En démarrant Mary Skelter Nightmares 2, on comprend tout de suite qu'il y a un problème, car l'histoire commence exactement au même point que dans le premier. Quelques heures de jeu suffisent à se rendre compte que le « 2 » du titre donné par Compile Heart ne correspond pas à grand-chose, puisque celui-ci ne dira rien de ce qui se passe après l'épilogue de Mary Skelter Nightmares. Cette suite, si on peut l'appeler ainsi, est en réalité un scénario alternatif à Mary Skelter Nightmares PSVita. Jack et Alice sont séparés lors de leur évasion de Jail, la démoniaque prison vivante qui a affaissé la ville et déverse des hordes de créatures. Jack se retrouve donc avec les nouveaux héros de ce volet, Tsû et Ningyôhime. Tous trois vont chercher leurs compagnons du Reimei, le groupe de filles aux pouvoirs surhumains qui combat Jail et ses sbires.

Aucune suite dans les idées ?

Scénario est un bien grand mot pour Mary Skelter Nightmares 2, qui en réalité a très peu de texte et est à des années-lumière des qualités narratives de l'original. Dans quasiment toute l'aventure, il ne sera question que d'aller chercher une alliée égarée dans un donjon. Toute référence aux mystères qui entourent Jail, au conflit entre les différents intervenants, ou même à la résistance a disparu. L'absence d'enjeu véritable dans l'histoire efface également tout sentiment de suspense, autre point fort du jeu PSVita. Pour ne rien arranger, les nouveaux personnages secondaires n'ont pas été travaillés et ne présentent aucun intérêt. On déplore là un univers qui a été vidé de son contenu jusqu'à son contexte de base. Ahurissant...

Mary Skelter Nightmares 2 reprend à son compte les mêmes mécaniques de gameplay, avec d'infimes variations ici et là. Il s'agira donc encore de naviguer à vue dans les donjons et sortir vainqueur de combats au tour par tour, le tout en vue à la première personne. La variété des jobs disponibles pour chaque personnage (dont deux ajoutés gratuitement en DLC) et les nombreuses capacités actives et passives qui en découlent permettent de construire une évolution efficace et cohérente pour chaque personnage. Il est par exemple possible d'apprendre la capacité qui booste les attaques eau dans un job, puis de la garder plus tard quand le personnage deviendra magicien avec de puissantes attaques eau. Tous ces pouvoirs sont extrêmement complémentaires et il est intéressant d'essayer de nombreux jobs, surtout qu'on peut revenir à tout moment à une spécialité déjà débloquée. En règle générale, les filles gagnent un job tous les 10 niveaux.

Le Genocide mode et le Blood Skelter mode reviennent également à l'identique : quand une alliée est exposée à trop de sang ennemi, elle se transforme et passe dans un état second qui la rend beaucoup plus forte. Selon le niveau de souillure du sang, elle risque le Blood Skelter mode, c'est-à-dire qu'elle perd totalement la raison et attaque adversaires et alliés au hasard. Il y a bien sûr des moyens d'éviter ça, dont le sang de Jack qui peut purifier une de ses camarades. Petit changement ici : dans Mary Skelter Nightmares 2, Jack risque aussi l'emballement. Il est donc nécessaire de surveiller son niveau d'instabilité, et de lui donner l'instruction « respirer un grand coup » afin que le combat ne tourne pas au drame.

Les Filles du Calvaire

Un autre changement, moins heureux, concerne l'équilibre général du gameplay et la magie. Dans cette suite, on manque quasiment tout le temps de SP pour lancer des sorts ou des techniques. Le coût en SP est notoirement trop élevé, ce qui au début du jeu force à se rabattre sur la commande « attaquer ». Autant dire qu'on ne s'éclate pas beaucoup... Il n'est pas rare de liquider ses SP en trois ou quatre combats, quand finir rien qu'un étage requiert plusieurs dizaines d'affrontements. Il faut avoir au moins 40 ou 50 objets de récupération des SP, et se tenir prêt à ouvrir le menu tous les 20 mètres. La difficulté démultipliée par rapport au premier n'arrange rien : même en facile, c'est la croix et la bannière pour s'en sortir. Les sorts puissants nécessitent maintenant un temps d'incantation, ce qui les rend beaucoup moins efficaces. Il faut aussi souligner que la courbe de progression est extrêmement lente jusqu'au chapitre 7, rajoutant encore au calvaire, et le fait de passer à six persos actifs au lieu de cinq ne compense pas vraiment.

