Les fans occidentaux de la série Yakuza l'auront attendu bien longtemps, et leur patience est enfin récompensée. Le navire Yakuza 6 : The Song of Life accoste sur nos rives avec 16 mois de retard. Après l'exploration du passé de Kazuma Kiryu et de Majima Goro dans le prologue Yakuza Zero : The Place of Oath, et la redécouverte du premier opus de la franchise avec Yakuza Kiwami, la suite de cette saga débutée sur PlayStation 2 en 2006 est à portée de pad. Mais le résultat est-il à la hauteur des espoirs placés dans ce Yakuza 6 ?
Les adeptes de la franchise Yakuza éditée par Sega et développée par les studios Ryū ga Gotoku ont probablement cédé à l'appel du clan Tojo et de Kazuma Kiryu sur PlayStation 4 dès le mois d'avril 2018. Toutefois, suivant sa politique de conquête du marché occidental, l'éditeur japonais porte la dernière aventure du Dragon de Dojima, à savoir Yakuza 6 : The Song of Life, près de trois ans plus tard sur PC. Cette version disponible sur la boutique Steam propose des conditions de jeu optimales avec une résolution en Ultra HD (3840x2160) et un nombre d'images/seconde illimité. Les options mises à disposition permettent également de gérer le FOV (Field of View), la synchronisation verticale, et pour finir la qualité des visuels selon la puissance de votre machine.
Une balade dans Kamurocho en 4K sur PC
Ma famille d’abord
Septembre 2016. Tokyo. Japon. Sur fond de guerre mafieuse impliquant les Yakuzas, les triades et la pègre coréenne, Kazuma Kiryu sort de prison après avoir purgé une peine de 3 ans... conséquence directe des événements de Yakuza 5. Cependant, son retour à la vie civile n'est pas de tout repos. Le Dragon de Dojima découvre horrifié l'hospitalisation de la pauvre Haruka. Cerise sur le gâteau, sa jeune protégée a désormais un enfant que Kiryu s'empresse de prendre sous son aile en attendant le rétablissement espéré de sa mère. Ce postulat de départ annonce la couleur. Yakuza 6 : The Song of Life entend bien justifier son nom. Ce sixième épisode mise sur les liens familiaux qu'ils soient de sang ou non pour bâtir un scénario intimiste et poignant se focalisant sur Kazuma Kiryu, unique personnage jouable.
Les personnages de la saga Yakuza ont fait du chemin depuis leurs premiers pas sur PlayStation 2 et les fans avec eux. Dorénavant, ces êtres de pixels font désormais partie de notre famille et ce qui leur arrive nous touche vraiment. L'intensité des situations et des conversations repose sur un parterre d'acteurs 5 étoiles aux prestations impeccables. Aucune fausse note à déplorer... bien au contraire. La seule présence de Takeshi «Beat» Kitano et de Tatsuya Fujiwara (Battle Royale) ajoute à l'ampleur d'une œuvre à la fois vidéoludique et cinématographique. La franchise Yakuza lorgne sur le 7e Art depuis ses débuts et The Song of Life perpétue cette tradition avec la manière au cours des 18 heures nécessaires pour finir l'aventure en ligne droite (45 heures pour tout compléter).
Les scénaristes de la Team Yakuza s'inspirent des meilleurs pour nourrir le récit et faire vibrer la corde sensible. Yakuza 6 est un hommage à l'œuvre de Kinji Fukasaku (Cops vs Thugs, Street Mobsters, Battles Without Honor And Humanity), le père fondateur des films de gangsters japonais modernes (Sonatine et Outrage de Takeshi Kitano, Violent Streets et The Wolves de Hideo Gosha…). Il en résulte une expérience haletante et contemplative, une fable moderne violente et touchante portée par des conversations à la plume affûtée. Sega surprend par l'impact et la précision des propos tenus. Et la mise en scène digne des salles obscures avec ses plans de caméra recherchés et son montage millimétré témoigne d'une maîtrise à la fois du fond et de la forme.
