Il y a déjà 3 ans, le Seigneur des Anneaux s'offrait un retour vidéoludique remarqué avec l'Ombre du Mordor. Salué pour son système de Némésis et ses combats, décrié pour sa répétitivité et un scénario anecdotique, l'épisode a aujourd'hui le droit à une suite directe sous-titrée l'Ombre de la Guerre, qui entend bien nous proposer une aventure plus épique et plus riche que celle de son prédécesseur.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le titre de Monolith Productions jouit d’une version PC stable et sans bug majeur relevé. Dans sa grande bonté, Warner Bros. a également corrigé le problème qui empêchait le partage familial sur Steam.
L'Ombre de la Guerre dispose surtout de nombreuses options de personnalisation permettant de faire tourner l’aventure sur un maximum de machines. S’il est possible de sélectionner son niveau de qualité graphique par paliers prédéfinis (de minimale à ultra), il est également proposé de changer une grande série d’options manuellement, de la qualité de l’éclairage à la précision du maillage, en passant par le flou cinétique, l’anti-aliasing, l’aspect des ombres et autres filtrages des textures. La configuration automatique peut également amener une série de réglages selon les estimations calculées par le jeu. Nous rappelons enfin que l'Ombre de la Guerre est un titre Xbox Play Anywhere, et que la version Windows 10 donne accès automatiquement à la version Xbox.
Évoquons tout de suite un point régulièrement soulevé par les possesseurs du premier opus : il est bien possible de récupérer en partie votre sauvegarde du premier opus en passant directement par le menu de l'Ombre du Mordor. Via la Nemesis Forge, le jeu désignera d'une part l'Orc ayant la meilleure affinité avec vous, d'autre part votre ennemi juré, le tout en fonction de l'aventure menée dans le premier opus : seuls ces 2 Orcs seront importés et vous n'aurez alors plus qu'à lancer une partie de l'Ombre de la Guerre avec le même profil pour les retrouver au sein de la vôtre. Si vous n'avez pas joué au premier épisode, vous ne serez toutefois pas perdu puisque le scénario de l'Ombre de la Guerre se suffit à lui-même.
L'autre premier changement immédiatement perceptible, c'est la présence de 3 modes de difficultés particulièrement demandés après un premier épisode fluctuant sur ce point. Si les modes facile et normal s'avèrent plutôt proches et accessibles avec un minimum d'application, le titre devient particulièrement punitif en difficile dès lors que vous devrez faire face à un Nazgul ou un chef suprême Orc. Vous voilà prévenus.
L'enfer c'est LOTR
Nous le soulignions déjà dans notre test de L'Ombre du Mordor, mais adapter un titre dans l'univers créé par Tolkien s'avère souvent retors : c'est pourtant ce qu'a tenté de faire ce nouvel opus en nous sortant des terres étriquées de son aîné pour nous faire découvrir l'immensité du Mordor et la lutte de Talion et Celebrimbor face à Sauron et ses Nazguls. Un choix qui a obligé les développeurs à faire des concessions sur bon nombre d'éléments, voire à réinterpréter le rôle de plusieurs personnages clés (comme Arachné, Isildur ou Celebrimbor), changer le nom de certaines créatures, nous dégoter un nouvel anneau de son chapeau ou même déplacer la date de quelques points clés - comme la prise de Minas Ithil - à la fin du 3e âge, afin d'intégrer au mieux son récit entre les événements du Hobbit et du Seigneur des Anneaux. Si vous êtes un fan passionné de la saga, vous trouverez sans doute de quoi vous arracher quelques cheveux face aux libertés prises par le jeu.
En revanche, il faut reconnaître les efforts initiés par les scénaristes pour essayer d'apporter de la légitimité à leur titre au cœur d'un Lore particulièrement complexe et loin d'être inattaquable sur sa cohérence. D'un premier épisode au scénario de vengeance franchement anecdotique, la série se dote cette fois d'un titre nettement plus épique et soucieux de vous faire vivre des événements majeurs pour la saga. Il en découle un scénario qui, sans être toujours intéressant sur chacun de ses enjeux, parvient tout de même à nous impliquer davantage jusqu'à l'arrivée de ce que nous pourrions qualifier de première fin, climax plutôt réussi qui fera sans doute son petit effet auprès de nombreux joueurs. Nous regretterons tout de même une introduction poussive qui vous assène de tutoriaux pendant de longues heures ainsi que le manque de caractérisation de Talion, personnage principal habité par l'esprit de l'elfe Celebrimbor depuis son assassinat et au caractère souvent éclipsé par d'autres personnages secondaires durant notre quête. C'est sans doute davantage sur ses histoires amenées par le système de Nénésis que l'Ombre de la Guerre parviendra à convaincre les joueurs de ses qualités narratives.