L'autre gros changement concerne l'inventaire. Les donjons de Mary Skelter Nightmares 2 comportent d'étranges salles où l'on peut cultiver des fleurs géantes à partir des échantillons de sang obtenus lors des combats. Une fois rentré à la base, on peut en récolter des armes, des armures, des accessoires et des objets divers selon le type de sang. Du coup, il n'est plus du tout nécessaire d'acheter des équipements chez Kurara, qui est maintenant la marchande ambulante qu'on croise dans les donjons. Ça tombe bien, puisqu'on achète que des éthers...

Comme le premier, Mary Skelter Nightmares 2 possède aussi ses activités optionnelles, dont le fameux mini-jeu dans lequel il faut nettoyer le sang sur les corps des héroïnes (dans le but de les rendre plus résistantes à la souillure plus tard...). Le souci est que le pavé tactile de la PS4 est nettement moins précis que l'écran de la PSVita. Donc même là on est moins bien servi que dans le précédent, sans nouveautés hormis les deux nouveaux personnages. La gestion du niveau d'amitié est également beaucoup moins claire : même en trouvant les bons cadeaux à donner aux filles, les évènements secondaires ne se débloquent pas toujours.

Rengokutô Mary Skelter

Soucieux de faire passer la pilule de l'absence de portabilité, Compile Heart a préparé un bonus d'une certaine ampleur aux premiers acheteurs du jeu, à savoir un mini visual novel appelé Rengokutô Mary Skelter (par opposition au Kangokutô du titre japonais du RPG), entièrement doublé et bien fourni en illustrations. L'appellation est ingénieuse, Ren étant l'idéogramme pour amour, tandis que Rengoku peut se lire comme “enfer”. Totalement déconnecté du scénario canonique, il se passe dans un lycée et met en scène un Jack s'efforçant d'avouer ses sentiments aux filles, elles-mêmes lycéennes. Long de trois heures environ, il s'avère plutôt divertissant car l'univers estudiantin se marie bien au caractère excentrique des héroïnes, et certains dialogues sont franchement bien sentis. Un jeu bonus nettement plus inventif que le jeu principal avec lequel il est livré.

Un autre point qui fragilise le titre de Compile Heart est le manque de nouveautés : on traverse les mêmes donjons, on combat exactement les mêmes boss, au moyen des mêmes jobs que dans le premier. Malgré deux nouveaux personnages et environnements, à aucun moment cette suite ne parvient à dissiper la désagréable impression qu'on est en train de refaire Mary Skelter Nightmares en sens inverse. Le volume de nouveautés est absolument minimal, plus de l'ordre d'un petit DLC que d'une suite. On retiendra quand même un level design mieux maîtrisé, fait de donjons qui demandent davantage de recherche et de logique que dans le premier. Il est nécessaire d'utiliser les capacités de terrain des héroïnes (téléportation, projectiles, sprint...) à bon escient de manière à franchir chaque étage.

Vu que l'éditeur prend le chemin d'une exclusivité PS4, on attendait au minimum une refonte partielle des graphismes. Le clipping est honteux, les (pauvres) décors ne s'affichant pas à 10 mètres. Le peu de modélisation 3D qu'il y avait à faire a été raté, genre mauvais jeu PS2. On a perdu la portabilité pour un résultat lamentable, exempt de toute évolution graphique ou technique. Le design n'a évidemment rien perdu de sa superbe, mais c'est trop peu. Pourquoi ne pas avoir donné un peu de valeur ajoutée avec par exemple quelques cutscenes en 3D afin d'égayer les combats à la première personne ? Sol Trigger le faisait déjà en 2012 sur... PSP !