Un petit voyage dans la Provence du XVIème siècle ça vous dit ? A moi non, mais allons-y quand même, on ne sait jamais, une bonne surprise nous y attend peut-être sous la forme d'un sympathique jeu d'aventure.
Soyons francs, quand on m'a annoncé que j'allais tester Nostradamus, je n'ai pas vraiment été emballé. J'aime pourtant beaucoup les jeux d'aventure, là n'est pas la question. En revanche, j'ai une aversion pour les astrologues et leur "science" de pacotille. Les madame Soleil, Elizabeth Tessier et autres marabouts qui profitent de la crédulité des gens pour leur soutirer leurs économies en leur faisant miroiter monts et merveilles me sortent par les yeux. Certains voyants n'hésitent pas à vous promettre de faire démarrer une moto russe (véridique, lu sur un prospectus), mensonges, c'est impossible ! Horoscopes, thèmes astraux, philtres d'amour et toutes ces calembredaines n'ont aucun sens pour moi et mon esprit scientifique élevé au cartésianisme et à la rationalisation de tous phénomènes. Bref, vous m'avez compris, je ne vais pas m'épancher davantage sur ce sujet, ce n'est pas le propos de ce test, je rédigerai un pamphlet une autre fois. Et puis j'ai peur que mon brûlot ne déchaîne sur moi des malédictions et qu'il se mette à pleuvoir des grenouilles dans mon salon.
Venons-en donc au jeu lui-même. Les évènements se déroulent sur quelques jours en 1566 à Salon-de-Provence, qui n'est à l'époque qu'un village, qui plus est déserté de sa population à cause d'une rumeur d'épidémie de peste. C'est alors que Catherine de Médicis arrive pour demander de l'aide à Nostradamus, car une des prophéties du grand astrologue semble être en train de se réaliser. Une série de morts mystérieuses se produit dans son entourage au rythme terrible d'une par jour. Et d'après un quatrain écrit par le maître voyant, cela présage qu'un grand malheur va s'abattre sur la famille royale. Il va donc falloir débrouiller cette affaire en enquêtant sur ces décès.
Mais ce n'est pas Nostradamus lui-même qui s'y colle, car il est vieux, usé, fatigué. Il propose donc à Catherine de Médicis l'aide de son fils César. En réalité, celui-ci est absent et c'est donc plutôt sa fille Madeleine que le joueur va incarner. Mais à pareille époque les mentalités n'ont pas encore évolué et les gens sont assez étroits d'esprit, elle va donc devoir se faire passer pour son frère. C'est d'ailleurs la première mission du jeu : rassembler suffisamment d'éléments pour se constituer le parfait costume de gentilhomme et ainsi se travestir. Au fil de l'histoire, on pourra changer de vêtements à loisir selon les circonstances. On part donc à l'exploration de la maison en quête de cette panoplie. Contrairement à beaucoup de point & click où le joueur peut voir son personnage se déplacer à l'écran, les décors en trois dimensions sont ici fixes et on les voit à la première personne. On est donc plus proche d'un Myst ou des dernières réalisations du studio comme The Secrets of Da Vinci : le Manuscrit Interdit. Le gameplay est aussi familier : on clique pour se déplacer, ramasser ou utiliser des objets, le bouton droit du mulot servant quant à lui à ouvrir l'inventaire conséquent et le précieux journal.
Une fois habillé en homme, il va falloir aussi se foncer le teint pour parfaire la mise en scène, et c'est là qu'intervient l'une des bonnes idées du titre : la confection de potions. En effet, Nostradamus était également un apothicaire de talent et au fil de l'aventure il faudra utiliser son laboratoire pour élaborer de savantes mixtures. Qu'il s'agisse de préparer un élixir aphrodisiaque, une décoction hypnotique ou une simple confiture de courges, il va falloir se mettre aux fourneaux. En fait, rien de bien compliqué à condition de suivre la recette. Le problème de cette bonne idée est sa mise en oeuvre plutôt lourde : il faut prendre un ingrédient dans l'inventaire, le placer dans le mortier, prendre le pilon, piler, reposer le pilon, prendre la cuillère, prendre l'ingrédient broyé, le mettre dans la marmite, reposer la cuillère... Et ainsi de suite, en remplaçant la cuillère par la pipette pour les liquides. C'est cohérent, mais perturbant quand le réflexe premier est de mettre directement tous les ingrédients en vrac dans la marmite, comme c'est le plus souvent le cas dans les jeux d'aventure. Et à la longue ce système peut s'avérer un poil fastidieux.
