Depuis sa sortie en 2004, Painkiller a engendré plusieurs rejetons plus ou moins légitimes : PK Overdose, NecroVisioN... Mais cette progéniture n'est pas parvenue à tuer le père, qui reste à ce jour intouchable. Le roi des FPS bourrins attend toujours son digne successeur. Or deux prétendants au trône arrivent à quelques semaines d'intervalle : Dreamkiller et Painkiller Resurrection. Voyons d'abord quels sont les arguments du premier.
Dreamkiller est le second projet du jeune studio Mindware, fondé à l'origine pour développer Painkiller : Overdose. Pas totalement mauvaise, cette première création souffrait néanmoins d'un certain amateurisme et d'une trop proche parenté avec le seigneur PK. Le jeu ressemblait en effet à une copie carbone du FPS de People Can Fly, mais en nettement moins inspirée. Sans doute conscient de ce problème, Mindware a choisi de prendre ses distances avec le mythe fondateur, de proposer quelques idées neuves, bref, d'innover, si tant est qu'on puisse parler d'innovation pour un titre dont le gameplay consiste seulement à avancer et à tirer sur tout ce qui bouge, dans la pure tradition de Doom. Quoique même Doom était plus subtil, il fallait explorer des niveaux tortueux à la recherche de clés et d'items... Tandis que dans Dreamkiller, il suffit d'entrer dans une arène, de la nettoyer et de passer à la suivante.
C'est ultra-basique, mais dans Painkiller cette formule fonctionnait à merveille. Pourquoi ? La réussite du jeu tenait essentiellement à trois paramètres : son level design tout d'abord, très réussi, avec une grande variété d'environnements à l'ambiance unique ; ses armes ensuite, jouissives à utiliser, surtout le fameux lance-pieux ; ses ennemis enfin, débiles mais charismatiques et disposant d'attaques très diversifiées. Voyons comment s'en sort Dreamkiller dans ces trois compartiments essentiels. Pour ce qui est du level design, c'est une semi-déception. Le titre avait pourtant un certain potentiel grâce à son pitch : vous incarnez Alice Drake, thérapeute de choc qui entre dans l'esprit de ses patients pour en éradiquer les visions cauchemardesques armes à la main. Un excellent prétexte pour proposer une succession de niveaux sans queue ni tête. Ainsi, le premier patient, arachnophobe, vous fera voyager dans un zoo infesté d'araignées. Un cuisinier phobique du froid vous emmènera dans un monde gelé, tandis qu'un troisième patient vous embarquera dans un château empli de démons.
Las, ces niveaux sont en réalité d'une grande platitude. On sent parfois poindre un début d'idée, mais jamais exploitée à fond. Par exemple, dans l'esprit d'un phobique du travail, il y a un passage avec des classeurs métalliques empilés à perte de vue, dont un flot de documents s'échappe en continu. Un petit côté Brazil pas désagréable qui dure seulement deux minutes, avant de retrouver une succession de bureaux sans saveur. Même chose chez le mécanophobe : le début du niveau est plein de promesses, avec ses marches et ses engrenages suspendus dans l'espace, puis le reste n'est qu'un vaste complexe industriel peu inspiré. Constat similaire avec la patiente qui nous emmène dans un asile : à part une courte phase originale sur les artères d'un cœur géant, l'intégralité du niveau n'est qu'une succession d'arènes classiques. Bref, inutile de multiplier les exemples plus longtemps, vous aurez sans doute compris que le level design est assez fade en comparaison de ce qu'on aurait pu attendre du "scénario". Pensez aux niveaux de Psychonauts (la conspiration du laitier, Waterloo...), dans un tout autre genre certes, mais qui poussaient vraiment le délire "esprits torturés" à fond.
