Jekyll & Hyde vient donc compléter la collection Actions/Frissons de Cryo, qui compte déjà le très bon Devil Inside et le plus décevant Hellboy. Développé par In Utero, l'étrange histoire de Jekyll & Hide s'inspire du roman de Stevenson, en y apportant toutefois une touche beaucoup plus glauque que l'histoire d'origine. A la manière d'American McGee's Alice, le soft mise tout sur une ambiance lugubre à souhait, où folie, paranoïa et monstruosité sont légion. Le tout dans un style graphique assez différent cependant, qui multiplie les caricatures, instaurant encore davantage le malaise. L'histoire prend place dans un Londres Victorien fantastique peuplé de créatures aussi terrifiantes que dangereuses. S'il est plutôt troublant de croiser des gentlemen à la voix agréable mais complètement difformes, le summum du design le plus dérangeant sera tout de même décerné aux boss. Etonnant de voir pourtant à quel point ces figures torturées s'intègrent parfaitement dans cet univers, alors que la petite fille kidnappée semble tout droit issue d'un épisode de Betty Boop.

L'évolution du scénario s'exprime à travers les nombreuses cinématiques mais aussi via un carnet de notes qu'entretient le docteur Jekyll au fur et mesure de sa progression. Ceux qui auront lu le roman seront certainement déçus de voir que le jeu ne suit pas du tout la trame du livre. Le docteur Jekyll a en effet renoncé à poursuivre ses travaux sur l'âme humaine et est désormais convaincu que Mister Hyde a disparu pour toujours. Hélas, les événements prennent soudain un cours tragique et le Dr. Jekyll n'a d'autre choix que d'avoir recours à nouveau à sa transformation pour retrouver sa fille kidnappée.

Le design très particulier des niveaux et l'atmosphère dérangeante restent l'atout majeur de ce soft qui pêche surtout par son gameplay particulièrement agaçant. Le jeu est vu à la troisième personne et se classe dans le registre action/aventure 3D mâtiné d'une bonne dose de plate-forme. C'est la progression elle-même qui met en évidence le principal défaut du jeu, à savoir la maniabilité. Non seulement le jeu souffre de nombreux bugs, mais la gestion des caméras est une catastrophe. Pourquoi ne pas avoir opté pour une jouabilité comme celle d'Alice, à savoir des déplacements au clavier complétés par une gestion du regard à la souris ?

Le malheureux docteur n'a d'ailleurs pas grand-chose à sa disposition pour se défaire de ses ennemis, hormis sa canne. Il ne dispose même d'aucune arme de jet alors que les créatures ennemies sont redoutables. Le joueur n'a alors pas d'autre choix que d'exploiter au maximum la fonction courir pour tenter d'éviter les affrontements inutiles. Transformé en Mr. Hyde, le héros devient alors plus puissant au corps-à-corps, mais le niveau de difficulté reste quand-même beaucoup trop élevé. Résultat, on perd vite patience et l'on se désintéresse rapidement de l'intrigue pourtant intéressante, d'autant que le système de sauvegarde oblige à repartir systématiquement au début d'une zone. Reste un jeu visuellement très original, avec des personnages qui mettent mal à l'aise et des lieux qui dérangent, à l'image de ce réfectoire sans dessus-dessous qui ressemble plus à un grenier qu'à une salle de restauration. Annoncé également sur Playstation 2, Jekyll & Hyde pourrait toutefois gagner de son portage sur console, en offrant peut-être une meilleure ergonomie et à condition de proposer cette fois plusieurs niveaux de difficulté.