Que feriez-vous si l'on volait sournoisement les trésors de votre somptueux palais un beau matin de printemps, alors que vous répondez aux chants des oiseaux par des ronflements à faire crouler les murs de Jéricho ? Comment réagiriez-vous si vous appreniez que vos vils voleurs sont en réalité la même bande de pirates dont vous aviez pillé sans vergogne les coffres quelques années auparavant ? Vous ne seriez pas content, et vous auriez entièrement raison.
Voilà donc ce qui va arriver à notre bon Wario, image type de l'antihéros s'il en est. Arraché aux bras de Morphée par un réveille-matin géant, son château inondé et ses trésors envolés, le compère compte bien évidemment retrouver ses lâches adversaires qui tenteront de le fuir tout au long de l'aventure, en la personne du capitaine Syrup et de ses acolytes, que les possesseurs du premier volet connaissent bien. Certes, la trame scénaristique ne semble pas des plus évoluées, mais après tout, la vérité est bien ailleurs et Wario Land 2 nous le prouve d'une assez belle manière. Dès les premières secondes de jeu, il est difficile de se tromper : nous sommes bien en présence d'un jeu de plates-formes que l'on qualifierait volontiers aujourd'hui de old-school, mais ne vous y trompez pas, car des innovations sont bel et bien présentes.
Premier constat, et non des moindres, vous ne trouverez ici aucune barre de vie ou autre artifice pour matérialiser votre condition de faible être humain, ou assimilé. Que nenni, dans Wario Land 2 vous êtes l'égal d'un héros grec, ne craignant nullement de tomber sous les coups de vos multiples adversaires ou dans le premier fossé béant. Quel est donc l'intérêt, si l'appréhension d'une mort, horrible et propre à ce type de jeu, n'est pas présente ? Elle est en réalité compensée par un système reposant entièrement sur le caractère cupide de Wario : si les niveaux regorgent de pièces que vous pouvez collecter, chaque coup porté par un ennemi vous en fera perdre quelques-unes. Cela peut sembler bien futile, mais la chose n'est pas à sous-estimer. En effet, les précieux ducats que vous glanerez durant votre aventure vous permettront de « financer » deux mini-jeux vers la moitié (une sorte de memory) et à la fin du stage (où il faut découvrir un chiffre en faisant apparaître au fur et à mesure les parties qui le composent). Si vos poches sont vides, vous devrez alors vous en passer, sans possibilité d'y revenir avant d'avoir fini au moins une fois le jeu. Bien que peu intéressants dans le fond, ils vous seront cependant indispensables si vous désirez terminer le jeu à 100% et ainsi débloquer quelques petites surprises.
Bien qu'invincible, Wario n'est cependant pas à l'abri de multiples changements d'apparence plus ou moins volontaires. Exit les casquettes présentes dans le premier volet, ce sont ici des ennemis particuliers (parmi un bestiaire large et franchement déjanté) qui vont, en vrac, vous rendre aussi plat qu'une crêpe, renforcer considérablement votre embonpoint ou encore vous changer en zombie photophobe. Néanmoins, ces quelques tourments physiques seront indispensables pour continuer votre périple... ou pour vous empêcher de parvenir à vos fins. En effet, la plupart des niveaux sont constitués de passages nécessitant l'utilisation habile d'une compétence spécifique. Il ne faut donc pas systématiquement massacrer tous les ennemis de la zone, sous peine de devoir la quitter (et revenir) pour faire réapparaître le monstre spécial tant désiré. Les combats contre les boss proposent également une tournure originale : comme vous ne pouvez techniquement pas perdre en mourant, ces derniers vont tout faire pour vous « expulser » de l'arène dans laquelle ils évoluent. Ainsi en cas d'échec, vous devrez refaire une partie du chemin pour retourner défier le vil malandrin. Là encore, l'originalité est au rendez-vous, car du serpent géant au mythique lapin urbain et son match de basket, les affrontements ne manqueront pas de variété.
Côté jouabilité, le titre n'a rien à envier à ses aînés sur la petite console de Nintendo. L'ami Wario réagit de fort belle manière et malgré les limitations de touches imposées par le support, le panel des mouvements demeure large et bien exploité, même s'il n'a pas connu une grande évolution depuis le premier volet. Hormis les transformations, les habitués retrouveront ici le célèbre coup d'épaule et la fameuse Attaque Rodéo. Un très bon point qui permet au joueur d'aller à l'essentiel, sans perdre de temps à s'habituer aux commandes. Néanmoins, la difficulté progressive pourra vous donner du fil à retordre dans les derniers niveaux, même si le challenge n'est jamais insurmontable.
