Voici une chronique vidéo qui n'est pas vraiment une chronique vidéo. L'idée de VGM (Video Games Music) est en fait de vous présenter un thème musical issu d'un jeu vidéo, ancien ou récent, et d'en faire une analyse écrite afin de comprendre pourquoi il fut marquant, que ce soit pour ses pures qualités musicales ou pour son utilisation en jeu. Puisqu'il s'agit d'une analyse, tout est potentiellement sujet à débat.
Trine 3 : The Artifacts of Power a été annoncé pour cette année, et comme nous vous trépignez peut-être d'impatience à l'idée de vous délecter à nouveau devant les magnifiques tableaux d'un jeu au multi mémorable. En attendant d'en savoir plus sur le prochain opus, profitons de l'occasion pour nous intéresser à la musique du boss de fin du deuxième épisode, The Giant Dragon. Composée par Ari Pulkkinen, aussi connu pour son travail sur la série Angry Bird, la bande-son de Trine 2 est réputée pour conférer au jeu des élans aussi bien poétiques qu'épiques. Mais en dehors de sa beauté, la musique est également l'expression d'un gameplay tripartite, qu'il soit joué en solo ou à plusieurs, et le combat contre le boss de fin en est probablement le meilleur exemple.
Trois pour tous, tous pour le Trine !
Comme la racine du nom du jeu le sous-entend, le Trine est un artefact magique qui lie entre elles les âmes de trois personnages. L'aventure se déroule en compagnie du peureux magicien Amadeus, de l'espiègle voleuse Zoya, et du chevalier bourru et dévoué au royaume, Pontius. Choisis par le Trine pour sauver le pays d'une terrible menace, ces trois êtres très différents, tant par leurs capacités que par leurs caractères, doivent s'unir pour voyager et faire face aux nombreux dangers qui les attendent. Concrètement, il s'agit donc de passer intelligemment de l'un à l'autre pour résoudre les différentes énigmes en solo, et en multi d'échanger régulièrement les rôles quand celui qui contrôle le magicien en a marre de se cacher pendant les combats. Il en reste que quel que soit le mode de jeu, le chiffre trois est généralement au centre de la réflexion. Et la musique ne déroge pas à la règle dans ce morceau qui ne peut être pleinement compris qu'en revenant au tout début de l'aventure, lors de l'introduction des personnages. Quatre éléments sont alors à relever. Tout d'abord vous connaissez sans doute le thème principal particulièrement marquant de Trine 2. Entendu au début et à la fin du jeu, ce morceau à trois temps est également régulièrement repris dans plusieurs musiques d'environnements sous forme de citations. Si l'on tend l'oreille sur les trois premiers niveaux du jeu, qui introduisent les trois personnages ainsi que l'intrigue, on remarque que le thème est toujours présent, mais adapté à celui qu'il représente... Le mélancolique mage vivant dans la forêt est ainsi personnalisé par une reprise très proche de la musique originale. C'est la seule qui reprend sa structure ternaire, son accompagnement régulier, et qui prend son temps au point de répéter deux fois le début de la phrase, peut-être pour représenter l'aspect rêveur et un peu paresseux de ce personnage plus taillé pour raconter ses aventures que pour les vivre.
Vient ensuite le tour de Pontius, le tank de l'équipe. Ce chevalier carré toujours partant pour la bataille n'aime pas s'encombrer de subtilités, chose qui s'exprime par une reprise très épurée du thème principal, excluant les notes de passage et autres fioritures. Comme ce personnage sera souvent au centre de l'action, et donc des exploits guerriers, une touche épique est ajoutée via l'utilisation de chœurs et de cuivres graves ainsi que d'une rythmique bien marquée. La voleuse quant à elle, espiègle, précise et agile (elle se déplace dans les airs à l'aide de son fouet et est maître du tir à l'arc), est caricaturalement représentée par des pizzicati de violons (jeu de cordes pincées) dans une variation très ornée du thème principal qui n'est pas sans rappeler L'antre du Roi de la montagne du Peer Gynt de Grieg.
L'heure de la bataille finale
Une fois tout ceci en tête, nous pouvons enfin revenir sur notre sujet principal, le combat contre le dernier adversaire, imposant et lourdement décoré. Outre un affrontement épique, le climax exprimé ici est aussi celui d'une union, le terme d'un long voyage mettant finalement les trois personnalités contradictoires au même niveau pour se liguer contre un ennemi commun. Ce fameux ennemi cherche également à s'approprier le pouvoir du Trine en détruisant nos héros, il s'agit donc d'une bataille pour sa légitimité. Aussi la musique reprend et mélange l'esprit des trois personnages dans une dernière variation du thème du Trine avant le générique.
Le thème du Trine est à peine reconnaissable. En effet, seules les première notes sont reprises dans la formule pressante qui se répète inlassablement en introduction et à plusieurs autres endroits du morceau (voir ci-contre). Le début de la mélodie est identique, avant de partir vers quelque chose de très différent. Les diverses transformations que ce thème a traversées au cours du périple et les variations successives l'ont en fait réduit à un début de phrase reconnaissable (que l'on peut observer dans l'encadré ci-dessus). L'orchestration cependant laisse transparaître la personnalité de nos héros. Si l'aspect combatif de Pontius, manifesté à grand renfort de graves, de cuivres et par une rythmique est ce que l'on retient le plus facilement (et à raison puisqu'il constitue la trame majeure du morceau), il ne faut pas pour autant négliger le rôle de ses partenaires. Ainsi, la doublure de la mélodie au clavecin rappelle la ligne de guitare ou de harpe qui rythme le début de l'histoire et les sortilèges d'Amadeus. Si l'importance de ce dernier est plus que négligeable dans cette bataille, il en va autrement pour Zoya et son arc, dont on retrouve la vélocité dans les variations ininterrompues de la mélodie.
L'utilisation du thème du Trine à toutes les sauces permet d'y raccrocher de nombreux souvenirs reliés à différents contextes. Qu'on le rattache aux personnages, à la forêt des champignons géants, ou encore au Trine lui-même, le fait de l'entendre à la dernière heure a un effet galvanisant et renforce le sentiment d'unité face à un ennemi colossal qui demande de mettre en oeuvre tout ce qu'on a acquis au cours de notre voyage pour être vaincu. Par extension, le combat contre le boss de fin constitue un souvenir musicalement fort, qui nous sera immédiatement rappelé par les réorchestrations de l'épilogue et du générique, porteurs d'une grande charge émotionnelle.
Par Ptit-Cactus
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