Lorsque Nintendo a présenté Nintendo Labo, bien des joueurs ont écarquillé des yeux. Le matériau utilisé (le carton) a suscité l'étonnement, à une époque où l'innovation passe souvent par de nouvelles technologies. Il y avait pourtant de bonnes raisons d’être curieux puisque le fabricant japonais propose souvent des concepts surprenants et finalement très bien pensés. Et puis surtout, comment se mettre à la place d’un enfant d’une petite dizaine d’années, quand on est un gamer à la trentaine bien tassée ? C’est pourquoi, lors de notre test du Toy-Con 02, nous avons pu compter sur l’assistance d’une dizaine d’enfants, garçons et filles, afin de connaître leur avis et de juger si, finalement, l’idée de Nintendo pouvait… faire un carton. Oui désolé, on ne la refera plus, c’est promis.

Première phase : la construction

Première particularité du Nintendo Labo, c’est qu’avant de pouvoir jouer, il faut d’abord construire son Toy-Con, le jouet en carton qui sera utilisé comme accessoire pour interagir avec le jeu à proprement parler. À l'intérieur du coffret, on trouve donc un petit boîtier Nintendo Switch classique, qui contient la cartouche du jeu, mais aussi un certain nombre de plaques de cartons. Leur nombre varie d’un kit à l’autre ; dans le cas du kit Robot, le plus gros de la collection, il y en a 19, plus quelques feuilles de papier cartonné, des ficelles, des sangles, des œillets en plastique… En ouvrant la boîte, on a un peu la sensation d’ouvrir une boite de Lego : on découvre les différentes pièces, on les regroupe intelligemment devant soi et plutôt qu’ouvrir le petit manuel en papier, on allume sa Switch et on insère la cartouche du jeu. En effet, la construction du Toy-Con est intégralement guidée via un petit logiciel extrêmement bien conçu qui permet d’avancer pas à pas, sans jamais avoir à s’inquiéter de mal voir, ou de mal comprendre. Que ce soit avec les boutons des Joy-Con, ou en utilisant l’écran tactile de la console, on peut manipuler les pièces affichées à l’écran et les retourner dans tous les sens pour être sûr de ne rien manquer. C’est la première bonne surprise de ce Nintendo Labo, qui est à la fois complet, malin et très fonctionnel. Il ne sera pas de trop car la construction d’un Toy-Con peut être assez longue, et parfois pas évidente. Dans le cas du kit Robot, comptez facilement 4h pour en voir le bout, ce qui peut s'avérer un peu long si votre enfant manque généralement de patience.

Pourtant, la construction fait tout pour faciliter la tâche des constructeurs, petits ou grands. Les nombreuses pièces de carton sont toutes prédécoupées et il suffit d’appuyer légèrement pour les détacher des plaques auxquelles elles sont attachées. Avec nos gros doigts, cela n’a pas toujours été aisé de détacher les plus petites sans les plier, alors petite astuce : n’hésitez pas à garder près de vous un stylo-bille ou n’importe quel objet de ce genre que vous pourrez manipuler pour récupérer vos petits morceaux de carton sans les abîmer. Dans l’ensemble, tout se monte très facilement puisqu’il n’est pas nécessaire d’utiliser de colle ou d’agrafes pour assembler les pièces les unes aux autres : le concept des jouets du Nintendo Labo, c’est que tout fonctionne à base de pliage. Certaines pièces sont percées et pourront ainsi accueillir des encoches, qui serviront à en accrocher d’autres. C’est très ingénieux, même si l’on a remarqué par moments quelques menus défauts : certains pliages ne seront jamais parfaits, ce qui peut se montrer pénible dans certains cas et requiert presque obligatoirement la présence d’un adulte afin de superviser la construction. L’autre souci, c’est que par moment, l’assemblage peut demander des mains plus grandes que celles d’un enfant, ou tout simplement plus de force que n’en dispose un enfant âgé de 8 à 12 ans. Dans le cas du kit Robot, c’était particulièrement vrai au moment de monter les bretelles de l’unité centrale, qui se porte comme un sac à dos. De même pour nouer correctement les différents cordons et s’assurer qu’ils resteront bien en place.

