C'est avec la Playstation et la Saturn que les jeux en trois dimensions se sont démocratisés pour aujourd'hui exercer un monopole quasi absolu dans le petit monde du jeu vidéo. Cependant, il n'a pas fallu attendre plus tard que 1992 pour que Sega se lance dans le développement de sa nouvelle borne arcade baptisée Model 1 et qui révolutionna notre monde vidéoludique en offrant l'un des tout premiers moteurs 3D de l'histoire. Virtua Racing, passé de démo technique à jeu à part entière, avait alors reçu la lourde mission, en tant que premier jeu du système de démontrer le potentiel de cette nouvelle technologie. Mais ce qui nous intéresse présentement, c'est le portage deux ans plus tard de ce même jeu sur Megadrive, une console qui avait jusqu'alors exclusivement brillé dans des jeux en deux dimensions. Une question surgit brutalement : est-elle à la hauteur ?
Avant de se lancer à corps perdu dans la description à proprement parler de Virtua Racing, il est de bon ton d'enrichir sa culture générale en se penchant sur des informations plus techniques mais ô combien fascinantes. Il faut tout d'abord savoir que le jeu a également été porté sur Megadrive 32x et sur Saturn, la qualité graphique et le contenu variant à chaque fois. Alors que ces deux consoles faisaient des moteurs trois dimensions leur fer de lance, la Megadrive n'était absolument pas faite pour s'immiscer dans ce domaine et c'est justement pour cette raison que ce portage est intrigant. Première observation qui peut déjà nous mettre la puce à l'oreille, le prix du jeu était plus élevé que celui de ses homologues, ce qui laissait présager l'utilisation d'une technologie novatrice à l'époque. Ces soupçons se confirment une fois la cartouche de jeu en mains : elle est en effet deux fois plus grande qu'à la normale et son sommet arrondi lui confère un look futuriste. Mais qu'est-ce que cette cartouche peut bien renfermer de si particulier ? La réponse tient en trois lettres : SVP. Ceci est en réalité les initiales d'une toute nouvelle puce (Sega Virtual Processor) qui allait octroyer à la Megadrive la capacité de faire tourner des jeux en 3D polygonale. Cette révolution technologique était la réponse de Sega à la puce Super FX de Nintendo qui était utilisée dans le même but dans des jeux comme Stunt Race FX sur Super Nintendo. Malheureusement, les coûts élevés de développement auront raison de cette puce 3D et Virtua Racing restera le seul et unique jeu à en bénéficier.
Fini de bavasser, il est temps d'entrer dans le vif du sujet ! On manipule avec précaution cette étrange cartouche et on met la console sous tension. Vous êtes prêt ? A vos marques, go ! Première constatation : on ne nous avait pas menti, c'est de la véritable 3D qui est au rendez-vous. La séquence d'introduction du jeu n'est autre qu'un replay d'une course, accompagné d'une musique entraînante qui va vous secouer un bon coup. Les angles de caméras vont alors changer régulièrement pour nous laisser admirer notre bolide sous différents angles (caméra fixe dans les virages, dans le cockpit en ligne droite etc.). C'est ce qui se passe dans l'intégralité des jeux de courses actuels avancerez-vous. Certes oui, mais gardons à l'esprit que nous sommes en 1992 et que Sega va alors poser les bases du genre. L'excitation du moment passée, on remarque tout de même que la qualité graphique est inférieure que sur bornes arcades, le degré de pixellisation étant franchement plus élevé et le jeu ayant tendance à scintiller un petit peu. Mais qu'importe finalement puisque la console s'aventure dans un domaine qui lui est étranger et nous fait démonstration de tout ce qu'elle a dans le ventre.
