Lorsqu'on se lance dans cette noble quête qu'est la découverte du RPG sur consoles, il y a un nom qui revient constamment, comme un écho lancé par des milliers de passionnés marqués au fer rouge par une expérience inoubliable. Ce nom, c'est celui de Chrono Trigger, et nul ne peut percer son mystère à moins de se résoudre à venir rejoindre ceux qui ont accepté de relever ce défi intemporel dont on continuera encore longtemps à chanter les louanges.
Chrono Trigger se dévoile sur PC
Square Enix aime les surprises. Sans crier gare, l’éditeur a lâché Chrono Trigger sur PC, disponible via la plate-forme Steam, à ceux qui sont prêts à lâcher quelques deniers. Un bonheur imprévu ? Pas si sûr. Il suffit de jeter un œil à cette version pour comprendre le manque d’annonce autour de sa sortie. Chrono Trigger sur PC est un portage bateau de la version mobile, elle-même adaptée de la version Nintendo DS. Si l'on retrouve ainsi tous les ajouts supplémentaires et la traduction française que l’on vous décrit dans le test ci-dessous, on ne peut qu’être choqués par la fainéantise de cette version. On nous inflige ce filtre hideux qui ne cache même pas les tiles 2D, dont les bords sont tellement prononcés par rapport à la version Super Nintendo, qu’on croirait voir des bugs visuels. Le charme de l’original s’envole, sans pour autant rendre le jeu plus beau. Un comble après 23 ans. Il faut dire, nous n’avons même pas précisé, que le titre nous accueille avec une cinématique en 480p, juste pour nous prévenir qu’il ne va pas falloir être exigeant. Même si l'on ne voulait pas prendre en compte les graphismes, les menus typés mobile ne s’intègrent pas du tout à cette version PC.
Nouvelle preuve d’un travail d’adaptation bâclé, le jeu a réussi à planter deux fois pendant nos sessions de jeu… N’est-ce pas dramatique d’en arriver là, pour un titre de 1995 ? On ne remettra pas en cause les développeurs, qui font ce qu’on leur demande de faire dans le temps imparti et avec les moyens accordés. En revanche, on est en droit de se poser la question au sujet de Square Enix et de ses intentions avec cette version de Chrono Trigger, de loin la plus mauvaise sortie à ce jour. Le jeu devient-il mauvais pour autant ? Non. Chrono Trigger, l’original, est un des meilleurs J-RPG de tous les temps. Mais on ne peut dignement pas vous conseiller d'y jouer dans ces conditions. Soyez prévenus…
La suite de cet article a été écrit pour la sortie de la version iOS/Android, le 15/12/2011.
La raison pour laquelle Chrono Trigger occupe une place symbolique dans le coeur des joueurs n'est pas de celles qu'on peut expliquer. Ce qui est sûr, c'est que ce titre, issu de la collaboration entre Squaresoft et Enix pour la Super Nintendo, avait su faire l'unanimité absolue dès sa sortie, au point de rendre inexplicable et inexcusable sa non distribution sur le territoire européen. Et alors que son remake PSOne relançait encore plus l'impact du titre à travers le monde, nous passions à nouveau à côté de ce chef-d'oeuvre encensé par ceux qui avaient eu la chance de s'y essayer. Mais la patience est une vertu que les joueurs connaissent bien et le salut est finalement venu de la Nintendo DS, qui eut droit à une version formidablement adaptée et tout en français s'il vous plaît ! Vu le succès de ce portage, le gourmand iPhone a demandé son dû et Square Enix exauça un nouveau voeu. Cependant, peut-être ne connaissez-vous pas encore Chrono Trigger ?
