TheGreatReview revient dans ce nouvel épisode de La Gazette de l'eSport et vous propose d'aborder un pan précis du monde de l'eSport, entre estoire et edoles.
Script
Bonjour à tous et à toutes, bienvenue dans cette gazette de l’esport du 5 novembre. Alors on va reparler de tekken, parce que la coupe du monde de tekken ce jeu a le don de créer des histoires absolument fascinantes. Commençons par les bases : tekken est un jeu long à maîtriser, c’est pas juste un jeu de réflexe c’est aussi, et presque avant tout un jeu d’expérience où il y a près d’une centaine de move différents par personnage, pour plus de 40 personnages. Quand tu commences à jouer, tu es censé choisir un personnage apprendre autant de moves que possible avec ce dernier, puis commencer à apprendre les matchs-ups contre chacun des 40 et quelques autres personnages du jeu. Ce qui signifie que techniquement, un joueur avec une connaissance parfaite du jeu a appris aux alentours de 4000 moves par coeur. C’est évidemment pas faisable dans la vraie vie, mais ça explique que la scène professionnelle ne compte quasiment aucun exemple de type qui sort de nulle part, et qui massacre tout le monde au talent, parce que l’expérience est phénoménalement importante. Si tu joues contre un gars qui a les mêmes réflexes que toi mais qui a commencé 5 ans plus tôt, il a eu 5 années supplémentaires pour apprendre les matchs-ups. On notera que les résultats spectaculaires d’Arslan Ash dont on a déjà parlé, sont en grande partie possible parce que son style de tekken pakistanais si unique a pris par surprise une scène qui se repose sur l’apprentissage de ce qu’elle sait être dans le jeu, plutôt que sur les réflexes et la pure performance mécanique.
Alors maintenant supposons, juste supposons qu’un type débarque, il est assez jeune et il ne fait pas du tout partie des gens qui faisaient les premières compétitions, il a pas beaucoup d’expérience en tournoi, il est pas doué, il a du mal à assimiler l’une des mécaniques au coeur qui se trouve au coeur du gameplay de tekken et pour ne rien arranger, ce petit malin décide de jouer l’un des personnages le plus faible du jeu parce qu’il n'a pas envie de faire comme tout le monde. Il n'a aucune chance de faire la moindre perf en tournoi non ? Non ? Ce que vous êtes en train de voir, c’est l’un des monstres sacrés de la scène tekken en difficulté face à un joueur dont personne n’a aucune trace avant 2018 et qui joue, et qui joue Panda. Alors il y a quoi qui va pas avec Panda ? A peu près tout, sa hitbox est gigantesque, ses attaques sont lentes donc le perso est facile à punir et son sidestep est absolument nul. Après le perso a quand même des forces, hein, il a des grandes pates donc il frappe loin, mais c’est à peu près tout, autant vous dire qu’on est pas exactement sur du top tier. Et le mec qui a l’outrecuidance de jouer Panda s’appelle Rangchu, il y a quelques années il était un de ces nombreux lycéens sud-coréens qui rêvaient de devenir joueur pro, au point où il était prêt à complètement négliger ses études pour s’améliorer. Les enfants ne faites pas ça chez vous, sécher les cours pour jouer aux jeux vidéo, en terme d’intérêt pour le futur, c’est vraiment une combine qui marche que quand tu vis à 10 minutes de la green arcade. Parce que quand Rangchu sèche les cours il a l’honneur d’aller se faire démolir par des mecs qui s’entraînent pour la coupe du monde de Tekken ou pour l’Evo. Pour ne rien arranger, le bon Rangchu est pas très doué en 2 trucs : le spacing et le sidestep. Le spacing c’est maîtriser la distance à laquelle on est de son adversaire, juste assez loin pour ne pas prendre un coup mais juste assez près pour faire croire à son adversaire que ça vaut le coup d’attaquer, c’est crucialement important dans tous les jeux de combats du monde en fait. Le sidestep par contre est une particularité de tekken, il s’agit d’esquiver en faisant des petits pas de côté, ça permet de ne pas se prendre une mandale mais de rester tout près pour contre-attaquer tout de suite et on ne voit pas ça ailleurs parce que dans les autres jeux de combat bah .... on peut pas tourner autour de son adversaire. Bon bref Rangchu, il est pas fou dans ces 2 choses, mais il a une solution très simple : qui a vraiment besoin de sidestep quand de toute façon ton personnage est nul là-dedans, et qui a vraiment besoin d’être bon en spacing quand t’as de grandes pattes griffues qui touchent loin ?
Rangchu débarque sans prévenir sur le circuit compétitif en 2018 et soudain un rookie complètement inconnu se met à faire des top 10 dans des tournois majeurs en jouant Panda, autant vous dire qu’il a très vite attiré l’attention des commentateurs et du public. Le problème c’est qu’après avoir passé toute l’année sur le circuit, il a toujours jamais terminé premier, parce qu’à chaque fois qu’il arrive en toute fin de tournoi il se retrouve contre la vieille garde, les fameux mecs qui ont les années d’expérience en plus, les Knee, saints, Qudans et compagnie. Contre eux, ils ne gagnent jamais et donc il est abonné aux 2e, 3e et 4e places.
Et quand tu sais que tu joues l’un des pires perso du jeu, forcément tu doutes, tu regardes ton étagère à trophée complètement vide et tu te dis, si j’avais joué un personnage top tier, est-ce que j’aurais des trucs à mettre sur mon étagère ?
Alors au bout d’un moment, rangchu craque, et se met à choisir des champions plus cotés, mais ses résultats deviennent pires encore, parce que le pick qu’il a choisi y a des années pour se démarquer, entre-temps c’est devenu sa plus grande force, y a pas un personnage qu’il connaît mieux et surtout : depuis le début on parle de l’importance de l’expérience, et les monstres sacrés de la discipline qui ont plus d’heures que tout le monde, vous croyez qu’ils ont passé combien de ces heures à s’entraîner contre Panda ??? Pas beaucoup. Prendre un pick impopulaire c’est enlever aux joueurs qui sont imprenables à cause de leur expérience une grande partie de leur invulnérabilité. Et lorsque la saison a annoncé sa fin et que les championnats du monde sont arrivés, Rangchu avait suffisamment mûri pour ne plus douter, et celui qui avait commencé à concourir quelques mois plus tôt avec un perso de bas de tableau est parti détrôner la vieille garde jusqu’à une finale d’anthologie contre quelqu’un qui représente son opposé parfait, un ancien roi, récemment sorti de sa retraite, et portant avec lui l’expérience de ceux qui jouent à tekken depuis que tekken existe.