L'aventure s'avère fort longue et sera bien évidemment semée d'embûches diverses et variées. Chaque changement de zone est agrémenté de petites cinématiques, muettes mais jamais dénuées d'humour, narrant votre poursuite effrénée du Capitaine Syrup et de ses sbires. Sorti cinq ans après le premier volet, Wario Land 2 nous propose des graphismes bien plus soignés, une animation plus fluide et demeure l'un des titres les plus aboutis du Game Boy, que soit en version colorisée ou monochrome. Les décors que vous devrez parcourir s'étendent du château de Wario à une étrange centrale électrique, en passant par un manoir hanté ou encore les ruines englouties de l'Atlantide. Bien que diversifiés d'une zone à l'autre, quelques niveaux ont peut-être tendance à se ressembler un peu, mais l'originalité de certains d'entre eux permet rapidement d'oublier ce petit détail. Le level design reste extrêmement bien pensé et les nombreux passages secrets, pleins à craquer d'espèces sonnantes et trébuchantes, sont légion. De quoi assouvir pleinement votre soif de richesse en attendant de retrouver votre dû.
- Graphismes17/20
Le jeu s'impose comme l'un des plus jolis de la ludothèque du Game Boy. Wario Land 2 a réussi à passer les années en conservant une esthétique agréable et demeure plus fluide que son aîné. Les environnements d'une zone à l'autre sont variés mais l'on rechignera peut-être sur quelques similitudes d'un niveau à l'autre au sein d'un même monde. Cela demeure tout de même anecdotique.
- Jouabilité18/20
Simple et efficace, la prise en main se place dans la droite lignée des jeux de plates-forme signé Big N. Il ne faut pas bien longtemps pour comprendre quels sont les différents mouvements de Wario et comment les utiliser à bon escient. La difficulté du titre est par ailleurs bien dosée tout au long de l'aventure. Chaque transformation propose une maniabilité différente, parfois un peu frustrante sur le moment, mais toujours efficace au final.
- Durée de vie18/20
Cinq fins différentes, environ le double de ramifications scénaristiques, un trésor et un morceau de carte à obtenir pour la cinquantaine de niveaux qu'offre le titre, autant vous dire que Wario n'est pas près de retourner se coucher. Le titre compte de plus sur une rejouabilité importante, notamment avec l'apparition d'une carte des niveaux une fois le jeu achevé une première fois. Des surprises vous attendent également si vous parvenez à finir le jeu à 100% en récoltant tous les trophées glanés dans les mini-jeux.
- Bande son15/20
Des musiques variées dans l'ensemble mais qui ne se révèlent pas franchement inoubliables par rapport à d'autres titres sur le même support. Elles ont cependant le mérite d'être en adéquation avec l'univers et ses personnages, à savoir loufoques et décalées, mais parfois inquiétantes ou apaisantes. Les bruitages sont également diversifiés et de bonne facture, chaque situation trouvant un son lui convenant. Nous sommes bien loin ici des premiers titres du Game Boy.
- Scénario14/20
Bien que banal dans sa trame principale, il se démarque des autres titres par sa non-linéarité. Les cut-scenes entre les mondes, pleines d'humour, sont très agréables à regarder et les diverses ramifications scénaristiques permettent de clôturer l'histoire de différentes façons.
Si le premier Wario Land avait réussi à nous scotcher pendant un bon moment dans la peau d'un antihéros notoire, ce second volet pourrait presque nous pousser à la schizophrénie. Long, riche, divertissant et s'éloignant des sentiers conventionnels, Wario Land 2 arrive à dépasser très facilement ses quelques défauts mineurs. L'humour omniprésent, le ton décalé du scénario et le charisme d'un personnage qui a pourtant tout ou presque pour déplaire font de ce titre une référence indispensable pour tout joueur amateur de plate-forme. Se plaçant comme l'un des derniers titres du Game Boy Basic et l'un des premiers du Gameboy Color, cette aventure du vil voleur moustachu de l'univers de Nintendo possède sans conteste la carrure des grands hits, ces jeux qui sont toujours capables de nous accrocher plus de dix ans après.