Devant la difficulté (toute relative) du montage et surtout le temps qu’il demande, il est possible que certains enfants n’aient pas la patience de rester jusqu’au bout. Les parents pourront alors faire le choix de « picorer » la construction, et d’y revenir de temps à autre, afin d’espacer les sessions. Ce qui dans l’absolu n’est pas une mauvaise idée, mais gardons en tête qu’ici la construction, aussi sympathique soit-elle, n’est pas la finalité pour de nombreux enfants : ce n’est qu’un passage obligé pour enfin débuter ce qui intéresse d’emblée le/la jeune joueur/joueuse, à savoir contrôler un gros robot et démolir une ville. Les plus jeunes n’auront donc pas forcément la patience d’attendre de nombreuses heures. Les plus âgés, notamment celles et ceux amateurs de jeux de construction en tout genre, devraient s’amuser puisqu' entre le nombre de pièces à assembler, le temps nécessaire et la taille de la bête, ce Toy-Con 02 représente un challenge ludique assez unique en son genre.

Et le jeu vidéo alors ?

Vous l’aurez compris, ce Toy-Con permet à celui qui le manipule de se glisser dans la peau d’acier d’un gigantesque robot : le « sac » contient un système de poids, reliés aux mains et aux pieds du joueur/ de la joueuse par des cordons, qui permet de donner vie à la créature. Comment ? C’est tout simple : le sac accueille le Joy-Con équipé d’un capteur infrarouge, qui utilise les autocollants réfléchissants placés sur chacun des poids pour interpréter les mouvements des "combattant(e)s". Lorsque l’on frappe, ou qu’on lève la jambe, les poids se déplacent et le robot effectue automatiquement l’action mimée par le joueur. Lorsque l’on frappe avec sa main gauche, le robot à l’écran en fait de même. Lorsqu’on lève le pied droit, idem. Et ainsi de suite. Grâce à ce système, le robot peut marcher et donner des coups. Il faut y jouer pour le croire : l’ensemble est franchement réactif et l’on se prend très vite au jeu. Lors de notre session de test, les enfants (âgés de huit à douze, rappelons-le) ont très vite intégré les commandes du jeu qui sont vraiment intuitives. Certains ont eu un peu de mal à comprendre comment se tourner : il suffit de pencher les épaules à droite ou à gauche, mais ce n’est pas très instinctif de prime abord, et la plupart d’entre eux pivotaient la poitrine, ou les hanches, sans grand résultat. Ce qui ne les a pas empêché de s’amuser. Il faut dire que le mini-jeu est très simple : lâché dans une arène en forme de petite ville, le joueur doit détruire immeubles et soucoupes volantes, afin de marquer un maximum de points dans le temps imparti. Puisqu’il est possible de s’envoler en écartant les mains, ou de transformer son robot en véhicule roulant en s’accroupissant, les parties sont finalement assez physiques. À leur âge forcément, les enfants n’hésitent pas à se donner à fond et s’agitent devant l’écran avec une certaine intensité. On était d’ailleurs curieux de savoir comment résisterait le Toy-Con : certains enfants ne l’ont pas ménagé et pourtant, avec 3h de jeu, aucun dommage n’était à déplorer. Impossible d’évaluer, sur le plus long terme, quel serait l’impact sur le Toy-Con, surtout si l’enfant l’utilise régulièrement et y met beaucoup d’énergie, mais la bestiole semble suffisamment solide pour encaisser des chocs que l’on jugera « raisonnables ». En revanche, lors de notre test, certains enfants se sont plaints de douleurs aux épaules, la faute aux bretelles. Et oui, même pliées ou arrondies du mieux que l’on a pu, cela reste du carton, la souplesse de ces bretelles est donc toute relative.

Néanmoins, cette question ne se posera vraiment que si l’enfant en question se sert régulièrement de son Toy-Con, ce qui n’est pas garanti. Car en terme de contenu, le jeu est assez chiche : sorti de la destruction urbaine, assez limitée en soi malgré quelques subtilités (types d’ennemis différents, combos pour faire grimper le multiplicateur de score…), il n’y a pas grand-chose d’autre à faire. On trouve un mode défi, qui impose aux joueurs d’accomplir dans l’arène certaines actions, ou même un mode duel, qui permet à deux robots de s’affronter. Mais celui-ci n’aura guère d’intérêt si les deux opposants ne sont pas équipés de leur propre Toy-Con. Ce qui signifie qu’il faut soit acheter un autre kit, soit que le second participant apporte le sien. Et la chose est plutôt volumineuse, donc pas facilement transportable. La conséquence de tout cela, c'est que l'on fait rapidement le tour du sujet et même si la première heure de jeu est amusante, les parties se répètent vite. D’expérience, ce kit Robot a tout du jouet qui amuse les enfants lors des premiers jours mais qui peine à trouver grâce à leurs yeux sur le long terme. Il sera éventuellement réutilisé à la visite d’un ou d’une ami(e)… si les parents l’acceptent. Car oui, sachez-le, outre les cris éventuels de vos petites têtes blondes, il faudra également composer avec le bruit produit par le kit en lui-même. Le sac étant constitué pour moitié de vide, il fait une superbe caisse de résonance et même sans être brutal, l’action des poids qui montent et qui redescendent fait un sacré tintamarre.

