Acteur discret mais prolifique basé à Hambourg en Allemagne, l'éditeur Daedalic Entertainment s’offre à l'automne 2017 les services du studio suédois Forgotten Key dans l’espoir de conquérir les cieux avec AER : Memories of Old, un jeu d’aventure poétique vécu dans la peau d'une héroïne capable de se transformer en oiseau. Si vous n'êtes aucunement sujet au vertige, il est temps de prendre votre envol et de découvrir cette expérience atypique au gré des vents.
Bande-annonce de AER
Une apocalypse poétique
La civilisation humaine n’est plus qu’un lointain souvenir maintenu en vie par les rares survivants ayant échappé au Néant et son insatiable désir de dévorer le monde. La Grande Dislocation a propulsé l’Homme dans les cieux sur des îles flottantes célestes avec pour seul avenir un horizon s’étendant à perte de vue. Mais l’espoir est de mise pour la poignée d’humains encore en vie. Karah, la prêtresse protectrice de ce monde, et sa Lumière sont susceptibles de repousser le Néant à condition de rassembler les 3 fragments d’un talisman ouvrant les portes de la demeure du Créateur. Auk (probable homonyme de Hawk - faucon en anglais), personnage que vous incarnez, se voit confier cette délicate mission.
Cette héroïne intrépide et son pouvoir de thérianthropie (ou zoanthropie) parcourent les cieux et fendent les nuages dans la peau d’un oiseau couleur renard. Qui n’a jamais rêvé ne serait-ce qu’une seconde de voler ? Après Eagle Flight en réalité virtuelle, Forgotten Key vous offre cette opportunité. La sensation de liberté qui se dégage est saisissante et garantit une exploration sans frontière ou presque au sein d’une carte suffisamment grande pour combler un besoin grandissant d’évasion. Et la découverte des lieux exige que vous fouliez de temps en temps la terre ferme pour pénétrer dans les trois temples où sont disposés les fragments cités ci-dessus.
Avant de s’aventurer à la lueur de la lanterne de Karah dans ces dédales tortueux, il convient de trouver la clé qui scelle l’entrée de chaque temple. Une fois cette dernière en votre possession, ces derniers vous ouvrent leurs portes et la véritable exploration peut débuter. Ces structures gigantesques sont protégées par des mécanismes empêchant les curieux de progresser sans pour autant souhaiter leur mort. La notion de trépas, malgré une fin du monde implacable, est totalement absente du jeu. Les énigmes imaginées par les designers sont là pour vous défier et non vous terrasser. Malheureusement, ces “puzzles” sont construits sur un principe unique… celui d’activer divers éléments à l'aide de la lanterne pour ouvrir une porte et ainsi de suite jusqu’à entrer en contact avec la divinité gardant les lieux.
L’absence d’action et de combats à proprement parler apaise et accompagne un périple poétique où le plaisir de la découverte donne tout son sens à l'expérience imaginée par le studio Forgotten Key. L’univers se dévoile au gré des conversations avec les survivants, les résonances d’un passé révolu et la lecture de stèles, seuls témoins de l’Histoire de ce monde. La courte durée de vie d'AER est cependant à déplorer. Moins de 4 heures sont nécessaires pour terminer sans effort une aventure qui a le mérite d’être livrée avec des sous-titres français.
AER : Survol d'un oasis céleste
L’empire des sens
AER est une expérience sensorielle. La vue et l’ouïe sont mises à contribution et dansent à l’unisson au cours d’une aventure minimaliste dans sa mise en scène mais à l'ambiance maîtrisée. Par ses visuels, le titre emprunte au naturalisme avec ses modèles 3D biseautés et ses aplats colorés. Les environnements se démarquent par leur richesse et leur faculté à se renouveler avec de nombreuses tonalités alternant le chaud et le froid selon les lieux visités. Et les subtiles références à Tron et au mouvement cyberpunk avec ses néons flashy détonent au sein de décors d’inspirations précolombiennes, amérindiennes... Et pourtant la magie opère à 100% au point de laisser les aventuriers bouche bée.
“C'est beau !” Ces 3 petits mots reviennent sans cesse et à raison. Le travail effectué sur la direction artistique est à saluer, tout comme le level design autour duquel les temples et les îles célestes s’articulent. Les contre-plongées et les panoramas à 10.000 pieds justifient à eux seuls de prendre votre temps et d’admirer comme il se doit le soin apporté aux éclairages et aux subtiles palettes de couleurs utilisées. L’évasion passe ici par les sens et la bande-son n’est pas en reste avec un panel de titres atmosphérique se mariant à merveille avec le visuel. La musique y est relaxante et rythme une aventure dénuée de rebondissements. Tout est calme, apaisant. A l’image des CD de “Nature & découverte”, la bande originale vous charme et vous apaise alors que le vent s'immisce dans votre plumage.
Points forts
- Une fin du monde poétique et mystérieuse (sous-titrée en français)
- Le plaisir de fendre les cieux et le sentiment de liberté qui s'en dégage
- Une direction artistique "naturaliste"
- Une bande-son atmosphérique
Points faibles
- Des énigmes trop simplistes et peu renouvelées
- Une durée de vie très courte (moins de 4 heures)
AER est un O.V.N.I dans le paysage vidéoludique actuel, une expérience sensorielle à la direction artistique saisissante et à la bande-originale atmosphérique. Le sentiment de liberté est omniprésent au coeur d’une apocalypse poétique et fendre les cieux combleront vos envies d’évasion. Malheureusement, les énigmes se renouvellent guère. Quant à la durée de vie... celle-ci est anémique, évitant au titre de sombrer dans une redondance de forme qui aurait pu être fatale à cette aventure contemplative vraiment plaisante à vivre.