Un an après la sortie de l’excellent Dishonored 2, Arkane revient avec une prolongation de la formule sous la forme d'un stand-alone. Votre mission si vous l’acceptez : tuer l’Outsider, ou en tout cas tout mettre en œuvre pour y parvenir. Le chapitre Corvo et Emilie désormais tourné, le studio Lyonnais braque ses projecteurs sur un autre personnage, Billie Lurk, seconde en chef de l’assassin Daud du le DLC La Lame de Dunwall de Dishonored prermier du nom. Retour à Karnaca pour cette suite pleine de malice pensée à la fois pour les aficionados d’immersive sim, mais aussi pour quiconque souhaiterait faire ses premiers pas dans cet univers.
Pas facile de tuer une ombre
Inutile de posséder Dishonored 2 pour vous lancer dans La Mort de l'Outsider, ni même d'avoir joué au DLC impliquant Billie pour saisir les contours du personnage. Son retour sur le devant de la scène n’est pas anodin pour Arkane, Billie est apprécié des fans et a joué un rôle important auprès de Corvo et d’Emilie dans leurs récentes aventures. Orpheline de Dunwall, elle a été recueillie par le célèbre assassin Daud auprès de qui elle a été formée à l’art de la discrétion et du meurtre dans le feutré. Si Billie faisait partie du groupe à l’origine de l’assassinat de l’impératrice Jessamine Kaldwin, sa vision des choses a depuis largement évolué. Redécouvrir Billie est intéressant, car le personnage offre au joueur un autre regard sur la société décadente de Dishonored. Enfant des rues, elle ne partage aucun lien avec la haute société et entretient un fort rapport émotionnel avec son mentor Daud qu’elle devra libérer des griffes d’un groupe de fanatiques en tout début de jeu.
Sur fond de complots politiques et de mystérieux cultes secrets, ce nouveau chapitre met l’accent sur l’important volet surnaturel de la franchise. Il s’agit tout de même d’assassiner l’Outsider, cette entité énigmatique à l’origine de la marque du grand Vide chez les précédents personnages de la franchise. Ce quasi-dieu aux yeux sombres est désigné ici comme le principal responsable du chaos ambiant de la société. Ce stand-alone nous conduit à remonter aux origines du personnage afin de mettre la main sur un moyen de l’éliminer une bonne fois pour toute. Comptez entre dix et douze heures de jeu pour boucler une aventure à la trame narrative plus condensée et donc mieux ficelée que celle de Dishonored 2.
Un gameplay décomplexé
Exit l’arbre de compétences à débloquer au fil de la récolte des Os de Baleine, le joueur acquiert ici très tôt l’intégralité des nouvelles capacités de Billie. On sent ce stand-alone libérateur sur bien des aspects de gameplay propres à la franchise depuis ses débuts. Notre assassin ne porte pas la marque de l’Outsider, ce qui lui la dispense totalement de potions de mana pour recharger sa jauge de pouvoirs. Billie utilise une énergie qui se régénère seule avec le temps, une mécanique qui ouvre la voie à un gameplay encore plus nerveux (voire brutal) que par le passé. Le joueur n’a plus a refréner ses ardeurs dans ses tentatives de combos de peur d’épuiser ses maigres ressources de mana, l'assassin au bras artificiel offre un feeling rafraîchissant et nous fait entrer sans tarder dans le vif du sujet de l’expérience Dishonored.
Certains pouvoirs drainent néanmoins de l’énergie dans le temps afin d’apporter un minimum de gestion de ressources à la formule renouvelée proposée par Arkane. S’en est aussi terminé de la notion de Chaos, cette mécanique à l’influence directe sur le monde déterminée par le nombre de personnes tuées par le joueur, mais aussi par ses choix dans plusieurs des objectifs de mission. Billie est libre d’utiliser ses pouvoirs à sa guise et de tuer qui bon elle estime se mettre en travers de sa mission. La notion de bien et de mal est ainsi remise à plat dans La Mort de L’Outsider, pour notre plus grand plaisir de liberté et d'action parfois plus... directes. Si les pouvoirs sont tous déverrouillés à la fin de la première mission de ce stand-alone, les charmes d’os à dénicher au fil de nos escapades offrent une personnalisation plus marquée des compétences de Billie.
Pour combler le vide laissé par la disparition du Cœur, cet artefact présent depuis le premier volet du jeu, Billie se voit capable d’écouter les pensées des rats. Cette aptitude nous donne l'opportunité de creuser le lore de la franchise, mais aussi pour récupérer de précieux indices sur nos objectifs en cours, cibles d’assassinat ou sur des entrées secrètes planquées dans des environnements toujours autant remplis de possibilités d’approches.
Trio à tout faire
Billie se la joue Arya Stark avec sa technique Semblance qui lui permet de voler le visage d’un personnage pour tromper la vigilance des gardes. La malheureuse victime perd connaissance tandis que nous disposons d’une quinzaine de secondes pour évoluer en toute impunité, épée toujours à la main, au milieu des territoires les plus hostiles. Il est d’ailleurs possible d’enchaîner les vols de visages de cible en cible pour couvrir de grandes distances ou encore d’usurper l’identité d’un PNJ important pour ouvrir certains accès protégés.
