Il nous aura fait baver d'envie cet Agony. Avec ses quelques trailers hallucinants, sa vision de l'enfer toute singulière et sa direction artistique sans compromis, le titre du bien nommé Madmind Studio garantissait une escapade en plein coeur du purgatoire, à même de susciter dégoût et effroi chez le joueur. En ce sens, le contrat est honoré, mais certainement pas pour les bonnes raisons.
Walk with me in Hell
Agony ne s'encombre pas franchement de scénario. Vous chutez vers les enfers, ou du moins vers le purgatoire, territoire d'expiation des péchés dans la douleur, sans savoir précisément qui vous êtes, mais en connaissant toutefois votre objectif : trouver la déesse rouge, elle seule pouvant vous extirper des tourments de l'enfer. Si l'idée de devoir jouer d'infiltration et de réflexion pour parvenir à s'échapper de cette misérable condition était séduisante sur le papier, dans les faits, Agony est un véritable chemin de croix, dans le sens littéral du terme.
En réalité, Agony se définit davantage par ce qu'il n'est pas que par ce qu'il est. Il n'est pas un jeu d'infiltration, il n'est pas un jeu d'énigmes / réflexion, il n'est pas un jeu de combat ni même un jeu d'horreur. Il est en revanche un mauvais jeu, qui ne remplit clairement pas les promesses qu'il laissait entrevoir dans ses trailers, et ce, sur l'ensemble des 8 heures demandées pour boucler l'aventure.
Un condensé de ce à quoi vous attendre sur l'ensemble de la traversée d'Agony
Construit en chapitres, eux-mêmes décomposés en différents points de sauvegarde à déverrouiller manuellement, Agony vous propose de vous balader dans différentes chambres infernales, certaines d'entre elles étant plus ou moins thématiques et en rapport avec les 7 péchés capitaux. Chaque zone vous proposera de petites interactions à réaliser pour vous débloquer le passage vers la suivante. Dans l'une, il faudra se sortir d'un labyrinthe, dans l'autre, essayer de trouver, parmi un nombre limité de signes gravé dans les murs, quel glyphe dessiner sur une porte afin de pouvoir l'activer et passer à l'étape suivante. L'ensemble alternera ces phases, sans grande originalité, et proposera comme fil conducteur la présence de Martyrs et autres bestioles désagréables, qui causeront, pour les plus puissantes, votre mort si vous les rencontrez.
Dans ce cas, pas d'inquiétude. Si vous avez eu l'intelligence d'ôter les sacs recouvrant la tête des quelques âmes humaines tourmentées qui errent dans les cercles infernaux d'Agony, votre esprit pourra prendre possession d'elles dans un temps limité, vous permettant de continuer la partie. Ils servent, pour résumer, de points de sauvegarde intermédiaires qui ne sont pas non plus inépuisables. En revanche, en cas de mort répétée et sans possibilité de posséder une âme, votre point de réapparition reculera d'un point de sauvegarde manuel. Ce dernier point a toute son importance, surtout lorsque vous comprendrez que la mort est la plupart du temps causée par une technique clairement à revoir et par des mécaniques qui manquent cruellement de clarté.
Agony incite donc à la prudence, à l'avancée à pas de loup, et propose même une fonction "retenir la respiration" pour qu'une fois dissimulés dans un renfoncement de décor, difficilement détectable en raison d'une visibilité quasi nulle, les martyrs ne puissent détecter votre présence. La réponse de l'IA à cette technique est totalement aléatoire, les créatures pouvant autant vous négliger lorsque vous vous trouvez en face d'elles, ou vous trucider lorsque vous vous faites plus discret qu'une souris. Les phases d'infiltration ne fonctionnent donc pas, et toutes les planètes semblent alignées pour ressortir les joueurs d'Agony de l'atmosphère que le titre essaye de déployer. Outre les animations des créatures qui ne se déclenchent pas toujours et un travail sur le sound design qui ne permet pas nécessairement de détecter l'arrivée ou non d'un ennemi à proximité, l'extrême lourdeur des déplacements du personnage empêche toute réactivité en situation de tension. On préfèrera finalement se laisser aller à courir frénétiquement (en dépit de la jauge d'endurance bien trop limitée) dans les couloirs du jeu afin de trouver le plus vite possible un nouveau point de sauvegarde manuel quitte à se laisser mourir pour posséder une nouvelle âme. Pour un titre qui voudrait jouer sur la tension et l'atmosphère, autant dire que c'est raté.
