Fin 2015, les petits gars de Codemasters, dont la réputation dans le monde des jeux de course n'est plus à faire, sortaient DiRT Rally. D'abord sur PC, puis sur consoles de salon, le quatrième opus de la série DiRT prenait un tournant inattendu : plutôt très grand public, la licence prenait alors un virage au frein à main, et se muait en simulation hyper aboutie. Les fans du genre étaient aux anges. Alors forcément, lorsque le studio a annoncé son DiRT 4, les premières réactions furent des plus tempérées. Retour au rallye accessible à tous, ou continuation logique d'un titre qui a raflé tous les honneurs ? Réponse dans notre test.
Drôle d'histoire que celle de la franchise DiRT. Créé par les papas de l'un des meilleurs jeux de rallye de tous les temps, j'ai nommé Colin McRae Rally 2.0, Codemasters a connu des temps difficiles et avait fini par lâcher les simulations pour proposer des titres plus abordables, plus « fun ». Critiqués par les puristes du WRC, Colin McRae : DiRT, Colin McRae : DiRT 2 et DiRT 3 ont pourtant connu un certain succès commercial. Avec DiRT Rally, le studio a su prouver au monde entier qu'il était toujours capable de proposer des titres profonds, exigeants et réalistes... mais s'était coupé d'une partie de ce public qui avait garni son compte en banque. Avec DiRT 4, le défi était donc de séduire une plus vaste part de joueurs, tout en s'imposant à nouveau comme la référence ultime des jeux de rallye. Bonne nouvelle, pour Codemasters comme pour les joueurs : Paul Coleman et ses équipes ont réussi. Et pas qu'un peu.
L'écurie d'Augias
DiRT Rally ne manquait pas de qualités mais il faut bien le reconnaître : le soft manquait diablement de contenu. Peu de voitures, peu de spéciales, et les modes de jeu... Autant dire qu'ils étaient des plus limités. Le jeu prenait le parti de tout miser sur la conduite, à la manière d'un Assetto Corsa, dans un autre genre. Vu les faibles moyens du studio et le public visé par le jeu, nous n'en avions assez peu tenu compte. Mais il était hors de question, après le succès du jeu, que DiRT Rally 2 souffre du même écueil. Si le jeu s'appelle finalement DiRT 4, semblant couper les ponts avec son grand frère, nous sommes toutefois ravis de voir, dès le menu principal, que Codemasters a su entendre les critiques.
DiRT 4 n'est pas qu'un jeu de rallye : il est une ode aux courses off-road. En ce sens, le jeu propose donc plusieurs disciplines : Rally, Land Rush, Rally Cross, et Historic Rally. Le mode Carrière vous permet d'alterner librement entre les différentes compétitions, avec comme point central votre écurie. Le joueur devra avec le temps, les victoires et l'argent, se composer un crew et donc recruter des ingénieurs, des mécanos, et ainsi de suite, pour maximiser ses chances de réussites. DiRT 4 place donc le joueur au centre du jeu, puisqu'il est à la fois gérant de son écurie, mais aussi le pilote principal. Vous aurez à gérer les contrats des sponsors et serez tenu responsable de vos bonnes ou mauvaises relations avec eux. Cela passe par exemple le respect des objectifs fixés à chaque course par les marques qui signent avec vous, jusqu'aux petites attentions : entre deux courses, si votre voiture est sale, pensez à l'amener au car-wash, les sponsors apprécieront l'attention puisque leurs autocollants n'en seront que plus visibles. Voilà : on en est arrivé à ce niveau de détail.
La Carrière vous permet de passer d'une discipline à une autre assez rapidement, mais à l'intérieur de chacune, il faudra faire vos preuves. Le joueur commence tout en bas de l'échelle, et c'est grâce à ses performances qu'il saura se faire remarquer. DiRT 4 vous donnera d'ailleurs à chaque fin de courses plusieurs notes, dont une qui dépendra de votre façon de conduire, votre propension à prendre des risques, et à réussir. Ce coefficient sera particulièrement regardé par les marques, qui seront ensuite désireuses, ou non, de travailler avec vous. Parce que voilà, gérer une écurie, ce n'est pas toujours évident, et entre les frais de réparation, les salaires des employés à payer, et la R&D, vous n'aurez pas toujours les moyens de vous payer une nouvelle auto... qui sera pourtant nécessaire pour rejoindre la catégorie supérieure. Dans ce cas précis, et si vous avez brillé sur l'asphalte/le gravier/la neige (ne pas rayer de mention inutile : il n'y en a pas), des marques vous prêteront des voitures. Cela étant, le jeu est assez généreux et il est rare d'être en galère d'argent. Mais ces services seront bien utiles en début de partie. On ne saurait d'ailleurs que trop vous conseiller de hausser rapidement le niveau de difficulté du jeu, faute de quoi vous triompherez peut-être trop facilement de vos adversaires.
