Sorti le 6 février 2018 des cuisines de Strange Loop Games, à qui l’on doit Vessel, très sympathique platformer à énigmes physique sorti en 2012, Eco fait office d’OVNI dans la sphère des jeux indépendants. Sorte de « minecraft adulte », foncièrement communautaire et éco-responsable, le titre propose-t-il pour autant un concept suffisamment accrocheur pour agripper les joueurs sur le long terme et offrir une expérience suffisamment différente de son illustre père spirituel ?
Ce jeu est disponible en accès anticipé (early access). Son contenu est donc susceptible d’évoluer significativement dans un avenir proche. Le test de la rédaction est valable pour la version évaluée le 28/02/2018 et sera mis à jour si nécessaire.
Minecraft pour les grands
Eco propose une expérience longue durée, poussée, maline et complète, en matière de craft et de gestion. Notez que nous éluderons volontairement le terme « survie » trop souvent apposé devant "craft" sur ce genre de formule, car Eco place son challenge totalement ailleurs. Il n’est point question ici de combattre des créatures, d’aller forger des armures de plus en plus efficaces pour s’aventurer dans des donjons toujours plus grands et dangereux. Non. Rien de tout cela ici. Le jeu est résolument pacifique et repose sur des thèmes bien plus adultes que la très vaste majorité des titres analogues. Notez tout de même que nous devons ici sauver le monde de son funeste destin, puisqu’un météore, visible dans le ciel, s’écrasera dans précisément 30 jours réels. C’est donc à vous, en tant que joueur, en tant que citoyen du monde et en tant que membre d’une communauté en devenir, de développer une civilisation cohérente, respectueuse et efficace pour venir à bout de cette menace tout en vivant en harmonie, ou non, avec la nature.
Pour venir à bout de cette noble entreprise, vous allez devoir partir de zéro : de l’habituel « stuff de la mouette » qui caractérise si souvent les survival craft, à savoir, une pioche, une pelle et votre petit sac à dos. Un tutoriel filé vous apprendra les bases, de la gestion de la map aux actions de bases et très vite, les nuances avec Minecraft se font ressentir. Inutile d’espérer transporter de grandes quantités de bois ou de ressources ici : ce que vous minez, coupez et taillez sera porté à bout de bras et devra être stocké le plus souvent à même le sol en posant les buches de bois les unes sur les autres. Puisqu’Eco est réaliste et « éco-responsable », il est important de savoir que les ressources sont ici épuisables. La map pourra d'ailleurs vous être fort utile pour isoler les endroits où poussent les baies, où l’on trouve du bois en quantité… Les promesses à ce niveau sont d’ailleurs assez sérieuses puisque le monde pourra se transformer en véritable enfer aride si l’air est trop pollué, où si vous pratiquez une déforestation massive. Pour éviter cela, il est important de diversifier ses ressources…
Le réalisme au service du travail communautaire
Ce qui choque très vite dans ECO, c’est aussi le nombre de façons d’acquérir un produit. On dénombre souvent deux à trois façons différentes de créer un matériau particulier, du piochage direct de ladite ressource à la transformation via un atelier en passant par l’étape un poil plus économe qui requiert l’usage d’un établi intermédiaire : tout est une question d’équilibre écologique et, plus généralement, de proximité et d’abondance des ressources environnantes. Ce nombre conséquent de possibilités se fait également sentir lorsqu’on va de menus, à travers une très imposante nuée d’informations qui s’affichent à l’écran, dans une interface pas toujours très pratique mais jamais avare en renseignements. Des liens cliquables et des informations mises à jour en temps réel permettent de très vite se tirer des situations d’incompréhension et on dénote assez vite que le jeu se prêtera prochainement au modding et aux API externe, histoire de faire d’ECO un jeu d’envergure où la communauté porte le projet et développe tout un tas d’outils pour faire évoluer le jeu en même temps que les développeurs l’améliorent.
