En s’attelant à un remake de Secret of Mana, Square Enix savait pertinemment qu’il allait être difficile de contenter tout le monde, entre les fans de la première heure et les potentiels nouveaux venus. Un grand écart particulièrement difficile à accomplir, ce qui peut parfois aboutir à l’accident...
Secret of Mana, une perle
Sorti en 1993, Secret of Mana fit l’effet d’un véritable raz-de-marée sur Super Nintendo. En France, il est considéré par beaucoup de joueurs comme LE jeu qui les a lancés dans le joyeux monde des J-RPG. Certes, il n’était pas le premier, mais sa somptueuse direction artistique en faisait une aventure mémorable. L’histoire de ce jeune héros, qui met un peu par hasard la main sur une épée légendaire, comportait son lot de boss, de voyages et de magie, le tout jouable jusqu’à trois en même temps. Du génie ? Sans aucun doute.
Malheureusement, nous ne sommes pas tous égaux face aux affres du temps et Secret of Mana en est un bon exemple. Aujourd’hui, son gameplay a pris de l’âge avec un système bâtard entre A-RPG et tour par tour qui casse le rythme des combats, sans compter le système de menus circulaires, révolutionnaire à l’époque, mais pénible à la longue. En fait, la seule chose qui avait bien vieilli était justement la direction artistique, avec une 2D impeccable, des décors détaillés et des animations qui ne manquaient pas de style.
Un gameplay
C’est alors qu’intervient le remake de Secret of Mana avec une décision qui ne manquera pas de nous interloquer pendant encore quelques années : Prendre l’original, enlever la direction artistique qui en avait fait sa force et garder le gameplay tel quel, sans réelles corrections, alors que ce dernier avait fort mal vieilli. En effet, Square Enix a décidé de ne pas toucher à la jouabilité, ou même à l’histoire. Pour être exact, il s’agit des mêmes scènes, trait pour trait, avec les mêmes déplacements, à tel point que la map qui apparaît en haut à gauche est clairement le jeu de 1993 ! Soit, jusque là, on reste dans l’hommage. Malheureusement, en 2018, on était en droit d’attendre toute autre chose en matière de gameplay.
Pour commencer, les combats, qui constituent 90 % du jeu, sont d’une mollesse affligeante. Les coups n’ont absolument aucune pêche et là où les personnages donnaient l’impression de se donner à fond dans l’original, on se contente de tapoter les ennemis avec des coups sans énergie. Dans les faits, on leur fait toujours les mêmes dégâts, mais visuellement, le résultat est particulièrement plat. Bien évidemment, c’est sans aucun doute la faute de la direction artistique, mais nous reviendrons sur ce point épineux plus tard. Pour rester dans le gameplay, le système de recharge des coups fait partie des éléments qui ont pris de l’âge et bien que la possibilité d’aller dans toutes les directions (contre huit dans l’original) peut être vue comme un point fort quand cela concerne l’exploration, cela rend les combats plus confus et il vous arrivera souvent de rater votre cible à cause de cela. Il faut dire que la plupart du temps, vous n’êtes même pas sûr d’avoir correctement frappé l’ennemi à cause des hitbox très fluctuantes.
De son côté, l’utilisation des magies n’a pas vraiment été revue, outre la possibilité de mettre deux raccourcis (ce qui comprend aussi les objets). Il s’agit d’un ajout fort bienvenu qui évite de couper l’action pendant les combats contre les boss, même si on eut aimé plus de raccourcis disponibles. Ainsi, le jeu gagne un peu en dynamisme par moments. Par contre, mauvais point, il est toujours possible d’enchaîner les boss non-stop avec de la magie, rendant automatiquement les combats contre ces derniers beaucoup trop faciles. Une correction à ce niveau était plus que nécessaire. Il en va de même pour l’intelligence artificielle, encore plus pénible que par le passé. Le pathfinding des alliés est toujours inexistant, ces derniers se coinçant systématiquement derrière des murs dès que l’on avance un peu trop vite. Avec ce remake, on perd même la possibilité de gérer leur comportement (offensif/défensif, etc.) puisque la grille prévue à cet effet a complètement disparu. Ils ne peuvent donc qu’attaquer des ennemis au hasard ou suivre les actions d’un autre allié humain. Dur…
Gameplay de Secret of Mana : Les Ruines de Pandore
La possibilité de jouer à trois résout une partie du problème, d’autant que le multijoueurs faisait partie du fun à l’époque. Soyons clairs, surtout vu le comportement de l’IA, ce remake de Secret of Mana est meilleur à plusieurs qu’en solo. Même si le multi local est souvent à privilégier, on regrettera l’absence pure et simple de jeu en ligne, pour ceux qui n’ont pas toujours leurs potes sous la main.