En proposant différentes disciplines, Codemasters réussit à enrichir son jeu en contenu, mais surtout à varier les plaisirs, puisque conduire en rallye n'a rien à voir avec les courses dites « Land Rush », qui vous mettent au volant de buggies et de camions de course. Même chose côté Rally Cross. On aurait toutefois apprécié voir plus de circuits : trop souvent, il s'agit des mêmes environnements, mais sur des tracés différents.
... And rally for all
Plus fun que DiRT Rally, DiRT 4 l'est certainement. Celui qui est désormais le meilleur représentant de son genre a encore aujourd'hui la réputation d'être aussi austère que froid, notamment à cause de ses menus aussi chaleureux d'une clinique privée. Son successeur fait peau neuve ici aussi. Le contraste est saisissant, et ce dès les premières minutes du jeu. Celui-ci débute sur une cinématique faisant les louanges des sports mécaniques, ou plus simplement de la course, dans une déclaration d'amour assez élégante, semblable à celle ouvrant le dernier Forza Motorsport. Les menus, le ton, tout y est plus chaleureux, plus vivant. Forcément, avant même de participer à notre première course, on avait craint que la série soit revenue à ses premières amours, à savoir les courses de rallye très arcade. Il n'en est rien.
Qu'on se le dise, DiRT 4 est aussi pointu et exigeant que son prestigieux grand frère. Mais cela dépend aussi beaucoup de vous. Dès votre première partie, le soft vous proposera de choisir entre deux styles de conduites : la première, appelée « Gamer », est surtout destiné aux joueurs débutants ou ceux souhaitant simplement passer du bon temps sur un jeu de rallye, sans prise de tête. On pense ici notamment aux fans des premiers DiRT. Le jeu active alors bon nombre d'aides à la conduite, notamment des contrôles de traction ou de stabilité. Les puristes, eux, pourront se diriger instantanément vers le second style de conduite, logiquement nommée « Simulation ». Ici, le jeu revient à l'esprit DiRT Rallye, se faisant beaucoup plus exigeant et punitif. Si vous aviez apprécié les sensations de DiRT Rallye, difficile de bouder la conduite proposée par DiRT 4 en mode Simulation : il s'agit toujours de l'un des jeux de rallye les plus techniques jamais produits. L'impression de vitesse est toujours aussi dingue, et les transferts de masse gérés à la perfection. Attention donc aux changements de direction trop soudains, notamment sur les routes les plus accidentées sur lesquels il faudra savoir garder le cap tout en maintenant un maximum d'adhérence. En mode Gamer, la pédale de frein pourra être malmenée sans trop d'inconvénients. En mode Simulation, attention aux têtes à queue !
Notez que le jeu a l'intelligence d'être finalement assez souple. Que ce soit en Gamer, ou en Simulation, il est possible de modifier le niveau de difficulté et donc de l'adapter graduellement à ses propres progrès. Les joueurs débutants pourront petit à petit désactiver les aides et découvrir petit à petit ce qu'est une vraie simulation de rallye. Cette souplesse n'est pas sans rappeler le système qui a fait le succès de la série Forza Motosport, un système désormais utilisé par de nombreux jeux, et pour cause : c'est probablement la meilleure solution pour rendre accessibles les jeux les plus compliqués. Ici, DiRT 4 s'en sort extrêmement bien. Toutefois, avec la pratique, on se rendra compte que le titre est peut-être plus généreux, par moments, que son aîné. C'est notamment le cas sur les spéciales enneigées de Suède, où l'on regrettera une différence de sensations peu marquée.
