Entre les mains de Machine Games depuis 2014, Wolfenstein est plus que jamais une série précieuse. Précieuse car contre vent et marée, malgré la démocratisation du Game as a Service ou de l’obligation pour les développeurs d’intégrer du multi dans leur FPS (qu’il fusse solo à l’origine n’est même plus une excuse pour beaucoup) afin de plaire au plus grand nombre, les suédois persistent et signent dans le FPS narratif avec The New Colossus. Suite directe de The New Order, entièrement dévolue à son histoire et ses personnages, ce nouveau volet marche dans les pas de son aîné en mélangeant à nouveau un scénario bien plus profond qu’on ne pourrait le penser au premier abord tout en étant encore une fois saupoudré d’humour déjanté. Une formule qui a fait ses preuves et qui se révèle une fois de plus gagnante.
Acheter Wolfenstein II : The New Collosus sur Switch chez Amazon
Les soldats alliés tremblent bien souvent à l’annonce d’un portage sur Nintendo Switch d’un titre exigeant techniquement. Et les raisons d’une telle peur semblent justifiées à première vue. Faible résolution et fluidité à la rue pendent au nez des joueurs. Pourtant, Panic Button, studio derrière les versions Switch de Rocket League et Doom, s’en sort avec les honneurs.
Aucun compromis sur le gameplay n’a été nécessaire pour porter Wolfenstein II : The New Colossus sur la console hybride de Nintendo. Le FPS de Bethesda Softworks garantit un framerate constant à 30 images par seconde, mais sacrifie quelque peu le visuel pour ce faire. Cette version Nintendo Switch simplifie ses textures et souffre d’une résolution agile... qui caresse un 640*360 rappelant les âges pré-HD. Et pourtant, la console du constructeur japonais n’a pas à rougir face à ses performances. Wolfenstein II reste “beau” à bien des égards. Son univers techno-uchronique frappe par sa créativité et les concessions faites par le studio en charge du portage ne gâchent à aucun moment une expérience jouissive et explosive de bout en bout.
Souvenez-vous, au terme de The New Order, B.J. avait certes mené à bien sa mission en éliminant le Boucher mais avait succombé à ses blessures après un bombardement intensif sur la base ennemie, le tout dans une conclusion étonnamment poétique et poignante C’est ce que laissait supposer la fin du premier volet de la trilogie de Machine Games. Deux ans plus tard, tout est à refaire, les nazis, menés par Frau Engel, étant de retour avec des rêves de conquête encore plus fous. Heureusement, Blazkowicz is not dead puisqu’on le retrouve sortant d’un coma de quelques mois, à l’intérieur du sous-marin volé aux nazis dans The New Order, avec une paralysie qui se révélera passagère… Du moins suite au premier niveau qui pose à nouveau les bases d’une aventure créée dans le même moule que son grand-frère.
L’introduction nous rassure ainsi d’emblée sur l’orientation de The New Colossus dans la droite lignée de celle de son prédécesseur. En effet, incarner un paraplégique engoncé dans son fauteuil, armé d’un double uzi à même d’effectuer des stealth kills sur des nazis a de quoi nous faire glousser, voire lâcher de temps en temps un : «Oh les cons ! Ils ont osé ! ». Oui, The New Colossus est aussi fou que The New Order, sans doute plus, et oui, cette suite va plus loin que ce soit dans son uchronie WTF matinée de post-apo, ses gunfights nerveux, son humour parfois ras des pâquerettes et son scénario avançant sur une corde raide, entre intensité, second degré, humour noir et émotion.
Un FPS tout entier dédié à ses personnages
Comme nous le disions en préambule, Wolfenstein II : The New Colossus prend le contre-pied de tout ce qui se fait actuellement en matière de FPS et nous sert une histoire étonnamment riche, du moins pour le genre auquel il est associé. C’est encore plus marquant comme on sait que la série initiale versait plus facilement dans le bourrin que l’introspectif. Bourrin, le jeu l’est indéniablement, mais malgré ça, il ne perd jamais de vue sa narration en tisant des liens forts entre les personnages, qu’ils soient du bon ou du mauvais côté de la barrière. Retrouver Anya, Caroline, Bombate, Max fait rudement plaisir d’autant qu’ils seront rejoints par de nouvelles têtes dont Grâce, afro-américaine à la tête de la Résistance, représente un chef de file charismatique issue de la Blaxploitation et jamais avare en paroles bien senties.