Que feriez-vous si, demain, vous appreniez que votre monde va disparaître, englouti par une entité cataclysmique au-delà de toute résistance humaine, comme un fléau imposé par le destin pour mettre un terme au parcours chaotique de l'être humain ? Que feriez-vous si l'on vous disait qu'il existe peut-être une chance infime d'y remédier, mais que pour cela il va vous falloir braver le temps, depuis la création du monde jusqu'à sa destruction ? Combien de chances de réussir vous donneriez-vous si l'on vous demandait de réunir, au cours de votre voyage à travers les âges, une poignée d'élus détenant le moyen d'oeuvrer pour une cause commune sans aucune certitude de réussir ? Accepteriez-vous de croire une seconde au succès d'une telle entreprise, alors même que se dresse devant vous le pire cauchemar de l'humanité, un parasite géant connu sous le nom de Lavos ? Nous sommes en l'an 1000 du calendrier du royaume de Gardia, et vous vous tenez devant le portail inter-dimensionnel qui relie votre ère à celle des époques passées et à venir. Vous n'avez qu'un pas à faire pour passer de l'autre côté, mais plus rien ne sera jamais comme avant.
Il n'est pas question ici de partir à la découverte d'un monde unique, ni même de deux ou de trois comme se plaisaient à nous le proposer certains RPG contemporains à Chrono Trigger. En jouant sur le concept des voyages dans le temps, c'est bel et bien une multitude d'univers radicalement distincts que le soft nous invite à découvrir. De la préhistoire aux temps futurs, en passant par l'antiquité et le moyen-âge, l'aventure prend des airs d'épopée à très grande échelle, s'affranchissant de toute limite pour nous surprendre constamment. Chaque époque étant connectée aux autres via des portails spatio-temporels, on assiste de visu aux changements naturels opérés par le poids du temps sur un monde qui semble ne jamais afficher le même visage. A nous de comprendre comment tirer parti de ces transformations pour réaliser dans le passé les actes qui ne peuvent l'être dans le présent, et ce afin d'empêcher que certains événements ne se produisent. Si la liberté d'exploration offerte par un tel schéma de progression semble illimitée, le jeu nous met heureusement sur la voie et tout s'enchaîne, pierre après pierre, vers l'inéluctable. Ces contrées, que l'on arpente courageusement à pied à la recherche des précieux portails dimensionnels, gravitent toutes autour d'un noyau appelé la Fin des Temps. Un havre de paix où réside un mystérieux vieillard qui détient la clé de tous les portails et de toutes les époques. Après bien des errances, la récompense de nos efforts sera l'obtention d'une véritable machine à voyager dans le temps, sorte de vaisseau ultime permettant d'accéder librement à tous les âges révolus ou à venir, et à tous les endroits répartis aux quatre coins du globe.
Certes, le voyage est sans commune mesure avec ce que l'on a connu, néanmoins qu'est-ce que cela donne concrètement ? Si tout le monde s'accorde à louer le gameplay de Chrono Trigger, c'est bien qu'il doit y avoir une raison. Peut-être que la qualité de la narration, le charisme des personnages et l'efficacité du système de jeu y sont pour quelque chose ? De la première minute à la dernière, les événements s'enchaînent sans la moindre perte de rythme, sans la moindre baisse de régime, sans le moindre risque de lassitude pour le joueur. En misant sur des environnements extrêmement nombreux mais jamais trop vastes, sur des rencontres non aléatoires avec une fréquence de combat raisonnable et une progression fluide, le jeu se déroule comme une partition parfaitement orchestrée. La course effrénée de Chrono et de ses compagnons n'est interrompue dans son élan que par des ennemis que l'on vient déranger dans leur environnement naturel et qui n'hésitent pas à appeler leurs congénères en ralliement lorsque la confrontation est inévitable pour les deux parties. Non contents d'être animés avec génie, ces monstres réagissent même de façon à s'adapter à votre façon de vous battre, par exemple en modifiant leur résistance physique et magique en cours de bataille. Ce n'est peut-être pas systématique, mais on constate tout de même que les affrontements nous incitent à jouer de manière tactique et subtile pour l'emporter le plus efficacement possible sur des adversaires intelligents.
