Les bonnes surprises, ça arrive autant dans la vraie vie que dans l'univers des jeux vidéo. Vous devez sûrement voir passer énormément de shooters où le protagoniste représente "le dernier espoir d'une humanité déchirée par la guerre", autrement dit l'armée d'un seul homme. Running with Rifles, un shooter vu du dessus conçu par un français et un finlandais, applique le contexte inverse. Ici, vous représentez un soldat lambda parmi tant d'autres. Ici, on vous voit tel de la chair à canon toute bonne à tuer et à crever à la seconde qui suit, le fusil encore serré dans vos mains froides. Découvrons donc ce que Running with Rifles a dans le ventre.
Avant de commencer, faisons immédiatement le constat de la difficulté. Running with Rifles se veut particulièrement hardcore : il n'y a pas de barre de vie, ce qui fait que la moindre balle peut vous faire passer l'arme à gauche, il va falloir apprendre à ne pas forcément tirer dans le tas et à gérer correctement sa précision, à improviser à vitesse grand V quand la situation dérape... Pour faire simple, il va falloir tenir bon ici, même en mode facile. Capiche, soldats ?
Maintenant que ça, c'est dit, passons au contexte du titre, à son gameplay, et aussi à son style graphique. Running with Rifles (RWR en abrégé) est effectivement un jeu en cel-shading, donnant ainsi un aspect cartoon à son univers. Malgré quelques textures qui auraient pu mériter un peu plus de travail, le résultat est très agréable, n'est pas très gourmand et s'avère clair, excepté quand le sang et les cadavres s'empilent dans de rares occasions. En terme de scénario, il n'y en a pas : vous êtes simplement un soldat dans l'armée et prenez part à des batailles de grande envergure pouvant réunir des centaines de combattants. Il y a deux campagnes, une classique où vous devez conquérir une série de grandes cartes, et une où vous êtes seul face à une armée. Cette deuxième campagne ne vous donne droit qu'à une seule vie. Vos ennemis sont également dépourvus de seconde chance, ce qui fait que vous êtes plus ou moins à armes égales. Notons également la présence d'un DLC, Pacific, vous faisant revivre la guerre du Pacifique à travers deux campagnes, 7 nouvelles cartes, une pléthore d'armes et de véhicules inédits... Mais revenons à nos moutons, voulez-vous ?
All your base are belong to us
Dans RWR, comme dit plus tôt, vous êtes un soldat parmi des centaines embarqués dans des batailles immenses. Vous vous déplacez avec ZQSD, visez et tirez avec la souris, ouvrez l'inventaire avec TAB, changez d'arme avec B, rechargez avec R... D'autres commandes sont disponibles, de l'attaque au corps-à-corps à la gestion des actions de votre escouade, quand vous aurez évidemment acquis suffisamment de galons pour en avoir une. Le but est de capturer des bases sur la carte, et pour cela, tous les moyens sont bons. Cependant avant toute chose, il va falloir survivre, parce que comme précisé en début de test, RWR est hardcore. Pas seulement à cause du côté réaliste du titre, mais également à cause de l'IA.
Et oui, l'IA dans ce jeu est franchement remarquable. Les soldats gardent une position, réagissent au coup de feu, se mettent à couvert, se positionnent intelligemment, envoient des renforts, missiles ou sacs de sable, et prennent même à revers ! Le premier contact sera donc particulièrement impressionnant, de par cette intelligence artificielle efficace... peut-être moins dans un véhicule durant certaines circonstances, mais globalement, vous suerez à grosses gouttes. Peut-être moins en facile, néanmoins vous transpirerez quand même. Vous comprenez donc que RWR vous invite pertinemment à élaborer des stratagèmes, à utiliser l'environnement, à savoir improviser en vitesse au moment où tout part en cacahuète, et à travailler en équipe... sauf si vous voulez la jouer loup solitaire. Et c'est là l'une des plus grandes forces du titre : son côté sandbox.