Tout comme pour les capacités d’Emilie vis-à-vis de Corvo, Arkane poursuit son souhait d’adapter et de proposer des variations des pouvoirs classiques de la franchise en dotant Billie d’une technique de déplacement nommée « Displace ». Le personnage déploie ici un marquer à distance, sorte de clone d’ombre avec lequel elle peut intervertir de position. Moins instantanée que le Blink de Corvo, la technique offre une toute nouvelle lecture du terrain ainsi qu’un panel neuf de combos d’infiltration et d’assassinat. Le résultat est assez… explosif, lorsque l’on parvient à se téléporter dans un malheureux PNJ.
« Foresight » est la troisième et dernière capacité de la panoplie de Billie. Cette projection mentale offre un moyen rapide d’observation des environs et de marquage des ennemis et des objets. Le temps est stoppé durant l’utilisation de cette technique qui consomme progressivement notre énergie. Le joueur est même capable de placer son clone d’ombre pour ensuite utiliser sa technique « Displace » à longue portée.
Si certains regretterons le manque d'introduction progressive de nouvelles capacités au fil de la progression, ce trio de techniques dispose de synergies à même de satisfaire plusieurs approches de jeu. Méthode directe à l’épée ou à l’aide des projectiles envoyés par l’arbalète du bras artificiel de Billie, approche silencieuse et non-létale, Dishonored conserve et honore sa vocation de bac à sable systémique où le joueur est libre de s’approprier les outils mis à sa disposition pour progresser de manière créative.
Vers la moitié du jeu et sans non plus tomber dans le spoil, Billie mettra la main sur une lame très spéciale qui lui permettra d'utiliser l'énergie du Grand Vide pour propulser ses adversaires à distance. Une capacité dont nous avons usé et abusé avec une certaine délectation, il faut bien le dire !
Retour à Karnaca
Direction les quartiers huppés de Karnaka pour ce stand-alone, un secteur en apparence épargné par la corruption des mouches de sang, mais contrôlé par diverses milices crapuleuses et autres cultes obscurs menant des expériences indicibles sur la population. Le Dreadful Wale sert toujours de QG à Billie entre deux missions dans de vastes portions d'une ville une nouvelle fois truffée de recoins ou se faufiler pour surprendre l’adversaire. La mort de l’Outsider nous rappelle avec réussite la maîtrise d’Arkane en matière de level-design et de création d’ambiance. Outre les ouvertures multiples, ce sont les missions qui étoffent encore leur variété avec la présence de multiples objectifs secondaires liés à des intrigues optionnelles à découvrir le plus souvent par nous-même. Il apparaît évident que ce contenu tente de surprendre le joueur avec des situations originales : la présence d’une foule d’énigmes à résoudre, l’apparition de nouveaux pièges mortels à contourner, mais aussi l’arrivée de nouveaux ennemis tels que des soldats mécaniques plus perfectionnés, ou encore les sœurs de l’Ordre Oraculaire et leurs pouvoirs du vide sont autant d'exemples du travail fourni par l'équipe Lyonnaise.
On trouve à proximité des étals des vendeurs clandestins un tableau sur lequel sont placardés plusieurs contrats d’éliminations à effectuer à l’envie pour empocher une prime en cash. Une façon pour Arkane de mettre à profit la totalité des environnements et des personnages créés pour ce stand-alone ainsi qu’un moyen ingénieux de faire régulièrement sortir les joueurs de leur zone de confort avec des contrats variés (assassinats de personnalités, enquêtes, vol de biens, etc.)
Le titre reprend la plupart des assets environnementaux de Dishonored 2 pour nous plonger dans une Karnaca toujours aussi majestueuse et riche en détails. On aurait apprécié être un brin plus dépaysé par les environnements, mais force est de constater qu'Arkane n’a pas chômé côté créations graphiques avec l’introduction de nombreux éléments de décors propres à cette partie plus huppée de la cité. L’agencement raffiné de certains intérieurs contraste de superbe manière avec la crasse de certains bas-fonds explorés par Billie Lurk dans sa traque de l’Outsider.
Leçon technique assimilée pour les équipes d’Arkane qui nous servent ici une monture "day one" débarrassée des soucis de performance rencontrés à la sortie de Dishonored 2. Le Void Engine allégé de ses errances de jeunesse offre aux visuels les moyens d'exprimer tout leur charme sans ralentissements, en 30 fps sur PS4 et Xbox One, et en 60 fps+ sur PC si vous possédez la configuration recommandée. Seuls les temps de chargement se montrent un peu longuets sur consoles de salon, surtout lorsqu'ils se mutliplient entre chaque échec du joueur.
Points forts
- Une formule que l’on sent plus décomplexée
- Arkane démontre une fois de plus sa maîtrise côté level-design
- Trois pouvoirs inédits pleins de synergies
- Direction artistique toujours aussi raffinée
- Une leçon de gameplay action/infiltration
Points faibles
- Karnaca ne nous dépayse pas vraiment
- Des chargements un poil longs sur consoles
- Et maintenant, la suite ?
Sans remettre en cause les fondations d’une saga, Dishonored 2 nous replonge avec réussite dans une palpitante traque surnaturelle pleine de maturité. Dans la peau d’une Billie Lurk aux talents décomplexés, la formule action/infiltration d’Arkane Studios se libère de certaines de ses règles établies pour nous offrir un final à même de lever le voile sur de nombreux mystères. Le tout est toujours aussi riche en possibilités d’approches, en précision côté gameplay et en qualités artistiques. Une belle manière de conclure un arc narratif débuté en 2012 par le talentueux studio lyonnais.