Devant l’indétrônable Monster Hunter de Capcom, la licence God Eater fait figure d’éternel challenger. Annoncé en 2016, le troisième opus de la série avait la lourde tâche de tenter de rivaliser avec le colosse Monster Hunter World, sorti début 2018 et proposant un univers plus ouvert que d’ordinaire. L’année dernière, Bandai Namco a ainsi livré aux joueurs japonais un God Eater 3 visant non seulement à marquer son territoire, mais aussi à atteindre un public plus vaste, notamment parmi la clientèle européenne. Pour ce faire, il fallait offrir à la saga un épisode inédit d’envergure, tout en restant accessible au plus grand nombre. Le premier choix du studio a été de laisser la PS Vita sur la touche et de consacrer le développement du titre à deux plateformes : la Playstation 4 et Steam. Le dernier né de la licence God Eater a t-il relevé le défi ?
UN CONTEXTE POST-APOCALYPTIQUE SOMBRE
God Eater est une licence qui prend place dans un futur où notre civilisation se rapproche inexorablement de l’extinction. En effet, dans les années 2050, des formes de vie nommées « Oracle Cells » se mirent à engloutir les organismes présents sur terre. Leur grande capacité d’adaptation les fît évoluer vers des créatures effrayantes à la férocité sans pareille. Elles héritèrent ainsi d’un surnom ne laissant aucun doute sur leur dangerosité : « Aragami » ou les dieux violents. Mais une vingtaine d’années plus tard, une technologie vint changer la donne, permettant d’incorporer les Oracle cells dans l’organisme des humains, les transformant ainsi en véritables armes vivantes, des êtres maniant les « God Arc », autrement dit les armes divines. Surnommées « God Eaters », ces troupes d’élite représentent dorénavant le dernier rempart de l’humanité contre ces monstres, luttant pour la survie de l’espèce.
A l’instar de son prédécesseur intitulé God Eater 2 Rage Burst, ce 3ème opus débute par une cinématique qui pose l’ambiance, mettant en scène la transformation d’un enfant en God Eater, appartenant à une toute nouvelle classe inédite dans la licence : les Adaptative God Eaters ou AGE. Nous allons rapidement comprendre la place de ces soldats dans ce monde sans considération pour eux, où la survie est omniprésente. Le côté sombre de la série s’impose dès les premières minutes et laisse ainsi présager un scénario avec de la profondeur. La trame de God Eater 3 se déploie lors des cinématiques et durant les phases préparatoires entre les missions. Si les premières sont capables de nous embarquer dans l’histoire riche, sans concessions, à l’ambiance pesante distillée par le titre, les secondes vont être en partie axées sur le recrutement et les interactions avec les PNJ. Il est d’ores et déjà possible de dire que ce 3ème opus parvient à nous réserver un certain effet de surprise, à l’image de l’épisode précédent qui avait su marquer les esprits, notamment grâce à l’arrivée d’un nouveau personnage dont le rôle va s’avérer crucial.
UN TROISIÈME OPUS ACCESSIBLE AUX NOVICES ?
En premier lieu, nous allons personnaliser notre personnage, avec une variété de customisations assez étoffée, allant du sexe du protagoniste aux détails de son visage, en passant par son nom ou sa coupe et sa couleur de cheveux. Nous prenons les commandes en main de manière progressive, par le biais des premières missions qui lui sont confiées. Dans la première zone du jeu, il existe deux blocs distincts, l’un est le tableau de commande qui permet de visualiser et d’accepter les missions possibles et l’autre est le terminal, permettant quant à lui de gérer l’équipement, les capacités et de bénéficier d’une multitude d’informations qui vont de l’utile à l’indispensable. Une partie intitulée base de données permet de rendre God Eater 3 accessible aux néophytes, pour peu qu’ils s’attaquent à la lecture de son vaste contenu. En effet, un segment de cette rubrique est dédié à la terminologie, afin de se familiariser avec l’univers de la série et ses mécaniques de jeu, par le biais de descriptions détaillées dont le nombre va augmenter au fur et à mesure de la progression.
