A l'heure où certains projets financés par le biais de kickstarter.com commencent à se heurter au principe de réalité, on en viendrait facilement à douter de la viabilité du concept. FTL : Faster than Light arrive à point nommé pour nous redonner foi dans le crowdfunding. Des ambitions mesurées, un game design aux petits oignons et l'art de solliciter l'imagination du joueur, nourrie à la culture SF, pour compenser un certain manque de moyens : Subset Games est parvenu à exploiter avec intelligence les fonds levés, et à combler les espoirs des contributeurs.
Lorsque votre projet Kickstarter se fait financer à hauteur de 20 fois son objectif initial, il y a de quoi avoir la tête dans les étoiles. Mais Justin Ma et Matthew Davis ont su garder les pieds sur terre pour permettre à Faster than Light de décoller en douceur et d'atteindre le firmament. Ce Rogue-like dans l'espace, qui ne pèse que quelques dizaines de méga-octets et peut être lancé en mode fenêtré à côté de votre page Word, vous propose de rallier l'autre bout de la galaxie à bord de votre petit vaisseau afin de prévenir la Fédération de l'invasion imminente de la flotte Rebelle. Mais sa grande force est de parvenir à faire de ses limitations techniques et de son pitch basique un outil de suggestion fascinant : combinant un univers de space opera ultra-référencé à des mécanismes addictifs inspirés des jeux de rôle papier (on pense à Alternity ou encore au très bon jeu de plateau Space Alert), FTL représente la concrétisation d'un véritable fantasme de geek.
Votre périple d'un bout à l'autre de la galaxie vous amènera à traverser huit secteurs différents, avec possibilité de déterminer votre cheminement en optant pour des systèmes plus ou moins hostiles. Certains sont aux mains de la Fédération, d'autres sont contrôlés par les Rebelles, et d'autres encore ne sont que nébuleuses inexplorées, mais ils recèlent tous leur lot de dangers, qu'il s'agisse de rencontres inamicales ou de risques environnementaux. Chaque système est constitué d'un réseau de balises entre lesquelles vous évoluez à la faveur de bons spatiaux à vitesse lumière. Libre à vous de visiter tous les points d'intérêt, mais il vous faut atteindre la sortie du secteur avant de vous faire rattraper par la flotte Rebelle (dont la progression est visible), tout en gardant un oeil sur votre jauge de carburant. A chaque étape, un petit topo textuel vous informe de la situation : c'est parfois le calme plat, mais vous êtes plus souvent confronté à un événement aléatoire qui vous soumet à un choix cornélien. Porter secours à un vaisseau civil sous le feu d'un pirate, ou céder au chantage de cet assaillant qui essaie de vous corrompre pour que vous détourniez le regard ? Prendre, ou non, le risque d'accoster à cette station orbitale en flammes pour éteindre l'incendie et bénéficier en retour de sa générosité ? Le signal de détresse que vous venez de localiser est-il un guet-apens tendu par l'ennemi ou un pilote à la dérive susceptible de rejoindre votre équipage ? FTL dispose d'un petit côté "Livre dont Vous êtes le Héros", sachant que les options les plus aventureuses sont souvent les mieux rétribuées, mais qu'en cas de défaite, vous perdez tout. Le jeu reprend en effet le concept, si cher aux Rogue-like, de mort permanente.
Les affrontements n'en sont que plus tendus ; chaque action doit être pesée avec le plus grand discernement, pause active à l'appui. Votre vaisseau et celui de votre adversaire bénéficient d'une représentation schématique, avec vue plongeante en 2D, qu'on croirait sortie d'un jeu de rôle papier. Les différents systèmes y sont représentés clairement, de façon à ce que vous puissiez les cibler avec vos armes : désactiver le bouclier pour avoir la coque à l'usure, neutraliser le potentiel offensif pour encaisser moins de dégâts, détruire le générateur d'O² pour étouffer l'équipage... Vous n'avez que l'embarras du choix. L'ennemi dispose lui aussi de ces options, ce qui rend les affrontements riches, stratégiques et terriblement exigeants. Votre moteur vient de lâcher ? Un incendie s'est déclaré dans une salle sensible ? Des envahisseurs ont abordé votre vaisseau ? Prenez le risque d'envoyer vos hommes résoudre le problème, sachant que vous ne bénéficiez que de 3 membres d'équipage en début de partie, et qu'ils déserteront donc leur poste. Or, chaque système est plus efficace si un homme y est affecté (un pilote permet d'augmenter le potentiel d'esquive du vaisseau, un artilleur de réduire le cooldown des armes, etc.). Ne négligez pas non plus les risques environnementaux : champs d'astéroïdes causant des dégâts réguliers, nébuleuses rendant les radars inopérants, orage ionique divisant par deux la puissance de votre réacteur... La puissance fournie par le réacteur principal peut heureusement être réaffectée au besoin en cas de situation critique. Bref, chaque victoire sonne comme un soulagement, surtout quand elle vous permet de looter de précieuses ressources (scraps, carburant, missiles, pièces de drone...).
