences pour votre personnage. Vous aurez donc la possibilité d'augmenter le chargeur de vos armes ou votre résistance à l'étourdissement par exemple. Le scoring rappelle délicieusement le principe de Bulletstorm (vous faites exploser 5 ennemis avec un baril, vous obtenez des points supplémentaires), avec les intitulés d'Unreal Tournament. Bref, les influences d'Alien Rage sont solides, mais ne sont pas des modèles de délicatesse. Votre personnage non plus d'ailleurs. Tout au long des échauffourées, vous l'entendrez hurler comme un damné ou faire des blagues un peu grasses. Parfois plus nuancés, certains dialogues entre vous et vos supérieurs sont franchement drôles, de temps à autre malgré eux, mais très souvent référencés. Die Hard, Metal Gear Solid, South Park, les assertions de vos partenaires comme les vôtres sont prétextes à de multiples clins d’œil qui sont certes parfois amenés grossièrement mais font mouche à chaque fois. Très bavard, tout ce petit monde ponctue de réflexions les combats les plus féroces, il est alors conseillé d'être relativement à l'aise avec l'anglais pour ne pas perdre de temps en lisant les sous-titres et mourir bêtement. Car aussi bourrin soit-il, Alien Rage présente un challenge un peu déstabilisant.
Un équilibrage bien peu cohérent
En dépit de la lourdeur manifeste de votre armure, qui est censée justifier votre difficulté à sauter par exemple, votre marine ne doit porter en réalité qu'une protection en papier aluminium. Votre très faible résistance contraste très largement avec la brutalité des combats et l'invitation pourtant permanente à jouer comme une brute épaisse. On apprend donc très vite à se poster à couvert (bien souvent derrière des éléments destructibles), et à attendre la régénération automatique avant de retourner à l'assaut vers des hordes d'ennemis aussi idiots qu'agressifs. Et ils sont très agressifs. Et tous lourdement armés. Certains auront des capacités de corps-à-corps, d'autres pourront s'envoler, le bestiaire n'est pas très inspiré mais reste assez varié pour diversifier les plaisirs. Néanmoins, s'ils sont bien équipés, ils sont tous dépourvus de cerveau. Le comportement de vos agresseurs n'a rien de pertinent, ils ne prendront pas la peine de vous contourner ou de vous surprendre. Au contraire, il sera juste nécessaire de se planquer derrière une caisse, de ne plus en bouger et d'attendre que les aliens qui vous ont repéré rappliquent un à un en face de votre canon chargé à bloc. La chevrotine fera le reste du boulot. En revanche, leur grand nombre et leur capacité à très (trop) bien viser compensent largement leur stupidité, et vous mourez très souvent, à tel point que la progression peut en devenir frustrante, d'autant plus que les checkpoints sont assez éloignés les uns des autres. Votre panel d'armes lui, bien trop limité pour un jeu qui se voudrait old-school n'a pas grand-chose d'extraordinaire pour vous sortir du pétrin. Les armes énergétiques ont les mêmes effets que les armes traditionnelles réduisant à néant toute nécessité éventuelle d'adapter votre équipement à telle ou telle situation. Les 9 boss qui ponctuent la fin de certaines des 14 missions que vous mènerez dans Alien Rage soufflent le chaud et le froid, en proposant un challenge bien trop épicé puis subitement plus accessible. Et malheureusement, l'ennui finit par pointer le bout de son nez, en dépit d'une durée de vie assez courte.
Une faible durée de vie à peine compensée par le multijoueur
La campagne solo d'Alien Rage se compose de 14 missions qui se bouclent en moyenne en 15 et 20 minutes chacune. Soit une longévité d'environ 5 heures. La faible durée de vie devrait au moins permettre au joueur d'être happé par l'action, mais la monotonie des environnements et la pauvreté du scénario n'aident pas à se sentir concerné par ce qui devient vite une succession de combats qui se ressemblent. Pourtant, les efforts ont été faits pour qu'Alien Rage ressemble à du FPS old-scool en diversifiant les scènes d'action : passages sur les rails, phases de mecha, boss, ennemis nombreux, rien n'y fait. Les dialogues amusants et la férocité des combats ne parviennent pas à sauver la platitude de la réalisation et la monotonie de votre aventure. Malgré tout, il subsiste une dimension fun dans Alien Rage, des gunfights énergiques pour que l'on parvienne à s'amuser, d'autant que, nous ne l'avons pas encore précisé, le jeu n'est vendu qu'à 20 € sur Steam. Bien entendu, les espoirs que le mode multi fasse durer le plaisir s'installe à la fin de l'aventure, et là encore, la déception est de mise. Bien trop classique, le mode multijoueur ne propose qu'un mode Deathmatch et Team Deathmatch vu et revu. On aurait aimé un peu plus de diversité, quitte à ce qu'Alien Rage s'inspire d'un bon vieil Unreal Tournament, mais le contenu multi se contente du strict minimum et ne parviendra pas bien longtemps à vous accrocher au jeu. A l'exception des aficionados du scoring, qui tenteront de faire et refaire l'aventure pour augmenter leurs points et battre les meilleurs du classement mondial, vous ne reviendrez sans doute pas sur Alien Rage. A noter que seule cette version PC propose un multijoueur, les versions consoles sont vendues moins chères, mais ne disposent pas d'un mode multi.
Points forts
- Un bon gros défouloir à l'ancienne
- Les dialogues très référencés qui ne manquent pas d'humour
- Plutôt agréable esthétiquement
- Un prix abordable (20 €)
Points faibles
- Un challenge inutilement relevé
- La faiblesse frustrante de votre personnage
- La monotonie des décors
- Faible durée de vie
- Un contenu multijoueur peu attractif
Alien Rage n'est pas un mauvais jeu. Dynamique et défouloir, très drôle par moments grâce aux nombreux clins d'oeil qui existent en jeu, le FPS de CI Games vous fera, pour son petit prix, passer un bon moment. Mais sa difficulté mal calibrée, sa monotonie de gameplay comme d'environnement, sa faible durée de vie et le classicisme de son mode multi nivellent le niveau par le bas. Alien Rage n'est pas une réussite, mais pas un ratage complet non plus. A vous de voir si vous désirez investir dans une aventure pas désagréable et décomplexée, mais que vous oublierez aussi vite que vous la terminerez.