Némésis is sparta
Le Némésis, c'est pour rappel ce système de hiérarchie interactive entre les Orcs du premier opus qui offrait de la vie au Mordor : entre les changements de rang, duels, rivalités, amitiés et retournement de situations, le titre ne manquait pas de moments surprenants tous générés aléatoirement et donc différents selon les parties des joueurs. Cette nouvelle mouture reprend la même formule en l'approfondissant : nous noterons ainsi la plus grande variété d'Orcs - et d'Olog-Hai, qui font leur apparition - disponibles, qui héritent de titres parfois loufoques (mention spéciale au « poète » qui ne nous parle qu'en vers ou au « hurleur », qui… hurle en boucle, tout simplement), mais sont aussi désormais affiliés à différentes tribus susceptibles de modifier leur apparence et d'avoir à terme une influence sur l'allure de vos forteresses… Mais nous y reviendrons.
C'est également par ses options d'interaction que le titre gagne en richesse. Talion dispose en effet désormais d'un anneau de pouvoir qu'il peut mettre à profit pour prendre le contrôle d'un Orc et le faire rejoindre son armée. S'il est évidemment aisé de recruter ainsi le premier péon venu, les capitaines devront d'abord être affaiblis. C'est ensuite en jetant un œil aux quêtes proposées et à la carte du Némésis que vous pourrez découvrir toutes les interactions possibles avec vos nouveaux soldats : en nommer comme votre garde du corps afin de pouvoir l'appeler à la rescousse à tout moment, lui affecter une bande de guerriers, d'Olog ou d'autres joyeux drilles afin qu'il soit mieux pourvu en batailles, mais aussi l'envoyer s'aguerrir dans des combats à mort en fosses, que vous suivrez en mode spectateur, en vue de le faire monter en niveau. Autant d'idées qui rendent le système de jeu particulièrement riche et auxquelles il faut ajouter la possibilité de déshonorer un capitaine pour le faire baisser de niveau, une pratique qui peut même à terme les rendre fous.
Il est difficile d'expliquer tous les tenants et aboutissants d'un tel système sans en éclipser une partie de la richesse. Prenons donc l'exemple d'un Orc de notre partie, un certain Krakhorn, qui aura connu un parcours mouvementé. Premier Orc à nous tuer, il a eu droit à une promotion comme chef de guerre pour son exploit. Après un nouvel affrontement, nous en avons pris le contrôle afin de nous en servir comme espion et d'infiltrer plus facilement la forteresse, acte au cours duquel le bougre a choisi de nous trahir. En bon vilain, nous nous sommes empressés de le battre, de le déshonorer pour qu'il baisse de niveau et conserve une marque sur le visage. Après nous avoir croisé une énième fois et rappelé sa souffrance d'avoir été ainsi humilié et marqué, Krakhorn a de nouveau rejoint notre cause via l'utilisation de nos pouvoirs. Nous l'avons finalement envoyé dans les fosses de combat ou il a fini par périr décapité après quelques victoires de prestige. Cet exemple n'en est qu'un parmi d'autres, entre nos ennemis démembrés qui refont surface avec une prothèse ou ceux choisissant d'adopter un nouveau titre pour se dissimuler, le titre regorge de petites histoires qui en font le sel et offrent à l'ensemble une narration surprenante et singulière, qui est sans doute la plus grande réussite de l'Ombre de la Guerre.
Team Forteresses
Nous l'évoquions un peu plus haut, l'une des nouveautés de cet épisode n'est autre que la présence de forteresses, système qui met à profit votre création d'une armée d'Orcs. Chaque région explorée (5 au total) dispose ainsi de son propre tableau dévoilant les forces en présence : chef suprême, chefs de guerre et capitaines. Afin de conquérir une forteresse, vous pourriez très bien vous contenter de lancer la mission et tenter de tout faire en solo ou avec une équipe réduite d'Orc à vos côtés. Mais il est également possible de prendre le temps d'infiltrer les rangs des chefs de guerre pour que ceux-ci vous facilitent la tâche au moment de l'assaut, caractérisé par des captures de points successives servant de prélude à un affrontement contre le chef suprême dans sa salle du trône.