D’heure en heure, on se plaît donc à suivre la suite des aventures de cette petite troupe d’autant que Machine Games a énormément travaillé une fois encore sur les dialogues étonnamment sombres (le monologue de Grâce sur le bombardement) parfois suivis de passages résolument comiques via des dialogues dignes des meilleurs Tarantino. De fil en aiguille, on découvre l’équipage, on vibre au rythme des révélations tout en découvrant l’enfance difficile de B.J., sorte de fil rouge pour un jeu plus que jamais centré sur ses personnages et son héros. On appréciera d’ailleurs énormément de pouvoir crapahuter à l’intérieur du Marteau d’Eva, gigantesque sous-marin servant de Q.G. aux réfugiés et proposant d’innombrables moments de vie et de dialogues optionnels qu’il ne faut absolument pas louper à l’image des conversations des gardes, souvent savoureuses et très drôles.
A ce sujet, les forces ennemies ne sont pas en reste puisque Le Boucher est remplacé au pied levé par Frau Engel, bien plus sadique que son prédécesseur et rempilant après une petite chirurgie réparatrice du visage. Sans trop en dire, Engel a bénéficié d’un véritable traitement de faveur et saura procurer quelques frissons, notamment au travers d’une séquence vouée à devenir culte dans l’histoire de la saga. Rajoutez également quelques surprises scénaristiques (dont une scène qui vaut à elle seule l’achat du jeu) et vous obtenez au final un titre encore plus travaillé d’un point de vue de l’écriture.
Bienvenue chez L’Oncle Sam
Il faut également dire que le fait d’avoir traversé l’Atlantique, en troquant la vieille Europe pour les Etats-Unis, a de quoi offrir des tonalités, des décors et des situations différentes. Les développeurs se sont ainsi amusés aux dépens de certaines organisations (le Ku Klux Klan) ou avec quelques légendes urbaines et des endroits iconiques de l’Amérique afin de permettre au joueur d’effectuer un véritable road trip en passant d’une ville de New-York dévastée à la Nouvelle-Orléans en passant par la Zone 52… Oui, oui, 52. On passera sous couvert d’autres lieux plus exotiques dont nous vous laissons le plaisir de la découverte.
Toutefois, si la plupart des décors sont superbes, avec une belle gestion de la lumière (bien qu'on ait noté certains soucis de luminosité sur consoles dans les recoins les plus sombres), les environnements sont inégaux ou inutilement ouverts, ceci ayant même parfois tendance à agacer. Si dans l’absolu l’exploration ne m’ennuie pas, elle a pour moi beaucoup moins de sens dans Wolfenstein II et ce malgré les très nombreux collectibles à récupérer (documents, artworks, musiques) qui sont tous très intéressants à découvrir.
Inglorious Blazko
Sur le plan du gameplay, on est en terrain connu à l’image de la construction qui est malheureusement bien trop calquée sur celle de The New Order d’où l’absence de surprise sorti d’une poignée de séquences narratives. Du coup, pendant les 11, 12 heures que vous réclamera le jeu (en Difficulté Normale, davantage dans les plus hauts modes), vous n’aurez de cesse de déverser un flot de balles sur des hordes nazies constituées dans l’ensemble des mêmes soldats que dans le précédent volet. Quelques nouvelles têtes, bien que dans la continuité du «bestiaire» de base, font cependant leur apparition histoire d’apporter un peu de sang neuf et vu l’orientation gore des joutes, autant vous dire qu’on ne va pas s’en plaindre.