Et lorsque Agony tente d'introduire de nouvelles mécaniques de jeu, leur arrivée et leur mise en application sont d'une telle confusion que là encore, c'est l'agacement qui prime sur le plaisir ou la moindre envie de continuer l'aventure. Ajoutez à cela un level design assez mal pensé et une trop grande homogénéité dans les décors et vous comprendrez que, vraiment, traverser Agony n'a rien d'un parcours de santé.
Scream Funny Gore
Alors, est-ce qu'au moins la direction artistique maintes fois mise en avant dans les multiples trailers parvient à rehausser ce jeu bien fade ? Pas vraiment. Outre le fait qu'il soit très mal optimisé sur consoles et si l'on s'affranchit des considérations purement techniques, Agony ne parvient pas à créer une atmosphère suffocante ni même malsaine. S’il existe parfois quelques fulgurances (fugaces) niveau direction artistique, l'ensemble des décors du jeu est tellement chargé en effets inutiles qu'ils apparaissent brouillons. Pire encore, les environnements uniformes empêchent de dégager une vraie cohérence dans la construction des niveaux, rendant la progression déjà laborieuse toujours plus compliquée pour le joueur.
En outre, la règle est toujours aussi vraie, la surenchère de gore n'aide certainement pas à insuffler une quelconque aura malsaine au jeu, puisque de la surenchère née l'autoparodie. Alors oui, on capte certaines références au cinéma (Cannibal Holocaust, Hellraiser...) à l'Enfer de Dante ou à certains artistes (Giger, Beksiński) cependant l'hommage n'est pas des plus vibrants. Présence de scènes censurées ou non, la lassitude générale s'installe très vite à force d'enchaîner des successions de martyrs, de personnes empalées et autres allusions phalliques, qui deviennent presque banals à force d'être sans cesse croisés. On notera aussi que les âmes errantes sont déclinées en à peu près 3 modèles difformes et que ces derniers répètent les mêmes phrases en boucle d'un bout à l'autre du jeu. On enchaîne les couloirs avec une lourdeur de déplacement appuyée, en pestant autant contre les bugs que les morts qui surgissent non pas en raison du joueur, mais à cause du jeu. Et ce n'est pas le maigre arbre de compétence à l'impact tout relatif ou les modes de jeu supplémentaires qui réhausseront l'intérêt du titre.
Notez pour finir que si, vraiment et en dépit de la lecture de ces lignes, Agony vous tente toujours, privilégiez la version PC, si toutefois vous disposez d'une machine capable de tenir des paramètres en ultra pour espérer apercevoir un produit raccord avec les éléments dévoilés au cours de la campagne promotionnelle du jeu.
Bande-annonce d'Agony
{{test_note_points |plus=
{{test_note_point|texte=Arrive parfois à être joli, sur PC avec les settings au maximum}} {{test_note_point|texte=Un concept qui aurait pu être bien exploité}}
|moins=
{{test_note_point|texte=Des bugs dans tous les sens, quelle que soit la plateforme}} {{test_note_point|texte=Mécaniques de jeu confuses et répétitives}}
{{test_note_point|texte=Pas vraiment malsain, clairement pas terrifiant}} }}
On peut dire que l'étiquette colle avec le produit : Agony porte effectivement bien son nom. Gameplay archaïque et brouillon, mécaniques confuses, IA inexistante, énigmes répétitives et technique pas au niveau sont autant de défauts qui devraient vous convaincre de fuir ce jeu comme la peste. Et ce ne sont pas que les trop rares bonnes idées artistiques (sur PC, du moins) qui sauveront le bateau du naufrage.
{{jv:test_note_auteur|note=06}} {{jv:test_note_lecteur}}