Battle Chasers : Nightwar est l’adaptation du comic éponyme imaginé et dessiné par Joe Madureira. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est que l’homme est à l’origine de la direction artistique de la saga Darksiders. Battle Chasers est le projet le plus important de l’artiste, un monument de la bd US de la fin des années 90, mais aussi une série à la parution très irrégulière mise en pause en pleine lancée après seulement neuf numéros tandis que son créateur se lançait corps et âme dans la conception de jeux. Quelques années plus tard, Madureira annonce la création d’un petit studio indépendant nommé Airship Syndicate composé pour l’essentiel d’anciens employés de chez Vigil Games. Leur nouveau projet ? Une adaptation en jeu vidéo de l’univers du célèbre comics sous la forme d'une belle déclaration d’amour aux J-RPG.
Dire que ce portage Switch de Battle Chasers : Nightwar s'est fait attendre serait un doux euphémisme. Le titre est sorti en octobre dernier sur PC, PS4 et Xbox One et devait débarquer quelques semaines plus tard sur la dernière console de Nintendo. Des semaines finalement transformées en mois, car aura fallu attendre le 15 mai 2018 pour que le studio Airship Syndicate publie enfin le titre sur Switch.
Qu'on se le dise, ce portage s'effectue sans modifications majeures vis-à-vis de ses homologues, le style visuel est toujours aussi accrocheur, les personnages charismatiques et les combats plaisants. Néanmoins, cette version souffre de quelques imperfections techniques que nous allons détailler dans ces quelques lignes.
L'écueil le plus notable concerne les multiples temps de chargement entre les phases d'exploration et de combat. Quasi-instantanés sur PC et consoles, ces derniers s'étalent parfois ici sur plus de 30 secondes et saccadent le rythme de l'aventure. Dans un univers peuplé d'affrontements comme celui de Battle Chasers, la chose a de quoi faire grincer des dents (surtout lorsque l'on sait que le support cartouche du jeu devrait techniquement permettre d'accélérer ces chargements).
Notons aussi quelques chutes de framerate durant certains combats où lors de l'exploration des donjons. Elles ne sont pas forcément gênantes pour la progression ou durant les affrontements au tour par tour, mais démontrent une fois de plus les faiblesses techniques de ce portage Switch. Moins important, mais tout de même un brin gênant à la longue, Airship Syndicate semble avoir eu la main trop lourde sur le curseur des vibrations des JoyCons. Les pads entrent dans une frénésie vibratoire dès qu'une bataille se déclenche, ça vibre fort, trop fort à notre sens. Nous vous conseillons donc de désactiver les vibrations dans les options du jeu si vous souhaitez vous épargner un agacement prématuré.
Hormis ces quelques détails, il n'y a pas grand-chose d'autre à signaler au tableau de ce portage Switch du jeu. Battle Chasers :Nightwar est toujours aussi agréable à parcourir, dispose des mêmes qualités et défauts pointés dans notre précédent test (à lire ci-dessous) et devrait ravir les amateurs de RPG au tour par tour friands de mobilité.
Comic de situation
Inutile d’avoir dévoré les bandes-dessinées Battle Chasers pour plonger dans l’aventure Nightwar. Si le titre utilise les personnages ainsi que l’univers du comics, il nous raconte une histoire inédite afin de ne pas laisser les nouveaux venus sur le bord de la route. Dommage en revanche pour les fans qui ne trouveront pas ici la conclusion tant attendue de la saga (mais le volume 10 est censé être en production). Notre troupe de héros est animée par un seul but : partir à la recherche du père de l’héroïne, Aramus, un guerrier de légende disparu au-delà de la ligne Grise, un impénétrable mur de brume s’étendant à travers le monde pour protéger un mystérieux continent perdu : l’île du Croissant. Avant de disparaître, l’homme laissa derrière lui ses puissants gantelets, un artefact à la puissance prodigieuse capable de bien des miracles. Sa fille Gully découvre un jour le fameux objet et déclenche malgré elle une série d’événements qui vont rapidement la désigner comme cible de première importance pour divers individus malfaisants.