Les nombreux éléments du gameplay sont introduits à un rythme soutenu, mais ils s’inscrivent dans un tutoriel en temps réel qui peut laisser une impression de déconcertante facilité. Le souhait des développeurs de ne pas décourager les nouveaux venus dans la série est présent, la multitude d’informations à digérer s’ajoutant à une difficulté d’entrée trop élevée auraient pu être rebutantes. Si cette première phase est relativement longue, elle permet une ébauche de prise en main des premières subtilités de la chasse, y compris par le biais d’une section entraînement visant à maîtriser les commandes. La facilité va ensuite céder la place à une difficulté qui va aller crescendo, d’une manière suffisamment progressive pour que l’expérience ne soit pas ressentie comme injustement punitive.
DES COMBATS NERVEUX
La chasse est un des fondements de God Eater, le but de vos missions est d’éliminer les créatures hostiles qui envahissent les environs. Nous y retrouvons une base qui a des similitudes avec la saga Monster Hunter, mais aussi des différences marquées. Ce qui caractérise les combats de la série est le dynamisme. Les attaques et déplacements sont fluides, particulièrement rapides, tels ceux des protagonistes de NieR: Automata. On y retrouve un style similaire, de part l’amplitude des mouvements et leur vitesse d'exécution. Votre personnage possède un arsenal composé d’armes divines qui se développe au fil du jeu, avec des nouveautés qui intègrent cet épisode, comme le Ray Gun (longue portée) ou le Biting Edge, possédant deux lames. Toutes les armes du jeu disposent de deux formes qu’il est possible de switcher lors des affrontements, ce qui permet d’opter pour du combat au corps à corps, ou bien de l’attaque à distance. Dans le cas de cette dernière, l’arme du protagoniste prend la forme d’un fusil dont l’utilisation consomme des points de la jauge de PO et rend le personnage moins vif l’espace d’un court instant, l’utilisation bien placée du bouclier peut s’avérer alors fort utile. Quant au maniement de l’arme sous sa forme dédiée au combat rapproché, il permet d’absorber les Cellules d’Oracle des Aragamis afin de récupérer des PO.
Les Arts de Salve (Burst Arts) viennent compléter le tableau, avec leurs nombreuses nouveautés permettant de réaliser trois types d’attaques spéciales : sol, saut, aérien. Déblocables au fur et à mesure de notre progression, ces Arts sont attribuables via les terminaux, diffèrent selon les armes et leur puissance augmente en fonction des résultats de fin de mission. Des Burst Arts Effects viennent élargir la personnalisation de ces attaques spéciales. L’utilisation des Arts de Salve est dépendante de la quantité de cellules d’Oracle absorbée par l’arme de l’AGE : une fois le nombre requis atteint, le mode Salve est enclenché, au grand damn des créatures qui vont encaisser ces puissantes attaques. En dehors de la jauge de PO, il est nécessaire de surveiller celle des points de vie, mais aussi le niveau d’endurance à disposition. Classiquement, vos attaques la font fondre comme neige au soleil, tandis que l’immobilité ou la marche ont l’effet inverse, une donnée à prendre stratégiquement en compte. Autre point tactique à ne pas négliger, les Aragamis peuvent présenter une faiblesse élémentale, utiliser la bonne arme et les munitions adaptées peut alors donner l’avantage.
Les terminaux, en plus d’être des points de sauvegarde, permettent de gérer l’inventaire. Il est possible d’utiliser les matériaux récoltés afin de confectionner ou d’améliorer de l’équipement, ou encore de créer de nouveaux objets, dont certains visent à combler les jauges de vie, de PO ou d’endurance. C’est également via un terminal que le choix des objets à emporter en mission est réalisable, tout comme la revente de ceux dont on veut se séparer. Les victoires rapportent pareillement des items, des ressources, ainsi que les points qui peuvent être utilisés pour apprendre de nouvelles compétences personnelles. Quatre d’entre elles au maximum peuvent être attribuées simultanément à chaque personnage. Quant à l’exploration, les matériaux qu’elle permet de récolter dépendent du niveau de la mission. Tout comme ses aînés, God Eater 3 met l’accent sur le résultat des missions de chasse en plus des collectables pour venir étoffer l’inventaire.