Notre session de test nous a également permis de découvrir un léger problème : à chaque fois que l’on change de joueur, il faut réadapter la longueur des quatre ficelles, avant que les mouvements soient correctement reconnus et interprétés par le jeu. C’est assez contraignant, d’autant qu’une aide extérieure ne sera pas de trop. Lors de notre session en solo, nous avons passé un moment à enlever et à remettre le pack dorsal pour le régler au mieux. À noter toutefois que la taille du sujet (1,88m) n’était clairement pas un avantage dans un exercice de ce genre.

Mise à jour du 01/06/2018 : Labo Secret

Nous avons passé plus de temps sur l’atelier Toy-Con afin d’en évaluer son potentiel créatif après de nouvelles heures d’utilisation. Des vidéos parfois impressionnantes ont été partagées sur la toile, montrant des concepts hallucinants, comme une reconstitution en carton et en Toy-Con du jeu Bataille Navale ou la création de quelques anciens titres Game & Watch. Après avoir visionné diverses propositions d’ingénieux inventeurs, on ne peut qu’être impressionné par la manière dont certains petits malins ont contourné les limites du logiciel. En effet, comme nous l’avions noté dans notre test, il est impossible de faire apparaître des textes à l’écran ou des formes colorées (autre que le blanc). De fait, si un créateur souhaite afficher quelques lettres et un soupçon de bleu (au hasard) comme le font certains génies en herbe, il doit se servir de cartons qu’il découpera et de films plastiques colorés qu’il placera au-dessus de l’écran afin de réussir l’effet souhaité.

À l’image des cartons à modifier soi-même dans le but de construire ses propres jeux, le logiciel “Labo secret” est le royaume du bidouillage technique. Mais le fait qu’il manque des commandes basiques comme “once” ou “until” complique la tâche dès lors que l’on souhaite sortir des sentiers battus. L’impossibilité de pouvoir scripter des événements sur les options de ces derniers est un manque qui oblige à jouer obligatoirement avec les compteurs et les minuteurs. Il n’est par exemple pas possible de dire “quand l’objet Y a atteint la fin de son chemin = lancer une autre action”. Une compilation fait également défaut : on ne pourra donc pas relancer le code sans quitter puis revenir. L’absence d’option de base de ce type complique le script de “vrais” jeux vidéo, ce qui confirme que l'Atelier ne permet pas forcément de confectionner des expériences qui sortent du cadre du jouet.

L’interface elle-même montre vite ses limites. Il n’est pas possible de grouper des boîtes de script et leurs liens afin de les copier et les coller (même si cela reste envisageable à l’unité). De même, les tailles doivent respecter certaines proportions, et il n’est pas concevable de pousser les minuteurs à plus de 10 secondes, ce qui est très court. Enfin, une fois l’interface dézoomée, il devient délicat de déplacer ses carrés de scripts sans connecter des liens entre eux par erreur.

Les Toy-Con, quant à eux, peuvent servir de point d’entrée. Cela signifie qu’il est possible d’utiliser le robot comme “manette” pour les jouets que l’on invente. Cependant, les nombreux accessoires du Multi Kit (piano, canne à pêche, maison, guidon) font que le Toy-Con 01 représente le meilleur des choix pour couvrir une multitude de besoins dans la conception de projets personnels.

Nous le répétons : avec une idée forte, beaucoup d'ingéniosité et une louche de temps libre, le Labo Secret de Nintendo Labo est capable de livrer des concepts amusants, voire impressionnants si la construction en carton suit. Les limites dans les événements à scripter font qu’il est cependant plutôt préférable d’envisager la construction de jouets interactifs aux qualités ludique limitées plutôt que de jeux aux règles plus avancées.