Un RPG et les gants
La fine équipe de Battle Chasers est composée d’un casting hétéroclite d’aventuriers de différents horizons. Gully et ses gantelets magiques est accompagnée par Garrison, un paladin déchu devenu mercenaire, Calibretto, un ancien golem de Guerre doté d’une conscience et d’un fort instinct de protection (le soigneur du groupe), Knolan, un vieux magicien à la langue aussi acérée que ses capacités arcaniques, Red Monika, une chasseuse de prime à la loyauté plutôt versatile et Alumon, une nouvelle tête au casting de la saga, un chasseur de démon originaire du continent perdu exploré au fil du jeu.
Bloquée sur cette île, la troupe de six personnages va se retrouver confrontée à d’étranges phénomènes et à la sombre machination d’un vil nécromancien. Un scénario sans grande originalité que l’on sent assez tôt relégué au second plan, bien rangé derrière les autres qualités évidentes du titre. Les relations entre les personnages représentent finalement les meilleurs moments d’une histoire qui ne brille jamais autant que durant les quelques phases d’interactions du groupe dans l’auberge entre deux missions.
Si l’aspect scénaristique n’est clairement pas l’élément le plus accrocheur du titre, son style visuel sera peut être le déclencheur principal de votre curiosité à l’égard de ce Battle Chasers : Nightwar. L’univers graphique de Madureira prend vie sous nos yeux avec une représentation très soignée de ses décors et personnages. Les animations de combat sont tout aussi fluides que pêchue avec une superbe emphase apportée aux actions les plus spectaculaires via différentes cut-scenes au style comic plein de panache. C’est beau, riche en détails et toujours percutant d’un bout à l’autre de l’aventure. Seuls les temps de chargement trop fréquents à notre goût et quelques bugs de jeunesse (corrigés pour la plupart dans un patch de lancement), viennent quelque peu entâcher un bilan technique plus que satisfaisant.
La direction artistique de l’ensemble est secondée par une très bonne bande sonore orchestrée par un Jesper Kyd (Assassin’s Creed, Borderlands, Hitman) que l’on sent inspiré et en phase avec l’univers de la saga. Cerise sur le gâteau, le titre se paye un doublage intégral en anglais et français, excellent en v.o et convaincant - quoi que moins inspiré - dans la langue de Molière.
Du gameplay pour Battle Chasers : Nightwar
Entre traditions et mortalité
Le titre revendique ouvertement ses inspirations et bâtit ses fondations sur certains grands noms du JRPG tels que Final Fantasy, Chrono Trigger ou encore Suikoden. Autant de références dont l’influence est définitivement palpable tout au long de l’aventure. Tout s’articule ici autour d’une immense carte du monde à explorer en vue du dessus, à la façon des classiques du genre. On y dénichera des campements, un village central, des points d’intérêts, pas mal de donjons et bien évidemment une bonne pelletée de combats au tour par tour.
Ne vous y méprenez pas, Battle Chasers : Nightwar n’est pas seulement un simple hommage étiqueté old-school destiné à faire de l’œil aux vieux de la vieille. Son approche des combats et de l’exploration modernise aussi le genre pour lui conférer une identité propre. On retrouve certes çà et là certains défauts propres au JRPG d'antan (comme un grind parfois obligatoire et un peu laborieux), mais la plupart de ses mécaniques s’émancipent de leur modèle pour nous offrir une formule originale et très agréable à jouer.
Au centre de cette réussite, figure un système de combat à la fois intelligent et pour le moins exigeant. Lorsqu’ils utilisent des actions de base en combat, les héros gagnent de la Surpuissance. Cette dernière joue le rôle de mana bonus lors du combat et peut être utilisée pour utiliser des compétences plus puissantes utilisant du mana. La surpuissance n’est pas conservée après les affrontements, ce qui motive donc le joueur à utiliser l’intégralité de son arsenal de compétence plutôt que de conserver son énergie pour la suite.
