Teasé dès 2016 sur YouTube, Scum s'est depuis attiré la curiosité du public, notamment lors de l’E3 2018, avec un trailer dont beaucoup ont retenu qu’il s’agissait là d’un jeu PVP avec “une prise en compte réaliste du système digestif”, histoire de rester poli… Derrière cette feature, amusante car rare sont les jeux où il est possible de déféquer, uriner et vomir, se cache en réalité la promesse de jouer au jeu de survie le plus réaliste à ce jour en matière de gestion du métabolisme. Enrobé d'un très sympathique écrin de survie mêlant PVP et PVE, Scum se positionnait alors, en sortie de salon, comme le digne successeur de DayZ, en plus réussi. Rien que ça. Tâchons donc de voir si les ambitions sont concrétisées par ce début d’Early Access...
Ce jeu est disponible en accès anticipé (early access). Son contenu est donc susceptible d’évoluer significativement dans un avenir proche. Le test de la rédaction est valable pour la version évaluée le 12/09/2018 et sera mis à jour si nécessaire.
Seulement une belle promesse à l’heure actuelle ?
Scum vous propose, depuis son lancement en Early Access à la fin du mois d'août 2018, de “prendre le contrôle” d'un prisonnier participant à un show TV dans lequel lui-même et ses compères taulards, campés par d'autres joueurs, devront survivre en partant de rien. Ensemble, ou séparément, ils devront alors faire face à d'étranges zombies, les "pantins", et s’affronter pour récolter de l'équipement, crafter des armes, perfectionner leur corps, et amasser de précieux “points de popularité”. La finalité de tout ceci, qui n'est pas encore intégrée à l'early access, c'est évidemment de s'enfuir de l'île dans laquelle les joueurs sont parqués tels des animaux en cage.
Pour le moment, le jeu prend donc la forme d'un simulateur de survie en milieu hostile, comme on en a vu par dizaine il y a de ça trois ou quatre années. Toutefois, sachez que Scum n'envisage pas de vous offrir les mêmes features dites "de base" que les clones de DayZ et d'H1Z1 ont exploité jusqu'à l'os. Non, Scum tente de prendre le meilleur de chaque formule et d'y apporter sa touche, indéniablement incarnée par une gestion haute en couleurs du métabolisme humain. Le titre de Gamepires et de la Croteam, développé sous l’égide de Devolver Digital, brille donc par son concept, sorte d’héritage, optimisé et remis au goût du jour, des géants d’antan. Malheureusement comme dit plus haut, le titre n’a actuellement pas vraiment de fin, ni même de trame, même si ces derniers ont été évoqués et font partie de la feuille de route des développeurs.
Tout est logique, tout est réalisable, c'est le jeu de la vie
Doté d’un concept poncé depuis des années par les développeurs, Scum est un titre mûrement réfléchi, où tout ou presque s’imbrique parfaitement. On retrouvera donc ce souci du détail dans chaque action, qu'il s'agisse de se soigner, de se battre, d'augmenter ses capacités, ou encore de faire équipe avec d'autres joueurs. Car ici, pas tout le monde ne souhaite faire de vous son trophée et la coopération est souvent de mise dans cette zone de non-droit à l’ambiance colorée. En effet, les joueurs représentent certes une menace, mais l’environnement et les sbires au service du show télé en sont également une, bien plus pesante. Car si les villes sont entourées de zombies plutôt simples à éliminer, les bunker militaires sont quant à eux directement protégés par de véritables Metal Gear dont les capacités de détection et de tir mettront votre sens de l’infiltration à rude épreuve et nécessiteront parfois un peu d'aide de la part d'un codétenu pour pénétrer dans les bâtiments sans trop d’encombres. Ces scènes de camaraderie, cela fait bien des années que nous ne les avions pas vécues sur un jeu de survie où, le plus souvent, le PVP sauvage est légion.