Si le constat est plus ou moins similaire pour les pétoires puisqu’on y trouve toujours les classiques fusil à pompe, carabines, uzis, grenades, on profite quand même de certaines armes lourdes inédites particulièrement puissantes. Notons à ce sujet qu’en fonction de la timeline choisie (via un flashback en début de jeu, il sera possible d’opter à nouveau pour Fergus ou Wyatt), on aura la possibilité d’utiliser principalement une arme basée sur le feu ou l’électricité. Dans l’absolu, la finalité sera la même (défoncer des caBoches) mais en fonction de l’arme choisie, le feeling (excellent) sera différent. Idem pour l’un des trois petits cadeaux qu’il sera possible de récupérer en milieu de partie et qui nous donneront l’occasion de dasher (pour défoncer murs et ennemis), d’atteindre des endroits en hauteur ou de ramper afin de privilégier l’infiltration. Au final, l’amélioration majeure reste la possibilité d’utiliser deux armes différentes dans chaque main pour être aussi réactif à courte ou longue portée. Précisons également qu’en parallèle des Atouts, le système d’upgrade des armes a été amélioré puisque se faisant désormais à partir de kits d’amélioration qu’on trouvera un peu partout.
Tout concourt donc à faire de Wolfenstein II un jeu qui ne s’arrête jamais, qui va vite, très vite et qui enjoint le joueur à tout le temps courir, se planquer et surtout tirer, tirer et encore tirer qu’on soit debout ou allongé puisque désormais, même mis à terre par un adversaire, il sera possible de continuer à déverser une pluie de balles.
Une VF tout sauf Nazillarde
Mais tout ceci aurait moins de saveur sans une bande-son et un doublage de qualité. La VF de The New Order était en tout point exemplaire, celle de The New Colossus l’est tout autant même si malgré l’excellent boulot de Patrick Poivey (voix française de Bruce Willis), on ne cessera de regretter celle de Patrick Béthune dont le timbre correspondait parfaitement au personnage de Blazko. Quoi qu’il en soit, il serait hypocrite de ne pas reconnaître la qualité de l’adaptation française, ceci concernant autant les personnages principaux que secondaires. Mentionnons qui plus est que les musiques sont dans le ton, nombreuses et toujours intelligentes dans leur traitement. Le rendu sonore des armes ayant aussi bénéficié d’un soin à toute épreuve, difficile de trouver un seul véritable défaut à l’aspect sonore de The Wolfenstein II : The New Colossus.
Si cette suite s’inscrit dans la continuité de The New Order (trop, peut être, diront certains), elle fait évoluer ses héros en tisant des liens plus profonds tout en offrant des gunfights encore plus démesurés et nerveux. C’est exactement ce qu’on en attendait et si certains défauts (une IA datée, des niveaux plus ouverts ne servant pas à grand-chose…) ternissent le tableau, le fun procuré par The New Colossus est bel et bien réel, élément essentiel qui permet de trier les bons des mauvais élèves.
Acheter Wolfenstein II : The New Collosus sur Switch chez Amazon
Points forts
- Des gunfights nerveux et intenses...
- Excellent feeling de la plupart des armes
- Une qualité d’écriture hors pair
- Certaines scènes et dialogues cultes
- Des personnages profonds, drôles et forçant l’empathie
- Une VF quasi parfaite…
- Une bande-son de qualité
- Quelques nouveautés bienvenues
- Deux timeline offrant une meilleure rejouabilité
- Bonne durée de vie
- Bien qu’inégal, visuellement très réussi
Points faibles
- … mais parfois abusivement longs
- Un level design pas toujours heureux
- Certains niveaux plus ouverts qui n’apportent pas grand-chose
- IA totalement aux fraises
- … même si on regrette tout de même la voix de Patrick Bethune (B.J.)
- Narration/progression calquée sur celle de The New Order
Wolfenstein avait retrouvé un nouveau souffle en 2014 et cette bonne impression se confirme trois ans plus tard avec The New Colossus. Mieux écrit, réalisé et se reposant sur quelques évolutions de gameplay pour rendre ses gunfights encore plus intenses, cette suite réussit dans les mêmes proportions que son aîné. Tour à tour furieux, drôle et émouvant, le jeu de Machine Games nous tient en haleine durant plus d’une dizaine d’heures en nous servant sur un plateau d’argent l’histoire de résistants à la personnalité marquée dans une uchronie barrée à souhait. Avec un tel mets, il serait dommage de faire la fine bouche non ?