Galleon est l'incarnation même du mot acharnement. Initialement prévu pour sortir sur Dreamcast, le titre s'est vu sans cesse repoussé pour finalement atterrir sur Xbox. Au lieu de suivre la voie de la raison et saborder son projet en plein développement, le studio Confounding Factor s'est acharné pour le mener à son terme. Résultat, à la place du flambant galion qu'on nous faisait miroiter, on vogue en pleine galère. Voyez plutôt.
A l'origine de Galleon, on trouve Toby Gard, un nom qui ne dira peut-être pas grand chose au grand public bien qu'il s'agisse tout de même du papa de l'un des personnages les plus emblématiques du jeu vidéo, si ce n'est le plus emblématique (soupir...), je veux parler de Lara Croft. Soucieux de réaliser le jeu qui comblerait toutes les erreurs de gameplay commises sur Tomb Raider, et, paraît-il, très avide d'exploiter les idées qu'il n'avait pas pu mettre en place pour mademoiselle Croft, Toby planche depuis de longues années sur Galleon. Pendant tout le développement, on pouvait entendre de ci de là, que Galleon serait totalement novateur dans son genre, que l'on n'avait encore jamais vu ça et qu'il fallait se préparer à quelque chose de grand. Bon, pour cette dernière expectative, on oublie, mais concernant l'aspect novateur, il n'y a pas à dire, Galleon l'est très certainement. Cependant, dans le cas présent, nouveauté ne rime absolument pas avec progrès.
Ce qui rend Galleon si unique, c'est la jouabilité sur laquelle le jeu s'appuie. Contrairement à tout ce que l'on connaît, on ne dirige pas vraiment son personne mais la caméra. Concernant les déplacements, les interactions possibles avec le héros se limitent à le faire avancer ou reculer. Pour le faire tourner, il faut donc pivoter la caméra et non le personnage. Vous me direz que cela revient au même – à l'image de Monkey Ball où il convient de bouger le plateau de jeu et non la boule – et je vous répondrai par un "pas tout à fait" de circonstance. Puisque les commandes pour avancer et pour tourner sont regroupées sur le même stick de la manette, il devient extrêmement pénible de faire les deux en même temps. En clair, un changement de direction en pleine course entraîne irrémédiablement un arrêt du personnage. Pour un titre qui mise pas mal sur son aspect plate-forme, se revêtir d'une maniabilité aussi rigide et totalement dénuée de souplesse, c'est partir avec un sérieux handicap. Je vois d'ici un certain Prince se marrer comme une baleine dans son palais perse...
Ce point précis de la jouabilité n'est qu'un exemple parmi d'autres de la volonté qu'a Galleon de proposer une alternative au maniement classique. Il est vrai que sans cette jouabilité si particulière, Galleon aurait tôt fait de se fondre dans la masse des jeux anodins qui sortent régulièrement. Il est vrai aussi que cette différence c'est ce qui aurait pu lui permettre de se démarquer, mais à trop vouloir innover, Galleon perd de vue qu'il s'agit d'un jeu et que le confort de l'utilisateur passe avant tout. S'il faut se casser la tête simplement pour ramasser un objet comme c'est malheureusement le cas ici, c'est que le but n'est pas atteint. Certes, quelques aspects sont plutôt appréciables, il suffit par exemple de pointer une direction avec la caméra pour que le héros trouve tout seul son chemin jusqu'à ce point, mais à côté de cela, il faut aussi se taper des combats indigestes et des phases d'acrobaties bien pénibles. L'innovation a donc un prix, ici elle se paye par l'absence totale de plaisir de jeu.
Le gros point noir étant passé, il me reste à vous dire que Galleon est une histoire de pirates. On suit l'épopée du capitaine Rahma lancé à la recherche d'un voleur de plantes miraculeuses. Sur son chemin, Rahma fera connaissance de deux jeunes et jolies femmes qui le suivront un peu partout. Combats au sabre, au pistolet ou simplement à mains nues seront au programme ainsi que de zens – mais terriblement barbantes – séquences de natation. Comme vous pouvez le constater de vous-même avec les images présentes sur cette page, Galleon est assez spécial graphiquement. Avec un design à la croisée de Aeon Flux pour ses personnages maigrelets et de Pirates Des Caraïbes pour d'autres raisons évidentes, l'esthétique ne peut laisser indifférent. Que l'on apprécie ou non le style n'enlève rien au fait que Galleon soit complètement à la ramasse techniquement. Avec son développement débuté il y a plusieurs années et, qui n'a semble-t-il pas évolué depuis, on hérite d'un titre à la limite de la provocation pour les possesseurs de Xbox. Comment excuser les angles saillants de chaque polygone ? Comment fermer les yeux devant les innombrables bugs qui polluent l'écran ? Comment réagir devant la pauvreté des décors ? C'est sûr, Galleon accumule les tares et il n'y a décidément rien pour sauver le navire. Laissons donc sombrer Galleon dans l'oubli, là où il aurait dû rester.
- Graphismes8/20
Le design étriqué du jeu s'appuie sur une technique lamentable pour une console aussi puissante que la Xbox. Bugs à foison, décors vides et anguleux, Galleon porte les marques d'un développement long et chaotique.
- Jouabilité7/20
En jouant à Galleon, on peut légitimement se demander si l'équipe qui se cache derrière ce massacre connaît réellement son métier. Si le but était d'innover simplement pour innover, alors le pari est réussi mais il se fait au détriment du confort de jeu, totalement absent, lui. Et pour la petite phrase méchante mais pas si gratuite que ça, on peut dire que s'essayer à Galleon, c'est aussi intuitif que de changer la cartouche de jeu d'un N-Gage.
- Durée de vie13/20
Galleon est construit autour de 7 chapitres correspondant à 7 îles distinctes. Chaque île n'est pas si longue à traverser que cela, mais vu qu'il faut sans cesse batailler avec la maniabilité, on perd beaucoup de temps.
- Bande son12/20
Certains thèmes musicaux se démarquent du lot, ils contrastent avec le reste de la bande-son, plus anodin. Le doublage français tout comme les bruitages demeurent en effet assez banals.
- Scénario12/20
Le thème de la piraterie est une vraie invitation au voyage, mais la narration trop laborieuse tend plus vers le soporifique que l'émerveillement.
A l'image du design, chaque élément semble avoir été volontairement allongé dans Galleon. Tellement étiré d'ailleurs que tout se retrouve finalement mince et fragile. Du coup, la jouabilité, toute innovante qu'elle soit, n'est pas assez solide pour soutenir le poids d'un jeu se reposant entièrement sur elle. Naturellement, l'équilibre ne se fait pas et tout se casse la gueule assez vite. Jouer la carte de la sécurité aurait été certes moins gratifiant, mais indéniablement plus salutaire.