Dans un Final Fantasy par exemple, les mécaniques de gameplay poussent trop souvent les joueurs à enchaîner les attaques peu coûteuses en ressources lors des affrontements contre les monstres communs pour ensuite vider leur barre de pouvoir une fois arrivé face au boss. Battle Chasers souhaite éviter ces situations trop redondantes grâce à l’ajout de ce système de surcharge. On participe donc à des combats véritablement dynamiques, à la profondeur tactique sans cesse renouvelée. Le système d’initiative ajoute encore un peu de substance à l’ensemble avec diverses améliorations appliquées aux héros et aux adversaires en fonction des techniques qu’ils s’apprêtent à utiliser. Les personnages disposent d’un bon panel de techniques accessibles en bas de l’écran, à sélectionner parmi une vingtaine de possibilités débloquées au fil des niveaux.
Ces techniques offensives et défensives ne seront pas de trop face au challenge parfois corsé proposé par le titre de la team Madureira. Non, Battle Chasers : Nightwar n’est pas difficile, il est exigeant. Les ennemis sont, en effet, capables d’infliger de très lourds dégâts si votre équipe est mal préparée. Les buffs de protection, soins directs ou sur la durée deviennent une nécessité d’autant plus cruciale lors des combats de boss à la barre de vie dopée aux anabolisants.
Les altérations d’état jouent un rôle lui aussi primordial dans la bonne compréhension du système de combat. Saignements, empoisonnements, malédictions magiques, la plupart des debuffs agissent en début de tour et demandent une bonne lecture du système d’initiative pour en tirer le meilleur parti. Commune à tous les héros, une dernière jauge de charge augmente à chaque action qu’ils réalisent ou à chaque coup reçu en combat. Quand elle arrive à son maximum, les héros peuvent utiliser immédiatement une de leurs trois supers-attaques afin de se sortir de certaines situations périlleuses. La combinaison de toutes les capacités du jeu, la gestion des améliorations et des altérations transforment en ce sens chaque bataille en un affrontement unique et captivant.
Dungeon master ?
L’exploration du monde de Battle Chasers nous met aux commandes directes de trois héros sur une carte du monde aux multiples embranchements à explorer. Cette world map traditionnelle en vue du dessus est combinée à un autre mode de contrôle, plus moderne cette fois-ci, dans huit donjons et multiples zones en 2.5D générés de manière aléatoire afin de ne pas se montrer trop redondant à parcourir. Volontairement old-school, les rencontres du jeu évitent le principe d’aléatoire avec des ennemis modélisés à l’écran qu’il est donc possible d'esquiver. On apprécie ce sentiment d’évoluer au sein d’un véritable donjon-crawler avec ses pièges à éviter, ses zones secrètes à dénicher et ses adversaires à combattre un peu partout.
Chacun de nos trois héros contrôlable possède deux compétences de donjon à utiliser lors des phases d’exploration afin d’aider le joueur à progresser ou faciliter le début de certains combats. Gully peut utiliser son Choc tellurique pour étourdir les ennemis ou encore briser les murs fragiles tandis que Calibretto est capable soigner votre équipe entre les combats au tour par tour. Ces compétences sont à usage limité et il est nécessaire de se reposer à l’auberge pour les recharger.
Avant de pénétrer dans un donjon, le joueur doit sélectionner son mode de difficulté, un challenge plus corsé s’accompagne bien entendu de meilleures récompenses et d'une bonne rejouabilité pour les profils les plus hardcore. Ces instances contiennent de nombreux défis pour le joueur avec une construction aléatoire qui implique une bonne gestion sur la durée de la santé et du mana de votre équipe. Car là encore, le titre se montre peu enclin à pardonner les erreurs de positionnement ou de stratégie. L’ambiance graphique des lieux bénéficie du soin tout particulier apporté à la direction artistique du titre, les salles sont souvent détaillées, pleines de manuscrits à feuilleter et d’assets visuels 3D renouvelés.