UN MODE COOPÉRATIF TOUJOURS LE BIENVENU
Une nouvelle catégorie d’Aragami fait son entrée et elle va s’avérer redoutable. En effet, tout comme les AGE, ces monstres fraîchement débarqués dans la licence sont capables d’absorber les Oracle Cells et ainsi gagner en résistance et célérité. Cela ne s’arrête pas là, ils bénéficient également du boost apporté par le mode Burst et voient ainsi leurs attaques évoluer. Nommés les Aragamis de cendre (ou Ash Aragami), les affronter se révèle compliqué et c’est ici que la coopération prend tout son sens. Une session en ligne m’a permis de collaborer avec 3 autres joueurs et ainsi remporter la victoire avec plus de facilité. Autre atout majeur de la coopération, qu’elle soit online ou en partie solo : le système de Symbiose (Engage) qui permet de booster le potentiel offensif de deux combattants se trouvant à proximité, lorsqu’ils ont récolté suffisamment d’Oracle cells. Ce phénomène est rendu possible grâce à la résonance - une énergie dont le rôle ne va pas se limiter à son action au combat - qui émane des différents God Eaters, un atout appréciable face aux boss les plus récalcitrants. Enfin, le mode "Assault Mission" peut réunir jusqu'à 8 joueurs. Pour conclure sur le mode multijoueur online, notez qu’il est simple à mettre en oeuvre via la rubrique dédiée du menu des terminaux, l’interface est bien faite et l’expérience a été parfaitement stable à quatre.
UN CHARA-DESIGN RÉUSSI
Au fil de l’histoire, de nouveaux protagonistes vont venir rejoindre le groupe. Comme pour son prédécesseur, le seul personnage jouable dans God Eater 3 est celui créé au départ, tous les nouveaux venus ne pouvant intégrer le groupe choisi pour partir en mission qu’en qualité de PNJ. Ce manquement toujours aussi regrettable est partiellement compensé par la personnalisation du héros principal qui propose de nombreuses possibilités de design. Le fait de pouvoir choisir son sexe nous prive cependant de sa voix, il restera muet durant les phases de dialogue, ses paroles seront retranscrites à l’écrit. Les échanges seront ainsi ponctués de blancs, que vous ayez choisi l’audio anglais ou japonais. Fait notable, les sous-titres sont intégralement disponibles en français, les menus et textes sont également traduits dans la langue de Molière. Quoi qu’il en soit, les personnalités sont variées, on retrouve un panel de caractères et de styles différents, allant du jeune homme dark et ténébreux à la jeune fille cute, en passant par toute une palette de femmes fatales - à la poitrine généreuse - conformément aux standards des productions japonaises.
Si on y retrouve la patte graphique de l’épisode précédent, God Eater 3 a bénéficié d’une touche d'amélioration des textures et d’un léger lissage de la modélisation des personnages, même si on pouvait attendre plus de cette version ayant délaissé la PS Vita. La sobriété des arènes contraste avec le souci du détail apporté aux protagonistes. Les armes ont bénéficié d’un design soigné qui rend parfaitement la sensation de puissance qui s’en dégage. Le bestiaire n’est pas en reste, reprenant l’aspect démoniaque des monstres emblématiques de la série, certains golgoths sont particulièrement impressionnants. Les effets de lumière sont réussis et accompagnent morceaux de chair et sang qui gicle, en plus des effets sonores impeccables. L’ost propose la même variété que celle de God Eater 2 Rage Burst, avec ses styles musicaux différents. C’est toujours un régal auditif.
Points forts
- Une accessibilité qui élargit le panel de joueurs
- La difficulté progressive
- Des nouveautés bien pensées
- Le mode coopératif en ligne
- L’accent mis sur le scénario
- Des personnages charismatiques
- Une bande son au poil
Points faibles
- Les subtilités du gameplay qui peuvent être difficile à appréhender
- Un manque d’équilibre dans le rythme
- Des temps de chargement un chouia longs
- Des God Eaters qui auraient mérités d’être jouables
Afin de se démarquer de la saga Monster Hunter, Bandai Namco se devait de conserver l’ADN de sa licence God Eater tout en livrant un opus contenant de nouvelles propositions. Mais il était également impératif de prendre le chemin de l’ouverture à un public plus large, comme l’a fait le studio Capcom avant lui, afin d’asseoir sa position et de conquérir sa part du marché européen. Sur ces points, le pari a été tenu : ce dernier opus est plaisant aussi bien pour les néophytes que pour ceux qui connaissent leur sujet. God Eater 3 n’en reste pas moins un titre exigeant, nécessitant bon nombre d’heures avant de parfaitement maîtriser les subtilités du gameplay, qui vous embarquera dans une expérience de jeu extatique, malgré les quelques longueurs dues à une intensité manquant d’équilibre.