Une fois équipé de divers espaces de stockage et d’armes à feu, malheureusement, il ne vous reste pour l’instant plus rien à faire dans Scum, si ce n’est survivre et arpenter l’immense carte à la recherche d’un meilleur équipement. Seulement voilà, survivre, c'est déjà beaucoup dans ce monde. Grâce à la petite puce verte et brillante que vous avez constamment au dos de votre crane, les développeurs légitiment l'apparition d'un écran extrêmement poussé, celui dédié au métabolisme. Et si ce dernier fait très peur, de prime abord, il s'avèrera très précieux pour diagnostiquer les moindres faiblesses de votre avatar. Rythme cardiaque, stade d'avancement de différents maux tels que les blessures ou l'hypothermie, apports journaliers en calorie, en vitamines et en minéraux, et même gestion poussée du système digestif : tout est pris en compte de manière très logique et requièrera constamment votre attention afin d'éviter que votre personnage ne souffre inutilement.
Et si vos premières morts seront probablement justifiées, prendre soin de son corps virtuel deviendra assez vite un réflexe vous dissuadant d'agir de manière déraisonnée. Un exemple : si vous souhaitez vous rendre à un endroit à fort taux de loot et qu'une rivière vous barre la route, il faudra penser, après l'avoir traversée, à faire un feu et étendre vos vêtements au sol près de ce dernier pour que votre équipement et votre corps sèchent, histoire d'éviter d'être en hypothermie. Tout un tas de conséquences logiques sont prévues pour le titre et les développeurs impactent directement l'expérience de jeu grâce à ces différents handicaps. De cette manière, un joueur ayant des soucis de santé sera moins performant en PVP qu'un joueur qui aura parfaitement bien pris soin du corps de son avatar, ce qui fera la différence une fois en duel.
Notre Gaming Live dédié au système de Craft
Une gestion des compétences digne d'un jeu de rôle
Ces systèmes pertinents au maillage poussé tirent leur essence d'une feuille de personnage, constituée autour de 4 caractéristiques primaires : force, constitution, dextérité et intelligence. La répartition des points de compétences dans les différentes aptitudes qui découlent de ces caractéristiques forgera l'identité survivaliste de votre personnage. Par exemple : un avatar d'une quarantaine d'années aura, de par son age, plus de points d'intelligence à répartir, et pourra le faire dans des aptitudes comme la "conscience de l'environnement", dans le "camouflage" et dans les "techniques de survie", ce qui en fera un être bien plus au courant de ce qui l'entoure qu'un jeune sportif de 20 ans misant tout sur la force physique. Notre quadragénère discernera mieux les objets au sol, craftera plus efficacement et repèrera plus facilement un joueur camouflé. Cette dernière aptitude est d'ailleurs très bien pensée puisque le jeu affiche les modèles de personnages en fonction du ratio "conscience/camouflage" de chacun. Un ennemi équipé d'un camouflage militaire, allongé dans les fougères ne sera tout simplement pas modélisé à l'écran d'un joueur qui n'a pas suffisamment investi dans la statistique "conscience de l'environnement". Plutôt étrange de prime abord, cette feature est pourtant très logique lorsqu'on y pense. Tout Scum se base sur cet état de fait : le corps humain est une machine extrêmement complexe et puissante, mais diablement perfectible. La plupart des jeux vidéo font fi de ce dernier qualificatif et les développeurs de Gamepires entendent bien, par l'intermédiaire de ces systèmes logiques imbriqués entre eux, lui faire honneur.
L'alternance qui sauve de la monotonie
Passé ce constat, qui offre une couche survivaliste inédite et très réussie au jeu, on est malheureusement contraints de constater que Scum n'offre pas, à l'heure actuelle, une expérience suffisamment enrichissante pour être la véritable pépite promise. Connecté sur un serveur en multijoueur ou en solo, on aura vite fait le tour de ce que propose le titre : crafter couteaux, outils, abris, caisses de stockages, et déambuler sur la carte pour aller looter de l'équipement militaire tout en faisant attention à son corps, tout ceci ne satisfait qu'un temps. La répétitivité de l'expérience, pertinente au demeurant, rattrapera vite les joueurs, lesquels pourront alors se défouler en s'inscrivant à des événements PVP. Une fois ledit événement trouvé, les joueurs sont extraits de leur expérience survivaliste et téléportés dans une arêne, bardé d'équipement de très haute qualité. Invités à s'affronter avec l'arme de leur choix, ils devront alors briller par leur capacité à se battre contre d'autres pendant une dizaine de minutes avant d'être à nouveau téléportés dans leur ancienne situation, reprenant alors le train-train du quotidien : survivre, crafter, et tenter de se faire un nom sur le serveur en accumulant les "fame points". Ces derniers n'ont pour le moment qu'une seule utilité, réapparaître en cas de mort en conservant ou non l'équipement et l'emplacement de l'abri.