Malgré tout, Yakuza perd pied à de rares moments et s'embourbe dans son envie de bien faire. La multiplication des sous-intrigues et les scènes verbeuses au point d'en devenir interminables empêchent Yakuza 6 de prétendre à la perfection. Et les joueurs allergiques à la langue de Shakespeare râleront à gorge déployée une fois de plus. Les nouvelles aventures de Kazuma Kiryu ne possèdent pas de sous-titres en français. Ce Yakuza est uniquement doublé en japonais et sous-titré en anglais.
Kazuma Kiryu confronte les leaders du clan Tojo
Gloire à l’art de rue
Kazuma Kiryu n'est pas homme à se laisser marcher sur les pieds sans réagir. Le Dragon de Dojima applique une justice expéditive et fait parler son talent naturel pour la baston quand la situation l'exige. La saga Yakuza a toujours mêlé habilement "réalisme" cinématographique et Beat'em Up, et ce sixième épisode poursuit sur cette lancée. Gifles de maçon et talon-bouche pleuvent sur les inconscients qui s'opposent à Kiryu-sama dans les ruelles malfamées de Kamurocho. Sega a opéré ici une refonte totale du système de combat. Les différents styles de notre héros et la possibilité d'alterner entre ces derniers disparaissent pour laisser place à un style hybride et évolutif puisant dans les techniques des styles Brawler, Rush, Beast et Dragon de Dojima des précédents épisodes.
Les affrontements gagnent également en fluidité et mettent l'accent sur la mise en scène. La distribution de mandales remplit une jauge de Heat représentée par des orbes. Chacune d'entre elles permet de déclencher une action contextuelle appelée Heat Action ou un contre dévastateur qui laisse sur le carreau le pauvre bougre ayant subi la colère de Kiryu. Yakuza 6 s'inspire de titres tels que Sleeping Dogs et du Free Flow de la trilogie Arkham de Rocksteady pour donner du corps et de cœur aux scènes d'action. L'environnement se veut désormais un allié de taille face à l'adversité. Et lorsque le Dragon de Dojima est dos au mur, ce dernier déclenche un mode rage, l'Ultimate Heat Mode, décuplant sa puissance et ses coups spéciaux le temps d'une valse à quatre-temps dans les chicots.
Kazuma Kiryu gagne en puissance et en compétences au fil de l'aventure. Là encore, la Team Yakuza a intégralement repensé les mécaniques RPG de la saga pour rendre l'ensemble plus organique, plus flexible. Missions principales, quêtes secondaires et autres activités octroient à notre héros des points d'expérience répartis en 5 catégories (Force, Agilité, Esprit, Technique, Charme) à dépenser pour débloquer de nouvelles attaques, des bonus passifs ou encore accroître sa santé, sa puissance de frappe... La destinée du Dragon de Dojima est une affaire d'actes et de choix tracée à coups de poing... mais pas seulement.
Le Dragon de Dojima face aux triades
Kiryu & the Gang
En marge de l’histoire principale, Kazuma Kiryu nettoie les rues gangrenées par la criminalité des villes de Tokyo et d’Onomichi avec l’aide de son propre clan “le Kiryu Clan”. Antagoniste de ce mode spécifique, le clan Justis s’est transformé en gang et harcèle civils et criminels après avoir joué les redresseurs de torts au pays du soleil levant. Le ver est dans la pomme et le Dragon de Dojima se présente comme la solution finale à ce problème insoluble. Nullement obligatoire, ce jeu dans le jeu place Kiryu-sama à la tête d’une bande de lascars désireux d’en découdre lors d’affrontements tactiques. Notre héros, qui se salit rarement les mains dans ce mode, reste en retrait, et somme ses troupes d’attaquer les membres de Justis et d’abattre les leaders adverses. Chaque unité possède ici un coût pour être déployée sur le champ de bataille. La gestion de cette ressource et des pouvoirs de certains malfrats détermine victoire et défaite.
Pour gonfler les rangs du clan de Kiryu, le recrutement se fait par les poings. De sombres individus traînent des pieds dans Kamurocho et Onomichi à la recherche d’un but à leur existence et de challengers dignes d’intérêt. Les affronter et les réduire au silence garantit leur allégeance pour ensuite les intégrer au clan. La hiérarchie et la montée en niveau de vos lieutenants sont ici primordiales pour affronter les missions à venir. Le gang Justis et ses Six Lunatics ne comptent pas disparaître sans se battre dans ce mode hors ligne à la difficulté croissante. Et pour les plus téméraires, des raids en ligne et divers événements mettront à l’épreuve votre clan face à ceux d’autres joueurs lors d’affrontements en direct ou asynchrones selon le mode sélectionné. Anecdotique, ce mode n'en demeure pas moins fun pour autant.