La liberté d'approche vous incitera tout de même plus souvent à opter pour la fourberie et un investissement massif dans les atouts des chefs Orcs qui se battront à vos côtés : la présence d'un Drake, de lanceurs de projectiles, de guerriers à dos de caragors ou de Berserkers voire d'un Graug particulièrement meurtrier suffira le plus souvent à remporter la bataille en un rien de temps. Plaisantes à préparer, ces séquences apportent un vrai souffle épique à une série qui en manquait cruellement dans son premier épisode et s'avèrent d'autant plus intéressantes qu'elles débouchent régulièrement, grâce à leurs couplages avec le système de Némésis, sur des trahisons ou retours improbables d'entre les morts rendant certains assauts particulièrement bien sentis. Vous noterez également qu'il est possible de s'attaquer aux forteresses des joueurs en ligne sans que l'ensemble ait de conséquences directes sur la partie de l'un ou de l'autre : l'idée vise avant tout à ajouter un peu de multijoueur ainsi qu'un système de classements en ligne à l'ensemble. Une fois la forteresse conquise, c'est alors à vous que reviendra la lourde tâche de choisir le chef suprême, une décision qui influera sur l'allure de la nouvelle bâtisse (dépendante de la tribu de votre Orc), mais également sur l'étonnante partie end-game du jeu : la guerre des ombres.
Souvent évoquées et au coeur d'un débat houleux ces dernières semaines, les microtransactions présentes dans l'Ombre de la Guerre, sont, rassurez-vous, totalement optionnelles si vous comptez venir à bout du jeu. Il est d'ailleurs possible d'acheter les coffres permettant de récupérer des Orcs et équipements moyennant la monnaie gagnée directement en jeu, la seconde monnaie employée n'ayant pour seule utilité que de vous faire gagner un peu de temps en récupérant des coffres un peu mieux pourvus : rien de dramatique donc, puisque le titre ne pâtit à aucun moment de la présence de ces microtransactions.
La guerre des Ombres : une vie après la fin
Une fois l'aventure principale bouclée (comptez de 25 à 35 heures pour y parvenir selon votre façon de jouer), le titre établit un lien scénaristique entre les évènements de la fin de l'Ombre de la Guerre et le début du seigneur des anneaux. Vous devrez ainsi faire face à une succession d'attaques de vos forts contre des armées d'Orcs particulièrement bien équipées, le but étant évidemment de survivre en répartissant bien vos ressources à chaque assaut pour ne pas vous retrouver dépourvu à terme. Pas d'inquiétudes toutefois, la perte d'un fort n'est pas synonyme de Game Over, mais remplacera la mission de défense par un objectif de reconquête. L'idée est plutôt bonne et offre un challenge plus relevé que l'aventure principale. Elle parvient aussi à justifier, certes un peu maladroitement, le temps pris par Sauron pour véritablement se lancer à l'assaut du monde des hommes puisque ce dernier était alors aux prises avec les armées de Talion au cœur du Mordor. Nous regretterons tout de même le caractère un poil répétitif de ces séquences, encore une fois contrebalancé par les surprises concoctées par les systèmes de Némésis.
notre Gaming Live de Shadow Wars
Quand la vinasse t'irrite
La répétitivité, c'est d'ailleurs l'un des maux dont souffrait le premier opus et que Shadow of War a su en partie corriger, malgré un goût assez peu prononcé pour l'innovation en dehors de son atout majeur que nous avons déjà maintes fois évoqué dans ce test. Vous trouverez ainsi une série de quêtes d'éléments collectibles, qui ont tout de même le mérite de vous permettre de récupérer de l'équipement légendaire, d'en savoir plus sur le passé d'Arachné et Sauron voire de découvrir quelques infos plus mineures sur différentes pratiques liées au peuple de la Terre du Milieu. Plusieurs lignes narratives de quêtes annexes vous feront voir du pays (et un certain Balrog déjà aperçu dans les trailers), mais ces dernières peinent généralement à se montrer inventives, vos missions se résumant à du pistage, des interrogatoires, ou du combat. La structure générale du soft se veut donc, avec ses collectibles et sa succession de points de quête sur des maps de taille moyenne, un brin vieillotte et rigide face aux nouvelles vagues des mondes ouverts que sont The Witcher 3 ou Zelda, pour ne citer qu'eux. Si elle s'offre un 3e épisode, la franchise devra sans doute se pencher en priorité sur ce point sous peine de prendre un sérieux coup de vieux.
