Suda51 et Grasshopper Manufacture sont de retour dans une suite dite “spirituelle” de la franchise No More Heroes. Voilà maintenant de longues années que Travis Touchdown se la coule douce après deux épisodes canoniques sortis sur Wii en 2008 et 2011. Il est grand temps pour ce héros un brin particulier de reprendre du service sur Nintendo Switch dans Travis Strikes Again : No More Heroes.
Génération “Nostalgie”
No More Heroes signe un retour détonnant, et surtout fidèle aux fondamentaux de la franchise établis par Suda51 et les équipes de Grasshopper Manufacture. Bad Man, antagoniste principal de la saga, compte bien ressusciter sa fille bien aimée, la turbulente Bad Girl envoyée ad patres par Travis Touchdown, un héros affublé d'une veste au violet criard. Pour ce faire, le vilain s'empare d'une console de jeu maléfique, la Death Drive Mk II, capable d'exaucer un souhait à condition de rassembler et de terminer les jeux connus sous le nom de Death Ball. Néanmoins, Travis ne l’entend pas ainsi et se lance dans une course contre-la-montre pour contrecarrer les plans du vilain proclamé. Le récit est d'une simplicité enfantine. Travis Strikes Again ne se démarque pas par sa plume, mais bien par ce ton irrévérencieux et adulescent (adulte-adolescent) qui parcourt l'aventure et sa faculté à briser sans vergogne un quatrième mur friable.
Une avalanche de références 80-90's s'abat sur les joueurs et épice un périple méta par nature affiché en 4:3. Les clins d'oeil, tantôt ostentatoires tantôt discrets, s'enchaînent à un rythme effréné et nous arrachent sourire sur sourire. Jouer à No More Heroes, c'est signer un pacte et Suda51 remplit sa part du contrat en éclatant à la batte de baseball le mur séparant jeu vidéo et réel tout en aspergeant abondamment ce spin-off de pop-culture sucrée-salée. La narration se contente alors de saynètes en 2D sous-titrées en français pour exister, une succession de bulles de dialogues ou de lignes de texte dans une interface rappelant un certain Codec. Pourtant, l'intérêt est ailleurs. Il se trouve dans cette faculté à toujours surprendre le joueur et à s'amuser avec les codes du jeu vidéo. Et à ce petit jeu, Travis Strikes Again est un modèle du genre, parfois dur à suivre, voire éreintant, mais à la générosité exemplaire.
Visuellement parlant, cette expérience hors norme assure l'essentiel sans jamais décrocher la rétine. Ce titre développé sous l'Unreal Engine 4 mise sur un patchwork de directions artistiques source de dépaysement et d'exotisme pixellisé pour donner vie à un trip halluciné et hallucinant. Les points de dégâts, les effets visuels, le design des personnages... tout est ici pensé pour rendre hommage aux productions “indépendante” et à une époque du jeu vidéo aujourd'hui révolue. De plus, la bande originale accompagne à la perfection ce voyage ludique et caresse les tympans des mélomanes d’antan. Les notes rétro-électro des compositions intensifient sans forcer le trait cette douce brise nostalgique qui émane du jeu.
Gameplay : Travis affronte Electro Triple Star
“Quelque chose en toi…
… ne tourne pas rond.” Ce spin-off dénote de la formule traditionnelle qui a fait le succès de No more Heroes. Travis Strikes Again accumule les expériences vidéoludiques sur fond de Beat’em All servant de colonne vertébrale à l’aventure. Suda51 conçoit pour l’occasion sept jeux aux ambiances et aux gameplay variés, et s’inspire des grandes heures du jeu vidéo pour stimuler sa créativité. Course de motos futuristes façon Tron, niveau labyrinthique, phases de plateforme… Grasshopper Manufacture espère surprendre le joueur et parvient à ses fins la majorité du temps en proposant des séquences accessibles desquelles se dégagent un plaisir de jeu sincère. Mais No More Heroes ne serait pas No More Heroes sans une bonne dose de baston à l’ancienne et certaines fonctionnalités qui tapent sous la ceinture.
Travis Touchdown aime sauvegarder sur les toilettes et recharger son sabre énergétique en secouant son joystick. Les facéties du héros reviennent donc dans cet épisode. Le contraire aurait été étonnant, si ce n’est décevant. Et cet amateur d’échange viril s’adonne une fois encore à un plaisir coupable impliquant des centaines d’ennemis et des combats de boss. Ce Beat’em All ne réinvente pas le genre et propose des affrontements nerveux et tactiques, mais dépourvus de ce grain de folie que nous étions en droit d’attendre de Suda51. Travis frappe, esquive, déclenche une attaque spéciale et utilise diverses capacités pour se défaire des “bugs” lui barrant la route. Ces techniques dépendent de puces à dénicher au cours de l’aventure et sont d’une efficacité redoutable. De la simple zone de soin à l’étourdissement en passant par la décharge électrique… la survie passe par une utilisation judicieuse de ces pouvoirs
Travis Strikes Again met vos compétences de joueur et votre patience à rude épreuve au cours d’une aventure à la durée avoisinant les 7-8 heures de jeu en ligne droite. Les collectionneurs partiront de leur côté à la chasse aux items afin de débloquer 100% du contenu à commencer par les T-Shirt arborés par Travis. Les trois niveaux de difficulté (Sucré, Salé, Hot) permettent de redécouvrir chacun des sept mini-jeux le mors aux dents. Grasshopper pense également aux amateurs de multijoueur. Ce spin-off est jouable en coopération sur un écran unique, le second joueur y incarne alors Mister Bad… personnage armé d'une batte de baseball possédant certaines compétences spécifiques. Il en résulte un Beat’em All généreux qui souffre par instant d’une répétitivité inhérente au genre. La faute incombe à plusieurs séquences qui traînent trop en longueur.
Gameplay : Séance de nettoyage au sabre énergétique
Points forts
- 7 expériences ludiques variées
- Un Beat’em All nerveux et efficace...
- Un Travis toujours aussi irrévérencieux et trash
- Un vibrant hommage au jeu vidéo indépendant et au rétrogaming
- Jouable à 2 en coopération sur un même écran
- La bande-originale rétro-électro
- Un 4ème mur malmené par Suda51
Points faibles
- Un scénario simple et expédié
- … mais parfois répétitif
- Des séquences de jeu trop longues
Travis Strikes Again : No More Heroes ne plaira pas à tout le monde et pourrait dérouter les fans de la franchise de par son aspect spin-off. Pourtant, son approche “indé”, son ton irrévérencieux et ses multiples gameplay ravivent une vision décomplexée du jeu vidéo. Suda51 explose à maintes reprises le quatrième mur et déploie des trésors d’ingéniosité pour faire pleuvoir un déluge de références 1980-90’s sur une aventure menée tambour battant de bout en bout. Travis Touchdown crève l’écran malgré quelques maladresses.