La faune qui peuple ces cerveaux dérangés s'en tire mieux. A chaque niveau ses monstres, souvent très réussis visuellement. Ils disposent en outre d'un panel d'attaques variées et donnent parfois du fil à retordre, à l'instar de ces diablotins lâcheurs de bombes. Notez qu'en certains endroits les ennemis ne cesseront pas d'apparaître tant que vous n'aurez pas détruit leur source de spawn, comme les lits dans l'asile. Même chose avec quelques monstres spéciaux qui ont le don d'invoquer leurs congénères tant qu'ils ne sont pas éliminés. Pour les éliminer justement, vous disposez de deux armes parmi les six disponibles, pas une de plus. Certaines ressemblent sacrément à celles de Painkiller, comme la gatling avec lance-roquettes intégré et le fusil à pompe qui gèle en tir secondaire. D'autres sont un tantinet plus originales, comme le lance-grenades et son onde de choc bien pratique pour se défaire d'une menace un peu trop proche. Quoi qu'il en soit, l'arsenal est assez agréable à utiliser et a le bon goût de s'affranchir de la gestion des munitions : elles sont illimitées ! En outre, la puissance des armes peut être accrue en ramassant des orbes d'expérience lâchées par les méchants.
En plus de ces orbes d'expérience, les ennemis tués lâchent deux autres types d'items : de la vie et des points de concentration. A quoi sert cette dernière ? A se téléporter tout d'abord, ce qui s'avère parfois bien pratique. Mais aussi à aller dans le monde de l'inconscient par le biais de portails spéciaux, seule façon de se défaire de certains monstres. Cela constitue les rares originalités évoquées plus haut, et autant dire qu'elles ne sont pas franchement indispensables. A côté de ça, on retrouve un grand classique des dérivés de Painkiller : un mode Rage meurtrière, qui se déclenche en remplissant la jauge adéquate. Le résultat ? Les décors virent au monochrome, les vilains se détachent en rouge, Alice est plus rapide et plus forte... Bref, du classique. Au final, comme pour Overdose, c'est donc un bilan mitigé qui ressort de Dreamkiller. Pas foncièrement raté, le titre peine toutefois à combler tous les espoirs placés en lui. Cependant, si vous cherchez six heures de gameplay bourrin pour une vingtaine d'euros, ça reste un achat envisageable.
- Graphismes12/20
Le moteur 3D est techniquement daté, cela se sent surtout au niveau de la gestion de la lumière. Reste que le design n'est pas dégueu, en particulier celui des monstres, et ceux-ci sont affichés en grande quantité sans mettre le PC à genou.
- Jouabilité12/20
Le gameplay est très basique : avancer, tirer, passer à l'arène suivante... Et ce n'est pas les quelques trouvailles de Mindware (téléportation, portails vers l'inconscient) qui vont y changer grand-chose. L'arsenal mis à disposition est sympathique, mais pour véritablement sortir du lot, il aurait surtout fallu que le level design soit un peu moins fade.
- Durée de vie13/20
Comptez environ une demie-heure par niveau. Il y en a douze, faites le calcul : le jeu se boucle en six heures. Pas terrible, mais peu de FPS font mieux de nos jours, et Dreamkiller n'est vendu qu'une vingtaine d'euros. Une fois l'aventure terminée, vous aurez droit à quelques modes de jeu alternatifs et à du multi à huit joueurs sur une poignée de cartes.
- Bande son11/20
Du rock de base qui soutient l'action frénétique, guère plus. Notez que l'éditeur a pris la peine de faire doubler l'héroïne en français, ce n'était pas vraiment nécessaire mais l'effort est louable.
- Scénario/
Painkiller peut continuer à chercher son héritier, ce n'est pas Dreamkiller qui lui ravira la couronne. Bien que s'inscrivant dans la grande tradition des FPS bourrins, le titre de Mindware Studios pêche par un level design trop timide en regard des possibilités offertes par son pitch. Les amateurs d'action décérébrée devraient tout de même y trouver leur compte durant une poignée d'heures pour un tarif somme toute raisonnable. La balle est maintenant dans le camp de Painkiller : Resurrection.