Cette alternance entre gameplay survie et gameplay offensif sur du PVP de haut niveau permet de passer le temps et de changer de saveur, tout en sevrant les joueurs de toute envie de violence gratuite. De cette manière, la coopération est plus souvent de mise dans le monde de Scum et l'on se concentre plus volontier sur la survie en groupe que sur un autre titre analogue. Pour autant, Scum n'est pas à mettre entre toutes les mains et déplaira fortement à beaucoup de joueurs, pour plusieurs raisons. Outre son manque actuel de finalité, le titre souffre d'un manque de fun évident, d'instabilité serveur et d'une interface qui rebutera sans doute de par sa complexité.
Le trailer de l'E3 2018 de Scum
Une recette imparfaite mais qui séduit déjà...
Si l'expérience est pour l'instant assez vide (aucun véhicules, peu de faune ou de flore), on ne peut en revanche que saluer les initiatives prises par la communauté qui, déjà, s'empare du concept sur les serveurs privés et propose tournois de boxe et autres roleplay assez poussés. Toutefois, l'architecture même des serveurs pose actuellement problème et les lags sont légion, tant sur les serveurs officiels que privés. Le plus gros défaut du titre est en revanche beaucoup plus difficile à corriger : la lourdeur de ses interfaces. Aucune explication ne viendra vous apprendre à débuter et les premières heures, si elles sont effectuées sans guide, sont un véritable calvaire d'autant plus que l'ergonomie ne fait pas de cadeau. Entre les équipements en holster, les objets dans la main, la gestion archaïque de l'inventaire et les crafts peu intuitifs de prime abord, tout ou presque semble avoir été pensé pour ne laisser aucune place à l'erreur et larguer les impatients. Vous passerez donc votre temps à perdre des objets parce que vous en avez saisi un autre, à réorganiser vos différents espaces de stockage et à trimbaler à la main divers paquets d'objets, préalablement regroupés, en vue de construire différentes choses. Il y a pourtant du génie dans cette approche, encore une fois très logique, qui vous forcera à optimiser l'espace et le temps de craft, en choisissant méthodiquement quels ingrédients seront les plus faciles à obtenir par rapport à votre inventaire actuel pour construire tel ou tel objet. Mais l'émerveillement face à de telles features, sporadiquement dispersés dans un tout qui oublie le fun, n'est que de courte durée et sera très vite rattrapé par un aspect rébarbatif qui marque Scum au fer rouge.
Points forts
- Franchement agréable à l'oeil
- Une gestion très (trop ?) poussée du métabolisme humain
- Un switch entre survie et affrontements PVP bien pensé
- D'excellentes idées en matière de gameplay (notamment au niveau du craft et de l'infiltration)
- Une bonne ambiance générale sur les serveurs
Points faibles
- Des interfaces très lourdes et peu intuitives
- Des routines de jeu répétitives
- Une optimisation des serveurs limitée au début de l'early access
- Manque évident de contenu
- Un gros potentiel pour l'instant inexploité
Réaliste, et c'est sans doute là son plus gros atout, Scum nous embarque en ce début d'Early Access dans une aventure survivaliste et multijoueur qui ne vous laissera jamais de marbre. Doté d'excellentes idées et d'une philosophie forçant le joueur à être méthodique et organisé, le titre de Gamepires brille par son concept et, de temps en temps, par l'ingéniosité de son exécution. Pour autant, l'état actuel du titre n'est pas des plus reluisants : on tourne très vite en rond et la lourdeur des interfaces et de l'inventaire va de pair avec la faible optimisation des serveurs, rendant l'expérience intéressante mais très vite insuffisante si l'on reste cantonné à la routine survie/craft/PVP. Le potentiel est pourtant bien là, et les serveurs privés roleplay le prouvent bien, mais le travail à abattre pour rendre le jeu plus abordable et plus fourni en contenu reste à l'heure actuelle conséquent.