Cœur de Talion
La répétitivité des situations est fort heureusement bien atténuée par le second gros point fort du titre, à savoir son système de combat. Proche de celui du premier opus, celui-ci gagne en richesse grâce au plus grand nombre de bêtes chevauchables, mais aussi à un arbre de talent dense qui vous permet de mieux définir votre style de jeu. Talion peut également récupérer des pièces d'équipement améliorables ainsi que des gemmes, qu'il pourra combiner pour en créer de plus puissantes avant de les équiper à la pièce de son choix. Le système est suffisamment riche pour que passer de l'infiltration aux combats acharnés soit un vrai régal, d'autant plus que la mise en scène sait doser les ralentis et angles de caméra pour nous offrir les meilleurs points de vue sur nos plus belles attaques, décapsulages de têtes d'Orcs y compris.
Seuls bémols sur les combats, l'absence de lock d'une part et les affrontements de boss d'autre part. Le premier point s'avère en effet gênant lors des grosses batailles, ou il devient compliqué de cibler le bon adversaire. Pour le second point, c'est davantage le fait que le titre s'appuie trop souvent sur des contres au timing serré qui nous a peinés, le manque d'idées se faisant cruellement sentir sur la majorité de ces affrontements. Le parkour aurait également gagné à être dépoussiéré : si la présence d'un double saut s'avère bien pratique, la caméra peine régulièrement à suivre les mouvements rapides de Talion et Celebrimbor, et il vous faudra très régulièrement la réajuster par vous-même. Le choix d'assigner sur la même touche le Parkour et le sprint ne s'avère pas non plus des plus judicieux, entraînant quelques loupés de grimpette qui évoqueront des souvenirs aux moins habiles des joueurs d'Assassin's Creed.
Un retard visuel
Visuellement, l'Ombre de la Guerre n'a pas énormément changé par rapport au premier opus. Nous apprécions certes le soin apporté au design des Orcs, toujours aussi convaincants, tout comme les forteresses aux styles appréciables et différents, mais regrettons que dans le même temps, cet épisode souffre encore du problème de redondance des décors malgré des paysages différents. Un constat qui peut certes s'expliquer par le manque de goût des architectes Orcs, mais qui donne le plus souvent l'impression de passer d'une région à l'autre via un simple changement de skin, d'autant plus que la direction artistique un brin fade ne permette pas de relever le tout. La version PS4 Pro profite tout de même de la présence du HDR pour offrir un peu de contraste à l'ensemble, et le simple fait de pouvoir crapahuter à Gorgoroth et d'observer au loin la silhouette inquiétante de Barad-dûr ou les lumières inquiétantes de Minas Morgul produit tout de même son petit effet.
Points forts
- Le système de Némésis
- Une narration riche grâce aux histoires avec les Orcs
- Scénario plus accrocheur et épique
- Mise en scène et prise en main impeccable des combats
- Liberté d'approche pour les assauts et la défense de forteresse
- Du fan service à foison...
Points faibles
- … Qui tourne parfois à la fan fiction
- Caméra qui doit souvent être réajustée
- Le verrouillage d'ennemis manque dans les batailles
- Quelques mécaniques datées
- Visuellement en deçà des standards actuels
Le deuxième épisode d'une série est généralement l'occasion pour des développeurs de corriger les défauts de son aîné. C'est étonnement l'inverse qui s'est produit pour l'Ombre de la Guerre, le titre ayant avant tout choisi de renforcer ses points forts : en densifiant son système de Némésis, en approfondissant ses combats, et en y ajoutant des assauts de forteresse particulièrement épiques et agréables à préparer et à mener. Un choix judicieux au regard de la qualité des éléments concernés, qui ravira les joueurs ayant accrochés aux mécaniques du premier opus et suffira à les scotcher à leur écran pendant des dizaines d'heures. En revanche, ce 2e épisode traîne encore quelques boulets hérités de son prédécesseur, allant d'une structure de missions désormais un brin dépassée à quelques loupés de caméra en passant par l'absence d'un système de lock. Les efforts de narration et la présence de quelques bonnes idées liées au end-game suffisent toutefois à faire pencher la balance du côté positif et nous laisser sur une très bonne impression finale : avec ce second épisode, la série n'a pas encore atteint son plein potentiel, mais elle a déjà gagné en consistance et en intérêt.