thegreatreview revient dans ce nouvel épisode de La Gazette de l'eSport et vous propose d'aborder un pan précis du monde de l'esport, entre estoire et edoles.
Script
OK, mise en situation, vous êtes Américain, vous aimez la liberté et la démocratie sauf quand un pays décide d’élire un président communiste. Vous vivez à Las Vegas, c’est pas juste trois casinos posés au milieu du désert hein y a toute une ville, et ce week-end, comme chaque année, vous allez à l’EVO. Parce que c’est à 10 minutes de chez vous et que ça vous fait sentir comme un vrai gamer. Vous arrivez sur place et, comme d'hab, les coréens sont en train de massacrer tout le monde, mais vers la fin de journée, des encouragements assez exceptionnels se font entendre, ça commence à crier vraiment fort alors vous abandonnez le stand où vous venez de payer un hotdog 4 fois trop cher pour retourner vers le tournoi de Tekken et là, alors que le top 8 vient d’être décidé et qu’il ne devrait rester que des drapeaux coréens et japonais soudain vous voyez...
Mais avant d’avoir la suite de l’histoire, rembobinage : plus tôt dans la journée, un certain Lil Majin débarque à l’EVO. Pas tout monde sait qui il est, il a participé à quelques tournois locaux dans le sud-est du pays mais rien de très impressionnant. Il a quand même réussi quelques mois plus tôt à terminer 4e d’un major à Orlando donc, pas une brute qui va à tous les tournois, mais avec du niveau quand même. Majin s’inscrit et commence à disputer les poules.
Ici, une explication de format s’impose : dans un tournoi de versus fighting y a pas de nombre limite de participants, tout le monde peut s’inscrire, donc on commence par faire des phases de poules absolument immenses et on garde que les meilleurs de chaque poule ce qui permet de dégager d’emblée 95% des participants. Et c’est là qu’arrive la phase de Bracket qui est brutale, parce qu’atteindre le top 8 de l’EVO c’est déjà une consécration, ça fait vraiment de toi l’un des meilleurs joueurs du monde sauf que comme le nom de top 8 l’indique y a très peu de places et c’est la phase de Bracket qui détermine pour qui elles sont. En Bracket tu peux te faire éliminer en un match, et tu joues exclusivement contre des gens qui sont sortis des poules, donc le niveau est salement relevé. C’est l’épreuve qui sépare les inconnus qui participent qu’aux phases de poules de l’élite qui a une place en top 8.
Fort de ses expériences locales, Lil Majin fait partie de la dizaine d’américains qui arrive à sortir des poules, normalement c’est le moment où il se fait démolir par les joueurs asiatiques. Maintenant supposons que devant une foule presque entièrement américaine, un américain parvienne à traverser le Bracket dans une discipline totalement dominée par l’Asie, et qu’en plus il joue King : qui est un catcheur, ça s’invente pas, et dont le gameplay est hautement spectaculaire. Vous pensez que le public va bien réagir ?
Après avoir vaincu Pekos et Jeonding, Majin arrive à son dernier match de Bracket, la dernière barrière avant le top 8, et c’est une sacrée barrière parce que certes, Noroma n’est pas Coréen, mais c’est probablement le meilleur japonais en activité.
« Noroma 4:30 »
C’est fait, un Américain en top 8 de l’EVO, les gens n’en croient pas leurs yeux mais la journée est déjà terminée, faudra revenir demain pour voir la suite. À partir de là, Majin est donné largement perdant sur toutes ses rencontres hein… Déjà Bracket t’as du mal à respirer mais en Top 8 y a plus d’oxygène, y a que les dieux qui sont encore en lice. Et le lendemain matin le premier adversaire de Majin s’appelle JDCR et c’est … hof juste le mec qui a gagné l’EVO l’année dernière.
Le premier round est un massacre mais Majin sait comment reprendre l'avantage : il a qu'à enlever son casque et écouter la foule. Je vais réfréner l'envie de faire un montage à base de musique électro sur ce combat là, pour que vous puissiez entendre la foule
« Et après, et après ? »
« Il a perdu. »
« Pardon ? »
« Il s’est fait éclater une première fois par Lowhigh puis il s’est fait impitoyablement 3-0 par Qudans qui l’a dégagé du tournoi. »
« ça fait 5 minutes que tu me racontes l’histoire de ce mec pour qu’il se fasse éclater en demi-finale ? »
« C’est pas grave c’est pas pour ça qu’il était venu à la base. »
« Comment ça c’est pas pour ça qu’il était venu à la base ? »
« Il était en vacances avec sa copine, et il s’est inscrit pour lui montrer à quoi ressemble l’EVO, il avait juste pas prévu d’aller aussi loin».
« …... »
Ce génie a terminé troisième de l’EVO alors qu’à la base il était là pour faire des balades dans le désert et perdre de l’argent dans les casinos. Il était à deux matchs de remporter le tournoi le plus élevé de l’année sans faire exprès. C’est une histoire qui illustre beaucoup des choses qui sont les plus belles dans l’esport et dans le sport en général : le spectacle et l’imprévu, le fait d’être en train de manger un sandwich en s’ennuyant sur des gradins une seconde puis d’être en train de hurler de toute la force de ses poumons la seconde d’après parce que sur le terrain, un joueur a décidé de faire quelque chose d’incroyable. C’est une histoire remplie de ce qui fait la magie du sport et donc c’est une bonne histoire pour arrêter.
C’est le dernier épisode de la gazette de l’esport. Je vous remercie beaucoup de m’avoir suivi pendant cette année. J’ai décidé d’arrêter parce que j’ai fait à peu près le tour des histoires que je voulais raconter et à peu près le tour du format aussi. La gazette est seulement aussi bonne que les histoires qu’elle raconte, et je veux pas regarder les épisodes perdre lentement en qualité au fur et à mesure que je racle les fonds de tiroir, je préfère arrêter maintenant pendant que je peux être réellement fier de chaque épisode. Du coup, je vous remercie beaucoup pour votre gentillesse pendant cette année et je vous dis pas à la semaine prochaine, du coup.