Le jeu le plus “étrange” de l’E3 2021 n’est pas celui que vous croyez... C’est pas Project Zero ou Back 4 Blood, ni même S.T.A.L.K.E.R.2 et Metroid Dread…Non, non... C’est Doki Doki Literature Club Plus… Et voilà pourquoi...
Script
Un jeu « connu et reconnu »
Avant tout de chose, sachez qu’on va parler d’un jeu qui apparait léger mais qui est bien plus lugubre et meta que ce qu’il n’y paraît. La première fois que j’en ai entendu parler, c’est donc à l’E3 2021, alors que passe le trailer de Doki Doki Literature Club Plus! une réédition récente du jeu sur console, et payante. Parce que oui, Doki Doki ça fait plus de 3 ans que ça existe : le jeu est plus ou moins gratuit sur PC, vous donnez ce que vous voulez au développeur principal, Dan Salvato, et à ses deux amis… Côté pitch et ambiance, le jeu a l’air mignon, enfantin, typique des visual novel un peu kawaii dans lesquelles on intègre un groupe, généralement composé de filles, qui vont évidemment toutes craquer pour nous. Sauf que voilà, le trailer met pas mal en garde sur le côté “surprenant” du jeu et après sa diffusion, plusieurs collègues me disent “essaye le, tu vas voir, mais j’peux rien te dire de plus”. Et ça, ça m’accroche et ça m’intrigue évidemment… En cherchant un peu, on se rend compte que le jeu est assez culte : y’a les initiés “nous sachons” et les autres “Mouais une visual novel kawai, classique”. Aussi pour continuer de vous parler de Doki Doki, je vais devoir forcément vous spoiler deux ou trois trucs. Franchement, faites ce jeu et revenez voir la vidéo : il est free to play sur Steam, avec un patch amateur français, et ça se fait en 5 à 6H…. C’est bon ? Vous êtes sûrs de vouloir continuer.
Une seconde partie très différente
On va pouvoir entrer dans le vif du sujet… Un truc qui m’a vraiment surpris, c’est à quel point le jeu prend son temps avant de devenir étrange. Que ça soit par le bouche à oreille ou par les avertissements en début de partie, on sait tous qu’à un moment du jeu, tout va basculer. Et pourtant, le jeu tire volontairement en longueur et s’avère même hyper répétitif sur la première phase… Forcément on vit le quotidien d’un étudiant : réveil, journée de cours, club de littérature, lecture des poèmes, discussion, puis éventuellement écriture chez soi. Tout est hyper niais, plein de guimauves et d’amourettes de lycéens dans cette phase 1 de Doki Doki. Et c’est voulu. Le développeur se moque gentiment des visual novel et de la culture des animé en positionnant des tas de clichés, spécifiquement pour berner le joueur et mieux le surprendre par la dure réalité des choses, lorsque le jeu sort de ce cadre niais, l’espace d'un instant. Même constat pour les musiques, réussies, mais qui vous rentrent dans la tête de manière assez agaçante, épuisante, et parfois même abrutissante. Et quand ces musiques là, subitement, s’arrêtent, et qu’on a un passage chelou où une des filles sort de son rôle kawai et a un comportement juste typique ado un peu mal dans sa peau… Le jeu prend une toute autre tournure… avant de repartir façon guimauve : on retarde le grand climax que tout le monde attend…
L’art du New Game +
Doki Doki c’est un des rares jeux que je connaisse qui commence véritablement au début du New Game +. A ce moment-là, on prend conscience que tout ce qu’on a fait, tout ce qu’on a choisi, tout ce qu’on a écrit, ça avait peut être une importance, sans qu’on le suppose. Et d’ailleurs, si vous creusez un peu le fonctionnement du jeu, vous découvrirez que même les poèmes que vous devez écrire ont leur importance, et déclencheront suivant les thèmes favorisés, des réactions chez les filles du club. A partir de cet instant, quand vous démarrez une nouvelle partie, le sujet du jeu c'est vous, devant votre écran. C’est assez fou de constater que le développeur va travailler avec votre sentiment de culpabilité et vous mettre face au poids de vos décisions, qui vont toujours blesser une des filles, qui finira par s’autodétruire inlassablement. Dans ces versions alternatives du jeu, certaines séquences vont changer, parfois un tout petit peu, juste un visage qui passera d’angélique à bien flippant, parfois juste un dialogue qui varie, et parfois tout un pitch de livre qui change totalement, voire même une petite prise de tête qui devient une grosse ambrouille à la run suivante… Puis viennent les glitch, les modifications du script, les bugs critiques, et les jumpscare, autant de moments qui vous surprennent vraiment beaucoup et font que le jeu, lentement mais sûrement, va pas seulement briser le quatrième mur, mais va le défoncer… en boucle.