Les scraps représentent la monnaie qui vous permet d'upgrader votre vaisseau. Chacun des systèmes principaux (boucliers, armement, moteur...) peut être amélioré, de même que certains dispositifs secondaires (des portes coupe-feu peuvent s'avérer bien utiles). Mais il faudra alors penser à booster la puissance de votre réacteur pour alimenter tous ces systèmes gourmands. Vous croiserez également des marchands plus ou moins bien achalandés, susceptibles de vous fournir de nouveaux équipements : salle de téléportation permettant d'envahir les vaisseaux ennemis, drones divers et variés augmentant votre potentiel offensif ou défensif, radar longue portée fournissant quelques renseignements sur ce qui vous attend, etc. Certains de ces équipements seront déjà montés de série sur votre bâtiment ; car si vous n'avez qu'un seul choix au départ, vous pourrez débloquer jusqu'à neuf types de vaisseaux différents en accomplissant certaines prouesses. Chacun est spécialisé, car basé sur les particularités de la race à laquelle il est associé, ce qui modifie sensiblement la façon d'aborder les combats. Vous aurez d'ailleurs la possibilité de recruter jusqu'à huit représentants de races diverses et variées afin de constituer un équipage aussi cosmopolite que polyvalent. Affectez-les avec soin, étant donné que chaque espèce excelle dans un rôle donné (réparation, pilotage, combat...) et que vos hommes peuvent gagner de l'expérience et s'améliorer en accomplissant leurs tâches. Sachez enfin que la présence à bord d'un équipement spécifique ou d'une espèce donnée ouvre à de nouvelles possibilités et à des options de dialogue supplémentaires permettant de résoudre plus facilement certains événements.
Le boss final étant plutôt corsé (y compris en mode Facile), vous serez souvent confronté au dilemme suivant : "grinder" au maximum pour vous préparer à l'affrontement final, ou bien aller à l'essentiel en évitant tout danger superflu. Car la loi qui prévaut dans FTL, c'est indéniablement celle de Murphy. C'est toujours quand vous êtes le mieux préparé que vous décidez de prendre le risque qui vous coûtera la partie, sachant qu'un simple grain de sable est susceptible de ruiner tous vos efforts. Vous avez décidé d'ignorer ce minime incendie dans la baie médicale afin de mobiliser les efforts de l'équipage sur la résolution du combat en cours ? C'est le moment que choisira l'ennemi pour débarquer à l'improviste dans votre salle des moteurs, vous contraignant à lutter sur trois fronts à la fois et vous poussant à regretter de ne pas avoir opté pour le drone de défense proposé par le dernier marchand rencontré. Cette variable aléatoire, qui fait à la fois le charme et le potentiel de rejouabilité de Faster than Light, représente parfois un élément de frustration étant donné la "permadeath" ; mais vous mourrez souvent en étant persuadé de savoir ce qui a cloché, et en jurant de ne pas commettre la même erreur à l'avenir. Chaque game over vous renverra à un tableau de scores et de statistiques couvrant l'ensemble de vos parties, ce qui nous amène à formuler un regret : l'absence de leaderboard, qui vous aurait permis de comparer vos scores et de bénéficier d'un référent vous motivant à vous surpasser. En l'état, il faudra vous tourner vers les forums, où vous apprendrez pour l'occasion que la communauté planche sur une traduction française avec l'aval de Subset Games. Les anglophobes apprécieront !
- Graphismes10/20
Comment le dire poliment ? C'est pas beau et on s'en fiche. Assez proche, dans l'esprit, des jeux d'aventure textuels des années 80, FTL parvient à faire de ses limitations techniques et de sa schématisation minimaliste un outil de suggestion fascinant.
- Jouabilité18/20
Facile à prendre en main, tutorial à l'appui, FTL ne distille ses possibilités que de façon très progressive. Le gameplay est particulièrement ingénieux et suffisamment riche. A défaut d'être un modèle de design, l'interface est un modèle de clarté.
- Durée de vie14/20
Deux heures suffisent à faire tomber le boss final en mode Normal, mais vous mourrez maintes fois avant d'y parvenir. La rejouabilité est importante, avec un cheminement non linéaire et des situations suffisamment variées pour ne pas se lasser trop vite.
- Bande son15/20
La bande originale futuriste de Ben Prunty est enivrante et participe pour beaucoup au plaisir de jeu. Dommage que les bruitages soient plus en retrait : leur minimalisme assumé ne passe sans doute pas aussi bien que celui de l'aspect graphique.
- Scénario/
FTL : Faster than Light est un des titres les plus captivants de cette fin d'année. Pour l'apprécier à sa juste valeur, il faut sans doute avoir été biberonné à la culture SF et avoir passé ses années de rôliste à crayonner des plans sur des feuilles quadrillées. Mais pour qui est encore capable de faire fonctionner son imagination à l'heure où prime l'utra-réalisme, c'est un véritable fantasme de geek qui prend corps. Vous comprendrez cela quand, pris sous le feu ennemi dans un champ d'astéroïdes, alors que vos boucliers sont HS, que vos réserves d'oxygène baissent dangereusement et que votre équipage tente désespérément d'éteindre l'incendie qui se propage à la salle des moteurs, vous en viendrez à en redemander. Car vous allez aimer ça !