Avec le gain constant de nouvelles techniques spécifiques à chaque personnage, mais aussi de magies élémentaires et d'attaques combinées, le gameplay de Chrono Trigger possède tout ce qu'il faut pour se rendre délectable. Mi temps-réel, mi tour par tour, les combats permettent de faire à-peu-près tout ce que l'on veut en choisissant quel membre de l'équipe entre en action à quel moment, et surtout avec qui. Si un personnage seul ne peut porter que des attaques classiques, physiques ou magiques, il suffit d'attendre qu'il soit rejoint par un second compagnon pour accéder aux techniques en duo, puis par un troisième pour accéder aux techniques en trio. Voir ses personnages mettre leurs talents en commun est d'ailleurs l'un des principaux attraits de Chrono Trigger, surtout quand on sait qu'il existe une multitude de combinaisons possibles qui s'acquièrent en fonction du temps que chacun aura passé avec les autres. On a donc tout intérêt à faire tourner régulièrement les membres actifs de son équipe pour développer le plus possible les techniques solos et combos de chaque personnage, ce qui est facilité par la possibilité de réorganiser son groupe librement à n'importe quel moment du jeu.
Si l'aventure, en ligne droite, peut être parcourue en une vingtaine d'heures seulement, elle comporte pas moins de 13 fins différentes qu'on ne peut découvrir qu'en reprenant la quête plusieurs fois de suite. La trame est également agrémentée d'un nombre très intéressant de quêtes annexes et de mini-jeux, auxquels viennent s'ajouter les donjons optionnels inédits et autres suppléments de la version DS, aussi présents dans ce portage iPhone. Depuis le havre de la Fin des Temps, on a aussi accès à une arène inter-dimensionnelle où l'on peut faire combattre ses propres monstres dans des tournois ou dans des matches à deux joueurs. Les aptitudes de votre créature devant être renforcées régulièrement, vous pourrez, tout au long de votre aventure, revenir la voir de temps en temps pour aiguiller son évolution en l'envoyant s'entraîner dans différentes époques en vue du prochain duel. Là encore, le nombre de combinaisons que l'on peut obtenir est suffisamment important pour inciter les joueurs à y passer du temps. Un bonus intéressant par rapport à l'original sur Super Nintendo, tout autant que le Songe Obscur, le Sanctuaire Oublié et le Vortex Dimensionnel qui rallongent de manière considérable la quête principale.
Déjà splendide graphiquement dans sa version originale, le soft n'a pas subi de refonte sur le plan visuel. Par contre, le passage à une plate-forme exclusivement tactile engendre quelques modifications de gameplay. Bien que le contrôle au pad virtuel soit moins précis, il n'est pas assez gauche pour sortir le joueur de son rêve éveillé. En fait, le seul bémol que l'on pourrait signaler reste le prix, bien qu'il soit difficile de mieux dépenser huit euros. En étant un peu pointilleux, on pourrait aussi parler de l'absence des cinématiques créées pour la version PS1 et présentes dans la version DS. Malgré cela, Chrono Trigger reste un joyau taillé avec brio qui ne se révèlera totalement à vous qu'après des heures de jeu.
Points forts
- Un système de combat dynamique
- Les combinaisons d’attaque
- Un humour qui marche
- Les situations offertes par les voyages dans le temps
- Une bonne durée de vie
- 13 fins
- Les ajouts de la version DS, présents
- La traduction française, présente
Points faibles
- Un portage catastrophique sur PC
- Filtre raté
- Tiles 2D beaucoup trop lisibles
- Des menus qui n’ont rien à faire là
- Instable
On ne demandait pas la lune, on a obtenu un vieux caillou. Chrono Trigger sur PC ne rend pas une seule seconde hommage à l’original, prenant la version mobile pour la porter (très mal) sur une nouvelle plate-forme. Pire encore que FFVI à l’époque, on sent les contours crénelés d’un travail bâclé qui nous laisse avec un filtre absurde, des tiles 2D qui ressortent trop, une stabilité bancale et un menuing qui va jusqu’à vous ouvrir une fenêtre en dehors du jeu pour changer le nom d’un personnage. Certes, il y a un très grand JRPG derrière, cependant c’est un peu comme regarder Citizen Kane à travers un aquarium… Si c’est la seule version à laquelle vous avez accès et que vous n’avez jamais fait Chrono Trigger, disons que vous n’avez pas trop le choix, mais ça n’en fait pas, loin de là, une bonne version.