Double dose de gravier
Si la Carrière devrait vous occuper un long moment, Codemasters a tout de même tenu à remplir son jeu de manière conséquente. Vous trouverez donc, dans un coin, le mode « Compétition », qui vous permettra d'affronter d'autres joueurs sur des épreuves imposées par les développeurs. Vous remarquerez probablement le petit compteur se trouvant au bas de chaque défi, dans le menu dédié : en effet, le mode en question est connecté et devrait renouveler régulièrement son contenu. Ce qui poussera, logiquement, le joueur à revenir régulièrement sur DiRT 4, pour se mesurer aux autres pilotes. Le concept n'est pas neuf et se retrouve dans la plupart des jeux « connectés » actuels, mais il permet à DiRT de s'étoffer. Là encore, quand on se rappelle le principal défaut de DiRT Rally, difficile d'avoir un avis négatif sur la question.
On saluera également la possibilité de générer ses propres spéciales, via un éditeur tout simple. Déplacez deux curseurs pour influer sur la longueur et la difficulté du tracé, modifiez à vos guise les conditions climatiques, et hop : à vous les joies du rallye, soit la course à 180 km/h sur une route que vous ne connaissez pas . L'idée est particulièrement bonne, d'autant que DiRT 4 vous permet ensuite de partager votre spéciale et votre temps et donc de défier vos amis. C'est probablement là l'une des meilleures features du jeu, qui fait de ce nouveau DiRT un titre plus complet et plus amusant encore que son grand frère.
Evite les noeuds, mais pique les yeux
Avant de nous dire au revoir, un dernier mot sur la technique. On l'avait déjà dit au moment de tester DiRT Rally, on le redira aujourd'hui : DiRT 4 n'est pas franchement joli. C'était vrai sur la version PlayStation 4 du titre, que nous avions testée début juin. Sur PC, les choses s'améliorent quelque peu, mais l'on est bien en deça de ce que l'on est en droit d'attendre d'un jeu de course sur PC. On note un petit mieux sur les voitures, et bien entendu sur la netteté de l'image, mais pour ce qui est du reste ? Les environnements sont toujours aussi vides et fades, ce qui, en caméra extérieure, crée une drôle de sensation, comme si la voiture provenait d'un autre jeu. Toujours en comparaison de DiRT 4 console, cette version PC fait légèrement mieux sur les intérieurs, qui sont plus précis, ou les effets de lumière lors des courses nocturnes. Bref, il y a du mieux, mais pas de quoi sauter au plafond non plus. Heureusement, cela ne nuit à aucun moment au plaisir de jeu. Dans un titre de ce genre, le plaisir n'est pas forcément dans sa partie visuelle.
En revanche, carton rouge aux menus du jeu, dont l'organisation douteuse nous a perturbés plus d'une fois. Difficile de revenir sur la customisation visuelle de sa voiture, ou d'accéder facilement à la gestion de son écurie. C'est très, très agaçant, et donne l'impression que la chose n'a pas été pensée en amont.
Points forts
- Très accessible...
- ... et en même temps hyper technique
- Un mode Carrière hyper complet
- Les défis communautaires
- L'éditeur de spéciales
- La variété des disciplines
- Les sensations en course, excellentes
- La bande-son
Points faibles
- Les graphismes à la limite de l'acceptable, même sur PC
- Les menus
- Seulement cinq destinations
DiRT 4 parvient à marier l'accessibilité et le fun des premiers DiRT, à la technicité de DiRT Rally. En fait, le cinquième épisode de la franchise est tellement proche de son ainé, en termes de sensations, qu'on pourrait l'appeler DiRT Rally 2. En permettant aux débutants d'opter pour une conduite plus souple, DiRT 4 constitue une superbe porte d'entrée sur le monde du rallye et de la course off-road. Mais les amateurs de simulations hyper réalistes y trouveront également leur compte, avec toujours cette attention aux détails, la demande d'une exigence de tous les instants. Plus riche et plus complet que son prédécesseur, DiRT 4 réussit dans tous les compartiments, ou presque : on regrettera principalement que le studio n'ait pas les moyens de fournir à un tel bijou un écrin à sa mesure. S'il n'est pas vraiment joli, DiRT 4 devrait toutefois vous offrir un plaisir de conduite semblable à nul autre. Et ça, c'est déjà très fort.