Votre plus grand ennemi, c’est vous-même ! Quand l’adversaire copie vos faits et gestes pour mieux vous éliminer, vous commencez à mesurer la moindre de vos actions pour ne pas vous mettre en danger. Tel est le concept autour duquel gravite ECHO, un titre fruit du travail d’une toute petite équipe de huit personnes, pour la plupart d’anciens développeurs issus de la saga Hitman. Regroupés sous la bannière du studio Ultra Ultra, ils nous proposent un mélange original d’action, et d’infiltration sur fond de science-fiction dans un palais au décor atypique.
Un immense palais où votre pire ennemi sera...vous-même.
Le joueur incarne En, une voyageuse spatiale en stase depuis plus de cent ans qui se réveille alors que son vaisseau approche de sa destination, une mystérieuse planète glacée dont les profondeurs abritent un palais aussi luxueux que mortel ou toute vie semble s’être éteinte depuis fort longtemps. L'héroïne entreprendra en ces lieux un énigmatique périple dans l’espoir de trouver un moyen de ressusciter son amour dont l’esprit demeure à l’intérieur du cube rouge qu’elle portera dans son dos durant l’aventure. Ce qu’elle va croiser au cours de son périple sera son plus grand ennemi : elle-même. En n’a pour seule compagnie que la voix un brin satirique de London, une intelligence artificielle avec qui elle échangera de long discours sur la création, une étrange forme de religion et sur les spécificités de cet étrange endroit qui souhaite notre mort.
La première heure de jeu se montre assez lente, plus contemplative qu’active pour le joueur ; elle est essentiellement composée de marche et d’échanges entre En et London tandis que nous découvrons la décadence des lieux. Cette molle promenade introductive nous donne le temps d’apprécier à sa juste valeur le travail sur les personnages des deux doubleurs anglophones. La voix de En est incarnée par Rose Leslie (Ygritte de Game of Thrones) et Nick Boulton (Druth du jeu Hellblade) campe l’IA London. Les deux acteurs livrent une excellente performance, mesurée, pleine de nuances, au cours d’échanges où flottent toujours cet air de mystère propre au genre SF. Les francophones ne sont pas oubliés avec un doublage VF intégral de qualité lui aussi.
La guerre des clones
L’immense palais nous expose avec décadence sa beauté immaculée avec son ameublement style Louis XVI et ses bas-reliefs aux dorures opulentes. Mais tout aussi fascinant que l’architecture des lieux puisse être, l’endroit semble désespérément plongé dans l’obscurité et inhabité depuis des lustres. Rétablir le courant a pour fâcheuse conséquence d’activer le curieux mécanisme de défense des lieux. Des clones de En, au départ très imparfaits, puis de plus en plus proches de leur modèle, vont se mettre en travers de notre chemin et apprendre de nos actions pour nous éliminer. Le palais/labyrinthe replonge par la suite dans les ténèbres à intervalle constant (toutes les minutes environ) et reconfigure les actions de ces mimics.
Ces clones sont appelés à juste titre des échos car ils résonnent avec nos actions du passé. Le palais dispose d’un cycle lumière-ténèbres : quand les lumières sont allumées, toutes les actions qu’entreprend En sont enregistrées dans la mémoire des lieux. Servez-vous de votre pistolet, ouvrez une porte, franchissez un obstacle, éliminez furtivement un adversaire par-derrière et le palais s’en souviendra lors du tour suivant. Puis survient une courte phase d’obscurité où vos actions ne sont plus enregistrées. Ces moments de répit dans le cycle constant du jeu sont importants car ils offrent une courte fenêtre d’action sans conséquence directe sur le tour suivant. Il faut néanmoins composer avec une visibilité réduite et la tension induite par le fait d’évoluer dans la pénombre entourée de clones avides de vous tuer.
Une fois les lieux retournés à la lumière, les échos auront assimilé vos actions et seront capables de les reproduire jusqu’au prochain reboot. Vous avez joué de la gâchette pour éliminer un opposant ? Surveillez donc vos arrières lors du cycle suivant car vos doubles pourront eux aussi vous tirer dessus à vue. Toutes les actions que vous allez entreprendre rendent le tour suivant plus compliqué. Or, vous ne pouvez pas rester inactif pour progresser, il faudra bien à un moment ou un autre éliminer un écho, utiliser votre pistolet, sauter en contrebas ou encore traverser l’eau. Des actions que vos ennemis ne savent pas réaliser tant que vous ne leur a pas enseigné – malgré vous – par vos propres actions.
Tuer ou vous faire tuer par vous-même, à vous de choisir...
Echo...régraphie
Chaque victoire sur l’adversaire pourra donc vous coûter très cher lors du tour suivant. Tout est alors question d’équilibre des actions dans cette formule qui définit sa propre lecture du genre de l’infiltration. On commence alors à analyser chaque situation, à mesurer chacune de nos actions face à nos propres compétences qui deviennent ici nos plus grands obstacles.