Enfin, les menus en anneaux font partie des éléments qui ont le moins bien vieilli, d’autant qu’ils sont encore plus impraticables dans ce remake. Non seulement ils ne gardent plus en mémoire notre dernière position, mais en plus ils apparaissent maintenant au milieu de l’écran, et non plus autour du personnage concerné, ce qui rend l’ensemble terriblement confus.
Une direction artistique très en dessous
Mais outre cette stagnation en matière de gameplay, ce remake de Secret of Mana en a surpris plus d’un par sa direction artistique. Autant être clair, à la rédaction, on a du mal à avaler la pilule. Des remakes, on en a vu passer des pelletées et on en a applaudi plus d’un pour le travail effectué, inspiré tout en ne dénaturant pas l’original. Ici, c’est tout le contraire. On se retrouve devant une 3D sans saveur, un bestiaire qui manque totalement de charisme et des animations maladroites et saccadées. On pourrait pratiquement parler de sacrilège, avec un résultat proche de ce qu’on trouvait sur Nintendo DS il y a près de 10 ans, l’inspiration en moins. Il en va de même pour la musique, avec des choix de réorchestrations douteuses. Si l'on entame le jeu par une sublime version orchestrale de Angel’s Fear, on enchaîne par des sonorités MIDI d’accordéons et de flûtes particulièrement agressives à l’oreille. Heureusement, la possibilité de jouer avec les musiques originales à la volée permet des sauver les meubles, malgré quelques rares compositions plutôt agréables parmi les réorchestrations.
Dernière chose, on pourrait vous parler longtemps des doublages, qui sont pour ainsi dire ratés. Disponibles en anglais et en japonais, ils ont un point commun : l’acting est forcé au possible avec des tons ultra caricaturés à tel point qu'on se croirait parfois devant un épisode de Dora L’Exploratrice. Etonnant pour un jeu qui n’est pas PEGI 3.
Trailer de sortie de Secret of Mana
Points forts
- Le retour d'un grand jeu
- De nombreux boss
- Jouer à 3 en local
- Les raccourcis
- L’exploration au stick analogique
Points faibles
- Une 3D particulièrement pauvre
- Un character design sans aucun charisme
- Les doublages surjoués, très pénibles
- La mollesse des combats
- Les menus insupportables
- Trop facile dès que l'on dispose des magies
- Le leveling des sorts
- L'IA des alliés, encore plus insupportable
- Des choix douteux pour les réorchestrations
Lorsqu’on veut refaire une pépite, il faut parfaitement savoir jauger ses qualités et ses défauts. Malhreusement, on a l’impression que Square Enix a pris Secret of Mana à l’envers, remplaçant une direction artistique exceptionnelle par une 3D faiblarde et un design général sans aucune inspiration, mais gardant un gameplay vieillissant sans vraiment y apporter quoi que ce soit. Pire encore, certains choix rendent les combats plus mous, les menus impraticables et l’IA des alliés encore plus basique et insupportable que par le passé. Difficile d’apprécier l’aventure à sa juste mesure dans ces conditions, d’autant que les boss sont toujours aussi simples à battre. Un résultat bien malheureux qui ne doit pas nous faire oublier nos souvenirs sur l’original.