Le reste de l'aventure est composée de phases plus classiques. D'abord, l'enquête en elle-même. Nostradamus confie vite à sa fille une trousse contenant tout le matériel adéquat : scalpel, pince, loupe, ciseaux... On se croirait dans un épisode de CSI : Salon-de-Provence. Cette panoplie d'outils permet de scruter les lieux ou les cadavres et d'y trouver de précieux indices à analyser ensuite en profondeur dans l'inventaire. On glanera aussi quelques informations en interrogeant les différents personnages qui accompagnent Catherine de Médicis, mais ils sont peu nombreux et les dialogues sont assez limités. Au moins sont-ils bien doublés. Sans révéler le fin mot de l'histoire, je ne trahirai pas un grand secret en disant qu'on s'aperçoit vite que quelqu'un semble forcer la main du destin. On dirait bien qu'une personne s'attache à faire s'accomplir la prophétie, quitte à lui donner un petit coup de pouce - ou de dague - bien placé.
Ce scénario est surtout le prétexte à des énigmes bien trouvées. De ce point de vue, Nostradamus ne déçoit pas en proposant plusieurs casse-tête basés sur la position des planètes ou des constellations. Des problèmes astrologiques donc, mais aussi ésotériques vers la fin avec du déchiffrage de runes par exemple. La difficulté n'est jamais trop élevée mais une bonne dose de réflexion sera toutefois nécessaire pour résoudre certaines énigmes. En revanche, on regrette qu'elles ne soient pas plus nombreuses. Car le jeu se termine assez vite, d'autant plus qu'il n'y a pas beaucoup de lieux à visiter en dehors de la maison, du village vide et du château. Cette durée de vie réduite est bien l'un des seuls défauts que l'on puisse faire à Nostradamus car pour le reste il est plutôt bien fichu. Eh oui, vous avez bien lu, le charme a finalement opéré sur moi, contre toute attente. Ce n'est pas possible, j'ai dû être envoûté, mais j'ai aimé ce jeu malgré son contexte. Alors je n'hésite pas à le dire : les développeurs de Totem Studio sont des diseurs de bonne aventure (bon d'accord, elle était facile celle-là).
- Graphismes15/20
Les écrans fixes qui constituent les environnements sont jolis, dommage qu'ils ne soient pas plus nombreux. Le village est, par la force des choses, un peu vide. Quel que soit le lieu, les objets sont parfaitement intégrés aux décors, un bon balayage de l'écran sera donc parfois nécessaire pour les dénicher. Les personnages sont corrects.
- Jouabilité15/20
Dans le fond, c'est un gameplay assez classique qui nous est proposé. La création de potions présente un réel intérêt même si on finira par se lasser des opérations requises. Les objets sont nombreux, les énigmes moins mais elles sont bien conçues. Le journal, enfin, regroupe tous les documents utiles de façon claire.
- Durée de vie12/20
Le jeu est malheureusement trop court, quelques personnages et dialogues supplémentaires n'auraient pas été du luxe pour rallonger un peu la sauce. Et surtout, les énigmes sont assez rares. Mais à défaut de quantité, la qualité est au rendez-vous.
- Bande son16/20
Le doublage est convaincant, à quelques répliques près, et la musique fait son office en nous plongeant dans une ambiance médiévale.
- Scénario15/20
Le jeu parvient à réaliser un mélange entre l'histoire et la légende sans pour autant le rendre indigeste. On suit avec intérêt l'enquête de Madeleine pour démasquer le coupable.
Pour moi, ce jeu est une bonne surprise. Quand j'ai su que j'allais le tester, j'ai eu une vision : ça n'allait pas me plaire, à cause du thème abordé. Mais apparemment je n'ai aucun don de voyance, car cette prédiction ne s'est pas réalisée. Au contraire, j'ai vraiment passé un bon moment, et les fans de jeux d'aventure devraient également y trouver leur compte. Allez, je tente moi aussi une dernière prophétie : Totem est un studio à surveiller de près à l'avenir. Espérons pour eux et pour les joueurs que nous sommes, que cette fois-ci je ne me trompe pas et que mes propos s'avèrent prémonitoires.