Europa Universalis est une des séries phares de Paradox Interactive, grand spécialiste du jeu de stratégie/wargame devant l'Eternel. Bien que ce genre soit, de prime abord, un peu difficile à aborder tant les tableaux et autres cartes peuvent effrayer le néophyte, les développeurs d'Europa Universalis 3 ont fait un gros travail sur l'interface et les graphismes pour rendre leur dernier rejeton un peu plus sexy.
Il est peu de dire que les précédents Europa Universalis s'adressaient véritablement à un public éclairé tant leur côté austère était un frein à une plus large diffusion. Essayant d'élargir son audience, Paradox a donc opté pour un tout nouveau moteur graphique. Couleurs vives, affichage des villes en 3D dans de petites fenêtres pour égayer l'ensemble, unités qui ne ressemblent plus à de simples pions, on apprécie vraiment cet effort. Il se traduit cependant par une plus grande gourmandise au niveau de la configuration demandée, mais bon, on n'a rien sans rien. L'interface a elle aussi bénéficié de ce traitement de faveur et se révèle plus pratique à utiliser. Certes, tout n'est pas rose et on déplorera par exemple un tutoriel qui ne fait qu'effleurer la richesse du gameplay et qui vous obligera à lire l'épais manuel de plus de 140 pages. Voyons cependant le côté positif de la chose, la durée de vie est ainsi augmentée.
Côté contenu, c'est à plus de 300 ans d'histoire que vous vous frotterez. Vous pouvez en effet commencer votre partie à n'importe quel moment entre 1453 et 1789. Lorsque vous choisissez une date, il faut savoir que toutes les données de l'époque sont correctes : les cartes, la puissance de chaque pays, les religions... Bref, le contexte est vraiment fidèle à la réalité. Mais ensuite, vous pourrez modifier l'histoire comme bon vous semble et vos actions peuvent avoir une grande influence et vous éloigner du chemin qu'avait réellement pris le monde à cette époque. Europa Universalis 3 est moins déterministe que son prédécesseur. Ainsi, les grands événements de l'histoire n'arriveront pas obligatoirement à la bonne date en cours de jeu. Les développeurs ont en effet fait le choix de n'entrer que des tendances historiques dans le programme. Les découvertes n'auront pas forcément lieu à une date précise, mais plutôt lorsque toutes les conditions seront remplies. De même, l'intelligence artificielle n'a pas de comportement prédéfini, ce sont vos actions qui vont déterminer ses réactions. Bref, le début d'une guerre pourra être anticipé, retardé ou il pourra même ne jamais avoir lieu. Enfin, la mort des dirigeants n'interviendra pas forcément à la bonne date. Bref, la rejouabilité est bien au rendez-vous puisqu'on ne sait jamais comment la situation va évoluer. Ca pourra peut-être faire hurler les historiens, mais on est avant tout là pour s'amuser à refaire l'histoire et cette dose d'inconnu est tout de même très appréciable dans cette optique ludique.
Une fois que vous avez choisi une date de départ qui vous convient, vous devrez sélectionner la nation que vous souhaitez diriger. Et là aussi, vous avez le choix puisque ce ne sont pas moins de 250 pays qui sont jouables : des grandes nations européennes, aux petits pouces africains et asiatiques et même aux Etats-Unis. Le niveau de difficulté dépend directement de votre sélection. Il sera ainsi plus délicat de développer le Mali que la France. A ce propos, on regrette que le niveau de difficulté ne soit pas un peu plus personnalisable, quitte à faire des entorses à l'Histoire. Ainsi, il aurait été sympathique de pouvoir régler son argent de départ ou carrément de paramétrer simplement les relations que l'on a avec ses voisins. C'est possible de le faire, mais par le biais d'un trifouillage de fichiers et de l'utilisation de mods ce qui n'est pas à la portée de tous. Mais bon, passons. Une fois que vous avez choisi votre date et votre pays, vous arrivez sur la carte et ce sera alors à vous de contrôler tous les aspects de votre nation de A à Z : commerce, diplomatie, construction des bâtiments dans chaque ville, formation d'une armée...
Tout le jeu se déroule en temps réel, mais vous pouvez agir sur son déroulement en l'accélérant, en le ralentissant ou même en l'arrêtant puisqu'il y a une pause active. Celle-ci est très pratique pour étudier dans le calme les différentes propositions que vous recevrez en cours de jeu (alliances, traités de paix...). Chacune s'accompagnant d'un délai, il est important d'y répondre dans les temps, car sinon, la proposition est considérée comme refusée ce qui peut avoir de graves conséquences sur vos relations avec tel ou tel pays. Si l'aspect diplomatique tient une grande place dans Europa Universalis 3, on s'aperçoit aussi très vite que la découverte de nouvelles terres est non moins importante. C'est une source de profit non négligeable pour certains pays. Logique, puisque l'époque est tout de même celle des grandes découvertes. Le jeu tient compte de cet aspect en maquillant de blanc toute la partie de la carte dont votre pays n'a pas encore connaissance. Pour la dévoiler, vous pouvez envoyer des explorateurs et ainsi coloniser des régions entières. Attention cependant, ce n'est pas si facile car la plupart des terres sont peuplées et les indigènes pourront très bien se révolter si vous commencez à empiéter sur leur territoire. Ces révoltes sont cependant contrôlables en envoyant des troupes. Coloniser des terres est un bon moyen pour accroître son territoire et profiter des ressources de telle ou telle zone.