Défoncer le quatrième mur
Quand on parle de briser le quatrième mur, on pense évidemment à des jeux comme The Nomad Soul ou comme Metal Gear Solid, qui vont s’adresser à vous en tant que joueur, expérimentant un jeu vidéo. Parfois, ça confine au génie, comme ce combat de boss contre Psycho Mantis dans MGS, qui vous force à brancher la manette sur le port 2 pour que l’ennemi arrête de lire vos mouvements. Mais Doki Doki apporte un autre niveau de lecture, selon moi tout aussi balaise. En nous demandant d'interagir avec les fichiers du jeu, afin de littéralement supprimer des personnages du jeu, le développeur Dan Lovato et ses potes vont très très très loin. J’ai vu plusieurs jeux tenter des choses de ce genre, comme Imscared par exemple il y a quelques années, mais jamais on m’avait autant immergé dans une seconde lecture. A tel point même que si vous voulez tricher avec cette feature, et supprimer des fichiers à la volée, le jeu va réagir en conséquence et encore plus vous surprendre, preuve que chaque éventualité a été envisagée. Pire encore, lors des séquences finales, le jeu peut détecter si un logiciel de streaming comme OBS ou Streamlabs fonctionne en fond, et va donc déduire que vous êtes en train de streamer le jeu. Le personnage de Monika va alors saluer les spectateurs et nous reprocher de la filmer sans son consentement… Il y a même des gens qui se créent des compte Twitch pour faire semblant que Monika vous follow à cet instant précis… Pour l’avoir vécu en direct, je peux vous dire, ça fait réfléchir...C’est sûr, en brisant les limites du quatrième mur, Doki Doki invente une expérience communautaire inédite. Mais, cela étant dit, on peut se demander quels héritages le titre va laisser...
Quel héritage ?
Comme beaucoup de gens, Doki Doki ça a été mon premier Visual Novel, et j’ai trouvé ça passionnant à suivre. Se dire qu’une telle aventure peut être amenée par un seul développeur, ça prouve qu’on peut faire de grandes choses avec très peu de moyens et que le cerveau des joueurs est hyper maléable, même quand on a deux PNG qui bougent à peine et trois décors. Ce constat, il a réveillé chez pas mal de joueurs une vraie passion pour ce format d’aventure vidéoludique, et c’est assez incroyable, pour un milieu pourtant très fermé et plutôt de niche. J’aurai évidemment pu vous parler de l’ARG, un jeu de piste dans le monde réel, qui est en place une fois qu’on a terminé le jeu, avec du chiffrage en Vigenère, des sites web planqués et des poèmes cachés visiblement écrits par le joueur, et tellement d’autres secrets passionnants, mais on va pas s’éterniser là dessus. En revanche, le jeu, en tant que logiciel, a clairement ses limites. L'intérêt de la version Plus! apparait par exemple assez limité, malgré quelques séquences exclusives qui se déroulent avant l’aventure. Et puis, il y a ce délire du quatrième mur qui semble impossible sur consoles, sauf à travers des interfaces factices, et sera donc véritablement efficace que sur PC… Soyez donc au courant de ça si vous comptez acheter le jeu.
Voilà on espère que cette vidéo vous a plu, que vous avez appris des trucs ou ressassé des bons moments passés sur Doki Doki. N’hésitez pas à vous rendre sur JV pour toute l'actu du jeu.