Dès le début d'une partie, vous pouvez explorer l'intégralité de la carte à pied, en 4x4, en jeep, en char, en camion... Chaque carte offre des zones diverses : villages, forts, tranchées, ports, bâtiments en ruines. Chacune de ses zones peut être sujette à des batailles parfois massives, où les projectiles et explosifs pleuvent, et où le sentiment d'appartenir à une grande armée est très présent. Les possibilités offertes sont nombreuses : vous pouvez attaquer de front comme la plupart de vos camarades, garder une position attaquée à revers tandis que des collègues s'occupent de l'objectif, tenter d'envahir avec une petite escouade un lieu gardé, loin du champ de bataille, traverser les frontières et saboter les véhicules ou tours radio, libérer les prisonniers... Là encore, vous devrez faire face à des soldats pourvus de cette même IA efficace. Qui sait, vous pourriez peut-être devenir la cible d'un sniper d'élite, en croyant déambuler dans un fort abandonné par son occupant.
Bien évidemment, il est difficile de résumer RWR dans son intégralité, tant le jeu est riche en dépit des apparences. Attardons-nous sur le multijoueur. Malgré ses faibles effectifs la plupart du temps, sans compter le PvP déserté, il offre des moments tout simplement mémorables. Quand les effectifs montent jusqu'à 800, et comptent plus d'une dizaine de joueurs, l'échauffourée est inoubliable : vous risquez bien de vous souvenir de ces appels à l'aide ou à l'attaque en revers sur le chat, de ces ruées désespérées afin de ranimer un ami mourant, de l'émotion qui vous habite quand, enfin, la jauge d'occupation bipe et signale votre conquête imminente. Tout cela est malheureusement entaché par quelques lags et problèmes de désynchronisation plus ou moins violents, une vue du dessus parfois difficile à maîtriser en raison de reliefs difficile à discerner, et un manque de musiques, bien que ce dernier point soit négligeable, de par son ambiance sonore excellente. Si les problèmes cités ne vous dérangent pas, et que vous êtes prêts à faire face à un titre exigeant, qui ne manquera pas de vous faire souffrir à chaque erreur, qui sait ? Vous risqueriez de perdre la notion du temps.
Points forts
- Difficile, mais ô combien gratifiant
- Une direction artistique agréable, qui a le mérite de ne pas trop faire souffrir la machine
- Un contenu conséquent (deux campagnes, une dizaine de cartes, une pléthore d'armes et d'objets, des véhicules...)
- Facile à prendre en main
- Le côté sandbox maîtrisé : dirigez votre escouade et luttez avec tous vos frères d'armes, ou partez seul saboter l'ennemi
- L'IA franchement remarquable
- L'ambiance sonore
- Des mods !
- Le multijoueur mémorable...
Points faibles
- … malgré son manque cruel de joueurs et ses quelques lags
- La vue du dessus difficile à maîtriser (oui, vous pouvez sniper en haut d'une colline… encore faut-il la distinguer dans le décor !)
- Un poil plus de musiques n'aurait pas fait de mal
- Déconseillé aux joueurs sujets à des crises de nerfs
Avant qu'une blague sauvage sur le nom du jeu n'apparaisse, passons au verdict. Oui, Running With Rifles manque de joueurs. Oui, la vue du dessus n'est pas toujours agréable. Oui, il s'agit d'un jeu hardcore pouvant faire disjoncter les moins patients. Et pourtant, sa qualité est tout simplement indéniable ! Agréable à l'œil, blindé de contenu, doté d'une très bonne IA, d'une chouette ambiance sonore, d'une liberté d'approche non négligeable et d'une prise en main facile, sans pour autant être simpliste, Running with Rifles est une référence injustement méconnue du shooter à grande échelle. Furieusement addictif, il saura vous faire passer de longues heures, pour peu que vous appréhendiez correctement le gameplay. Chapeau bas, Osumia Games !