Plusieurs nouveautés qui n'étaient pas présentes dans Europa Universalis 2 ont aussi été implémentés. L'une des principales est certainement la présence d'espions. Vous pouvez en envoyer dans des provinces étrangères pour tenter d'en saboter les installations ou soutenir une insurrection. Il est même possible de tenter d'assassiner un conseiller adverse. Mais attention, car envoyer un espion, c'est toujours courir le risque qu'il soit découvert et dans ce cas-là, vos relations avec le pays concerné risquent d'en pâtir très fortement. En outre, il est utile de préciser que les développeurs ont fait le choix de réduire de façon drastique les effectifs des armées. Il est désormais quasiment impossible d'atteindre le nombre de troupes que vous pouviez avoir dans Europa Universalis 2 : ce serait beaucoup trop coûteux. A propos des armées, elles sont désormais formées de régiments dont les effectifs sont fixes et recrutés dans vos provinces. Lorsque vous achetez un régiment, celui-ci n'a pas de commandant par défaut, il faut donc lui en attribuer un en engageant un général (ou un amiral pour les flottes). L'efficacité de ces officiers variera selon la "tradition militaire" de votre nation. Cette dernière s'acquiert en combattant, en construisant certains bâtiments militaires ou en explorant des terres inconnues mais baisse en cas d'inactivité prolongée. Bref, un joueur qui suivra une tactique offensive, qui sera en guerre prolongée ou qui aura une optique expansionniste bénéficiera d'une tradition militaire plus élevée et donc de troupe plus efficaces que celui qui reste bien au chaud dans son coin.
En dehors du mode solo, Europa Universalis 3 propose aussi un multijoueur jouable jusqu'à 32. Il faut cependant signaler que dans la pratique, vous ne pourrez jouer avec ce nombre de personnes qu'en LAN. Sur internet, il vous faudra en effet baisser le nombre de participants et 12 semble être le maximum pour conserver une vitesse raisonnable. De nombreuses données sont en effet échangées entre le PC hôte et les autres. Il y a bien sûr les actions de chacun, mais aussi les données des pays contrôlés par l'IA. Au final, on peut dire qu'au-delà de 10-12 joueurs, le lag est beaucoup trop présent pour que le jeu soit réellement plaisant. Remarquez, c'est bien suffisant pour faire une partie multi intéressante. En définitive, il faut bien dire que la durée de vie est assez énorme pour qui saura apprécier le jeu. Au rang des défauts, nous avons déjà signalé un tutorial assez succinct et l'absence de menu pour modifier simplement les données de départ des parties, il faut y rajouter une finition pas toujours au mieux dans la version française. Quelques textes (heureusement rares) sont demeurés en anglais, surtout dans les bilans des parties. Rien de bien grave cependant, rien en tout cas qui puisse empêcher les amateurs du genre de prendre du plaisir avec ce titre vraiment très complet.
- Graphismes10/20
Un effort a été fait sur les graphismes pour les rendre un peu moins austères que dans le deuxième volet de la série. Cependant, ça reste toujours bien en deçà de ce que les PC sont capables de fournir en terme de détails et de finesse.
- Jouabilité16/20
Comme d'habitude avec les jeux Paradox, la prise en main est un peu délicate. Si vous n'êtes pas familier avec ce genre de titres, il vous faudra donc quelques heures pour apprendre toutes les subtilités du gameplay. L'interface est tout de même bien meilleure que celle des précédents Europa Universalis et la profondeur des mécanismes de jeu est bien réelle.
- Durée de vie17/20
Grâce à l'aspect aléatoire des événements, la rejouabilité est plus grande que dans les précédents Europa Universalis. En plus, on a accès à beaucoup de pays, le jeu est ouvert aux mods et il y a un mode multijoueur très intéressant.
- Bande son14/20
On a droit à quelques jolis thèmes musicaux. Hélas, ils sont un peu trop répétitifs tout comme peuvent l'être les bruitages.
- Scénario/
La série des Europa Universalis se bonifie avec le temps. Introduisant des nouveautés intéressantes (espions, tradition militaire, événements aléatoires...) ce troisième volet est encore plus riche que les précédents et il est en plus moins délicat à prendre en main ce qui ne gâche rien. Voilà en tout cas un titre à conseiller à ceux qui ont toujours rêvé d'être à la tête d'un empire.