Faute de réelle originalité dans leur construction ou de folie dans leur proposition d’énigmes, les donjons ne se montrent pas vraiment mémorables. On se souvient bien de leurs différents affrontements que de leur exploration une fois la trentaine d'heures du jeu bouclée. Il aurait fallu pour cela varier un peu les lieux visités et sortir du classique tableau de la grotte remplie de monstres ou des ruines abandonnées gorgées de savoir perdu.
La progression au fil des donjons et de la quête principale s’accompagne de l’une des facettes les moins attractives du JRPG : le grinding. Il est quasi-obligatoire d’investir une poignée d’heures de jeu dans la montée en niveau de vos personnages, car la difficulté du jeu grimpe en flèche entre deux donjons. Et si la carte du monde offre son lot de combats clairement indiqué par le portrait des monstres, les six membres de l’équipe gagnent de l’expérience que s’ils sont impliqués directement dans le combat. Le cortège jouable composé de trois héros, il faut donc consacrer du temps de jeu à chacun au risque de laisser certains personnages sur le carreau.
Alors, la pêche ?
Village de Malhameau représente le point central du monde, un lieu peuplé de personnages la plupart du temps aimable auprès desquels vous reposer, vous équiper et glaner de précieuses informations sur les quêtes en cours. Forge, alchimie et enchantement ouvre les portes d’un système de craft basé sur les plans appris lors de vos aventures et sur les matières premières récoltées en jeu. En utilisant plus ou moins de composant que nécessaire, vous faites varier les chances de réussite ou encore la rareté des objets fabriqués. Un bon moyen de motiver le joueur à expérimenter et prendre des risques durant sa progression.
En dehors des donjons, un bon lot de petites activités attendent le joueur aux recoins du village ou des donjons. Une arène avec huit vagues d’ennemis à affronter, des quêtes de chasse aux monstres rares proposée par la chasseresse de Malhameau accompagnent un mini jeu de pêche simple dans sa présentation, une petite pause détente associée à un tableau de prises à compléter pour obtenir de jolies récompenses. Le titre se montre généreux dans sa mise en forme avec un bestiaire complet bourré de détails sur vos ennemis, un système de talent complet pour chacun des personnages et une navigation globale claire et sans fioriture. Bref, on sent que le bébé a été bichonné avec amour par une équipe pleine de talent.
Points forts
- L'univers graphique du jeu, fidèle au comic
- Un système de combat ingénieux et exigeant
- Animations et cut-scene de qualité
- Une enrobage global de qualité (interface, acticités,etc)
- Durée de vie très correcte
- Bande-son et doublages (vf et vo) réussis
Points faibles
- Une histoire qui passe au second-plan, des personnages que l'on aurait aimé plus travaillés
- Des donjons à la construction peu mémorable
- Du grind qui ne fera pas plaisir à tous les profils de joueur
- Temps de chargement trop fréquents et nombreux bugs sur PS4 (ras côté PC)
Cette adaptation de l’univers Battle Chasers sous forme de RPG inspiré des grands classiques du genre est définitivement un très bel hommage destiné à la fois aux fans des comics des années 90, mais aussi aux plus néophytes en la matière. Le dessinateur Joe Madureira n’apporte pas que son coup de crayon sans pareil à l’univers graphique percutant du titre, lui et son studio y infusent aussi une véritable dimension stratégique grâce à un système de combat au tour par tour hyper engageant doté d’une personnalité propre. Et si le titre aurait gagné à étoffer un peu plus son histoire et à freiner ses ardeurs côté grind, on reste tout de même accroché devant ce cocktail tant original que plein de respect pour son genre et son support de base.