Expérience multijoueur avant tout
Jouable en multi ou en solo, Eco est en revanche bien plus pertinent à plusieurs, pour la simple et bonne raison que le titre est basé sur la coopération et sur la complémentarité des talents de chacun. Assez vite, vous apprendrez de nouvelles choses, de nouvelles recettes et de nouveaux métiers. Au fil des minutes, des points de compétences seront gagnés et vous pourrez attribuer ces derniers à vos nouvelles spécialisations. Vous le comprendez vite, se trouver une vocation est rapidement une nécessité, surtout en multijoueur, là où les points de skill sont plus rares. Evidemment, tester une early access longue durée, de cet accabit, ne nous permet que d’éfleurer le contenu, et nous basons ici notre ressenti sur une quinzaine d’heures de jeu, en multi et en solo. En multi, notre expérience fut assez courte puisque la surpopulation des différents serveurs essayés ne nous permit pas d’avancer à bon rythme. Certains joueurs avaient privatisé les forets, d’autres s’étaient attribués les clairières où poussent les baies, bref, autant de pratiques qui rendent la vie en communauté bien plus difficile. Pour autant, le jeu prévoit également ce genre de comportement et propose un système de vente de ressources par l’intermédiaire d’un atelier marchand sur lequel les joueurs peuvent fixer les prix.
C’est à ce moment là que l’on réalise à quel point les interactions communautaires sont poussées dans Eco. Un simple établi peut par exemple être attribué à un joueur, ou à tout le monde, et peut être « loué ». Le propriétaire tirera des bénéfices de chaque fabrication d’objet passant par cet établi et peut même régler le niveau de taxe imposé. Toujours côté économique et légal, un système de loi et de règles en communauté est introduit dans le titre et peuvent être promulguées et votées. A l’heure actuelle, assez peu de serveur disposent de règles murement établies et c’est donc un pan plus théorique que pratique.
Vis ma vie d'ouvrier spécialisé
En observant des joueurs de longue haleine en plein travail, on se rend toutefois compte que le titre repose véritablement sur la spécialisation et la collaboration. On tombera donc très souvent sur des véritables carrières où les joueurs spécialisés en bois ou en pierre entassent les ressources en vue de les distribuer sur de grands projets. Les joueurs spécialisés en ingénierie seront les premiers à forger les routes de la ville et c’est sur ces dernières que les véhicules pourront rouler. Parmi ces derniers, on retrouvera très vite les woodkart, que l’on trimbalera des coins à ressources jusqu’aux entrepôts pour stocker ce que l’on mine et le porter en une seule fois à bon port : un gain de temps colossal. Par ailleurs, vous remarquerez très vite la mention « découvert par » lorsque l’on parcours les menus. Cette dernière désigne tout simplement le premier joueur du serveur à avoir créé le livre permettant de débloquer le talent, la recette, ou le métier désigné. Grâce aux livres, on peut générer des parchemins et ainsi diffuser le savoir auprès des autres joueurs. Avec cette dynamique et une bonne petite communauté, de grandes choses peuvent être faites pour évoluer, construire toujours plus, et potentiellement trouver un moyen de stopper le météore.
Car oui, il ne faut pas oublier que la finalité de tout ceci, c’est de réussir, en un mois, à stopper le météore. Ce dernier s’écrasera et rasera tout sur son passage sauf si vous réussissez à construire des technologies suffisamment avancées, et cela passe par une industrialisation majeure qui polluera la planète et nécessitera une bonne gestion des lois et des règles, d’où l’importance d’agir en communauté et de respecter l’environnement. Pour le moment, le titre promet énormément et envisage de muscler son mid-game et end-game, avec notamment, plus de véhicules. Il est donc à recommander, avant tout, aux joueurs en groupe qui souhaiteraient se connecter régulièrement à leurs serveurs pour mettre en place des routines pour chacun et forger, ensemble, une civilisation qui travaillera d’arrache-pied pour stopper le météore…
Points forts
- Très complet, très profond tout en étant relativement clair et simple d’accès
- Un concept très intéressant, non-violent, éco-responsable et limité dans le temps
- De très bonnes idées qui apportent beaucoup de réalisme au genre
- Une expérience très intéressante en communauté
Points faibles
- Trop de farming à cause de la spécialisation quasi-obligatoire des individus
- Les serveurs publics sont souvent pollués par les revendications sauvages des ressources
- Des bugs et quelques soucis d’optimisation
- Jouable en solo, mais il est quasi-impossible de gagner
Eco est une bonne early access, à recommander avant tout aux groupes de joueurs qui n’ont pas peur de s’enfermer dans des routines de production un brin lourdes pendant un mois. Il se destine très clairement à ceux qui auraient aimé avoir plus de gestion dans Minecraft, et qui n’auront pas peur que cet aspect empiète énormément sur la créativité, le housing, et l’aspect survie de la formule-clé du studio Mojang. Ici, la seule menace auquel vous ferez face est celle du météore et il est vital de coopérer et d’agir en tant que civilisation qui respecte les règles et le monde environnant pour survivre et faire évoluer la communauté. A suivre de très près…