Le clan de Kiryu passe à l'action
Japan in Translation
La saga Yakuza a toujours décroché la rétine des joueurs s’aventurant dans un Japon mafieux fantasmé. Par son sens du détail, cette franchise réussit depuis maintenant plus de dix ans à nous émouvoir et à nous émerveiller de par la richesse de ses environnements et la qualité de ses cinématiques léchées. Yakuza 6 repose sur un nouveau moteur de jeu, le Dragon Engine, spécialement développé pour l’occasion et le gap technique est sans appel. La modélisation des personnages et les animations leur donnant vie sont criantes de vérité. Le grain de peau, les dents, les gouttes de sueur et de sang, les expressions du visage… frôlent du doigt ce sacro-saint photoréalisme tant désiré. Le seul regard de Kazuma Kiryu retranscrit son amour pour ses proches, ses pensées et sa soif de sang.
Dans Yakuza 6 : The Song of Life, le Dragon de Dojima foule du pied le quartier chaud de Tokyo Kamurocho et de la ville d’Onomichi située dans la préfecture de Hiroshima. Une fois encore, une attention toute particulière est donnée aux détails. La position des magasins, la largeur des ruelles… la reconstitution virtuelle rencontre ici le réel. Et Sega ne se contente pas de dépeindre ces lieux sans y insuffler un semblant de vie. Ces deux cités débordent d’activités et grouillent de badauds vaquant à leurs occupations de jour comme de nuit. Et les surprises ne manquent pas.
D’innombrables activités et quêtes secondaires attendent les joueurs. Karaoké, baseball, Live Chat, salles de sport et d’arcade… les mini-jeux se comptent par dizaines et occupent une place essentielle dans l’expérience. Quitte à faire rougir les joueurs avec des scènes hautement explicites. La saga Yakuza joue toujours la carte du grand n’importe quoi décomplexé pour le plus grand plaisir des fans qui s’adonnent sans demander leur reste à ces activités dans la joie et la bonne humeur. Et Kazuma Kiryu se mue également en justicier. L’application Troublr installée sur son smartphone indique en temps réel les crimes. Répondre présent assure la sécurité des civils et nettoie les rues du Japon de sa criminalité. Des environnements débordants de vie et une réalisation sans faille… Yakuza 6 frappe du poing sur la table avec la manière.
Points forts
- Un scénario intimiste et captivant sur fond de guerre des gangs...
- Un parterre de personnages charismatiques interprétés par des acteurs d’exception
- Une mise en scène cinématographique digne des films de gangsters dont elle s’inspire
- Des combats fluides et violents
- Une évolution naturelle et organique du héros
- Une durée de vie conséquente (45 heures)
- Un quartier de Tokyo et une ville d’Onomichi plus vraies que nature
- Une pluie d’activités secondaires en tout genre
Points faibles
- … brouillon et confus par instant
- Une aventure uniquement disponible en japonais, sous-titrée anglais (VOSTA)
- Certaines quêtes annexes surréalistes (fantôme, extraterrestre…)
Yakuza 6 : The Song of Life est tout simplement l’épisode le plus abouti de la franchise depuis ses premiers pas sur PlayStation 2 en 2006. Le scénario intimiste misant sur la famille dysfonctionnelle de Kazuma Kiryu et cette mise en scène toujours plus cinématographique rendent un vibrant hommage aux films de gangsters japonais. La refonte globale du système de combat et des mécaniques RPG de ce jeu d’aventure assure des combats à la fluidité exemplaire et une évolution organique du héros, miroir des actes et des choix des joueurs. Et la réalisation est à la hauteur de ce récit captivant. Le photoréalisme des environnements et des cinématiques décroche la mâchoire et propulse les Yakuza virtuels que nous sommes dans un Japon fantasmé ô combien enivrant.