Comme on ne veut pas admirer cette séquence d'introduction pendant des heures, il est temps de lancer la partie. Première déception, le jeu propose uniquement un véhicule (une Formule 1) et trois courses. Chaque course correspond à un niveau de difficulté (facile, moyen et difficile) qui se traduit bien sûr par des virages plus serrés et des routes plus étroites. Heureusement, chaque circuit possède également un décor qui lui est propre. Big Forest qui renferme un parc d'attractions, Bay Brige avec son pont suspendu qui offre une vue sur la mer et Acropolis, avec ses terribles épingles à cheveux. En ce qui concerne les sensations de conduite, oubliez les simulations automobiles car c'est la convivialité et la simplicité qui sont à l'honneur. Le soft demande de faire intelligemment appel à la pédale de frein et d'accélération. Si vous appréhendez un virage trop serré à trop grande vitesse, vous déraperez pour finir hors de la route et perdrez donc du temps. On note au passage que les collisions ne sont pas très recherchées, la voiture ne pouvant que tournoyer sur elle-même ou faire quelques sauts périlleux arrière avant de retomber sur la route. Si votre conduite n'est pas assez agressive par contre, les 16 concurrents présents dans chaque course et qui sont particulièrement féroces vous mettront la pâtée. Vous l'avez compris, le jeu est relativement difficile et il est judicieux de faire un saut dans le mode Contre la montre pour étudier les circuits. Essayez de voir à quels endroits il faut freiner et où vous pouvez rouler à tombeau ouvert. La voiture peut être conduite en automatique mais pour profiter pleinement de son accélération, mieux vaut apprendre à jouer en manuel et changer les vitesses vous-même.
En plus du grand prix et du Time Attack, un mode deux joueurs a été implémenté. C'est une vraie surprise dans la mesure où l'on mettait déjà en doute les capacités de la Megadrive à produire de la 3D. Comme dans les autres modes, le jeu ne souffre pas du moindre ralentissement et les sensations de vitesse (car le jeu va extrêmement vite) sont bien présentes. Petit bémol, la distance d'affichage est réduite et les décors apparaissent à quelques dizaines de mètres seulement de vous. Il est toujours possible de choisir entre quatre vues différentes : dans le cockpit, la vue normale, éloignée et très éloignée. C'est d'ailleurs ici qu'il va falloir faire un choix crucial. Le jeu allant très vite, les angles de vue proches du sol demanderont beaucoup de concentration pour pouvoir distinguer les virages. Les vues éloignées, certes plus claires enlèveront les sensations de vitesse. On regrettera aussi que ce mode multijoueur à deux en écran splitté ne permette de faire la course que contre un ami, les voitures dirigées par l'intelligence artificielle ne pouvant être affichées.
- Graphismes17/20
Difficile d'attribuer une note objective aux graphismes. D'un côté, la Megadrive parvient enfin à produire de la 3D grâce à la puce SVP. Les graphismes sont en deçà de la version arcade, ce qui se traduit par de la pixellisation à outrance mais la fluidité et la vitesse du jeu restent cependant irréprochables, même en mode deux joueurs. D'un autre côté, de l'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de Virtua Racing et la 3D a incroyablement progressé pour nous proposer des expériences de jeu toujours plus réalistes. Sous cet angle de vue, ce jeu est terriblement moche mais ne comparons pas l'incomparable.
- Jouabilité13/20
Le jeu se prend immédiatement en main, d'autant qu'un seul bolide est à votre disposition. Il faut néanmoins un certain temps d'adaptation pour le maîtriser à fond : le temps d'étudier les parcours pour savoir à quel moment freiner ou accélérer. Les collisions sont grossièrement gérées. Pas de dommages sur la voiture et pas d'upgrade non plus.
- Durée de vie6/20
Une voiture, trois courses et trois modes de jeu. C'est vraiment pauvre, pour ne pas dire indigent. Une fois le grand prix gagné, il ne reste que le mode deux joueurs comme excuse pour ressortir le jeu du placard où il reposera la plupart du temps.
- Bande son13/20
Rien de vraiment transcendant. Les musiques lors des replays et dans le menu principal sont sympathiques et plutôt rythmées sans être extraordinaires. Les jingles musicaux à l'approche des checkpoints et de la ligne d'arrivée sont aussi accrocheurs. Par contre, le bruit omniprésent du moteur est vraiment agaçant.
- Scénario/
D'abord développée comme démo technique d'un nouveau moteur 3D, Virtua Racing va finalement sortir sur bornes arcades puis trouver son chemin sous forme de portages entre autres sur Megadrive. Des graphismes en vraie 3D polygonale et une vitesse de jeu effrénée sont les atouts principaux de ce jeu et sont relativement fidèles à la version arcade. Le problème ne vient pas des capacités limitées de la machine de salon de Sega, mais est intrinsèque au jeu. Et d'ailleurs, peut-on vraiment parler d'un jeu à part entière ? La réponse est probablement non. Une telle pauvreté de contenu est un véritable affront à tous les joueurs et le soft se rapproche plus d’une curiosité vidéoludique ou d’une démonstration de moteur 3D qu’à autre chose. A la question de savoir si la Megadrive peut faire tourner des jeux en vraie 3D, la réponse est oui, c'est possible. Sauf que parfois, il vaut mieux s'abstenir…