Heureusement pour nous, l’intelligence des échos a ses propres limites. Dans sa conception déjà avec un reset de leurs capacités entre chaque reboot ; dans sa mise en œuvre ensuite avec des faiblesses de comportement que le joueur utilisera régulièrement à son avantage. On comprend assez vite que l’IA du jeu n’apprend pas réellement de nos actions, mais ne fait que les débloquer au tour suivant pour les utiliser de manière très robotique. On peut facilement les attirer à l’écart pour ensuite les contourner ou les prendre à revers. Et si effectuer une élimination furtive implique que vos ennemis bénéficieront eux-mêmes de cette capacité lors du cycle de jour suivant, l'action en vaut toute de même la peine. L’IA manque d’un chouïa de réactivité pour vraiment nous surprendre et fonctionne d’avantage lorsque de nombreux échos sont présents dans un même espace.
Au rang des actions disponibles, outre le traditionnel déplacement accroupi pour plus de furtivité, vous aurez aussi un flingue plutôt polyvalent à votre disposition. L’appareil profite d'une fonction létale, permettant en un seul tir de tuer toutes les cibles incluses dans la trajectoire de la balle, tandis qu'une option plus pacifique est aussi autorisée, permettant d’assommer tous les adversaires présents dans une zone de 4 mètres devant vous. Enfin, lorsque vous visez avec votre arme, rester concentré sur un clone permettra d'y ajouter un marqueur, s'il se trouve à proximité, afin de ne pas le perdre de vue.
Notre personnage équilibre quelque peu la formule avec ses propres limites. En ne pourra pas faire n'importe quoi : le sprint est soumis à une jauge de stamina, votre santé, elle, n'est matérialisée que par le bouclier sphérique qui vous entoure. Votre résistance n'est pas franchement élevée : le premier coup porté par un Echo brisera votre bouclier, le second coup vous sera fatal si vous n'avez pas laissé le temps à votre protection de se recharger.
Tirer, repousser un adversaire, sauter en contrebas, scanner les ennemis autour de vous, toutes nos actions puisent un point dans la jauge d’énergie du personnage. Si la dernière cellule de la barre se recharge toute seule avec le temps (afin de ne pas laisser le joueur dans une impasse), il est nécessaire de récolter des orbes lumineux pour refaire le plein de pouvoir et continuer ainsi à utiliser nos compétences. En revanche, si vous prenez la peine d'explorer tous les recoins du palais, vous pourrez récolter des cristaux permettant, sous une certaine quantité, de gagner une barre d'énergie supplémentaire. Une grande partie du challenge d’Echo réside dans la gestion de cette ressource limitée. Est-il préférable d’utiliser un point d’action pour repousser un adversaire en silence ou de l’abattre d’un coup de pistolet au risque d’alerter d’autres ennemis et de transformer la future vague d’échos en accrocs de la pétoire ?
Un habillage élégant
La progression devenue puzzle, le studio Ultra Ultra nous fournit une excellent interface pour évaluer la situation à tout moment. Un radar sous forme de bulle autour d’En informe de la position et du degré de vigilance des clones, nos points d’actions restent toujours bien visibles à l’écran et le tout est intégré avec élégance dans un titre qui n’en manque pas lui non plus. Si les longs et luxueux couloirs de ce labyrinthe décadent offrent un environnement à nul autre pareil, l’ambiance des lieux ne se renouvelle que trop peu au fil des 8 à 9 heures de jeu. La seule variation visuelle notable réside dans les phases où le joueur s’engouffre dans de sombres zones de maintenances à l’allure industrielle durant lesquelles En et London taillent le bout de gras.
On terminera sur la bonne utilisation de l’Unreal Engine 4 sur les décors et les jeux de lumière. De ce point de vue et malgré quelques animations rigides, le travail du petit studio rend hommage au luxe des lieux avec deux ambiances distinctes entre les moments de clair-obscur. La bande-son mérite aussi des éloges, elle qui nous berce de sonorités orchestrales teintées d’éléments de science-fiction.
Points forts
- L’ambiance du palais, unique et captivante
- Un jeu d’infiltration à nul autre pareil
- Plutôt bien écrit, fort bien doublé
- Interface élégante et bien intégrée
- Bande-son inspirée
Points faibles
- Une première heure de jeu bavarde et assez lente
- L’intelligence artificielle n’est pas toujours au niveau du concept
- L’environnement se fait redondant au fil des heures
- Animations parfois rigides
Echo s’avance avec un concept des plus original. Entre infiltration, action et réflexion, le titre nous plonge dans la décadence de son ambiance atypique et nous met face à notre plus grand ennemi : nous-même. Le jeu du chat et de la souris prend une toute autre dimension lorsque le prédateur devient le reflet des actions de sa proie. S’il reste un meilleur jeu de réflexion que d’infiltration, la faute à une intelligence artificielle limitée, Echo nous fait oublier ses quelques défauts tels que la redondance de ses décors par la grande originalité de son concept. Une expérience à découvrir par vous-même !