Le studio Tripwire fait partie de ces entités reconnues pour leurs titres hardcore, pas forcément grand public, mais généralement réussis. Formé par des moddeurs d’Unreal Tournament 2004, ce petit groupe d’une vingtaine de développeurs s’est depuis illustré sur deux franchises massives du FPS pour puristes : Red Orchestra, côté PVP hardcore, et Killing Floor pour les amateurs de survie en coopération. Et si le studio s’est offert un Killing Floor 2 fort sympathique en 2016, Tripwire relâche dans la nature, en 2017, le fils spirituel de son Red Orchestra, en amenant sa formule du FPS réaliste jusqu’au Vietnam des années 60 et 70. Pari réussi ?
La douche froide du matin
Dès notre entrée sur Rising Storm 2, quelque chose semble ternir l’idée que l’on a du titre après avoir visionné le trailer. À l’interface un peu cheap succède l’arrivée en jeu, qui perturbe par ses graphismes clairement datés. On en vient vite à se demander où est passée l’équipe de moddeurs qui s’étaient fait connaitre par leur maitrise absolue de l’Unreal Engine. A cette déconvenue s’ajoute la lourdeur des animations, qui fait décidément bien mal au rythme et donne une enveloppe charnelle étrange au titre. Car si on le compare directement à tout ce qui se fait en matière de FPS multi, Rising Storm 2 fait pâle figure face à ses concurrents, qu'ils soient des mastodontes de budget comme CoD ou BF1, où même des projets beaucoup plus intimistes comme le récent et très similaire Days of Infamy. Mais faut-il juger un livre à sa couverture ?
Le Vietnam comme vous y étiez
Passée cette première déception, Rising Storm 2 nous offre une ambiance rarement exploitée dans un FPS multi à grande échelle (jusqu'à 64 joueurs). Avec ses quelques cartes, une demi-douzaine à la sortie, le titre de Tripwire nous offre de la jungle luxuriante, de la ville dévastée, des tranchées sur lesquelles les hélicoptères OH-6 Loach font usage de leurs miniguns : il y a une certaine fraicheur et originalité dans l’approche topographique qu'offre le titre et autant le dire tout de suite, le level design est clairement à la hauteur. Les cartes offrent toutes plusieurs chemins, plusieurs zones d'opposition, des terrains à découvert sur lesquels vous allez régulièrement tenter des sprints mortellement risqués, des bâtiments qu'il faudra constamment checker ou bombarder en prévision. Bref, on vit ici le conflit à fond et, à la manière de ce qui avait été fait sur Red Orchestra, célèbre pour sa fidélité aux sensations et aux tensions caractéristiques du Front de l'Est.
Les compétences du commandant
Alors que la carlingue graphique du jeu lui faisait défaut et nous permet au fur et à mesure des parties de remarquer divers bugs, modèles de personnages grossiers et autres textures fades venant s'agglutiner pour former un rendu global qui a 5 bonnes années de retard, on ne peut en revanche que saluer le travail effectué sur certaines explosions et certains éclairages. C'est bien simple, entendre le bruit caractéristique des frappes aériennes et voir poindre des bombes au napalm qui s'abattent lentement sur le terrain a quelque chose de captivant, de saisissant. D'ailleurs, pour en arriver là, c'est un véritable exercice de gameplay coopératif, l'une des nombreuses forces de Rising Storm 2...
Que quelqu'un m'amène une radio !
Jusqu'ici, nous décrivions un FPS multijoueur pas forcément très réussi techniquement, mais dont l'ambiance, renforcée par un bon sound design et par des musiques typiques des années 60 et 70, arrivait à procurer quelque chose d'inédit. Mais c'est véritablement sur son gameplay adaptatif et coopératif que ce Rising Storm 2 se démarque. Tout commence par la sélection d'une classe, en fonction de votre camp, américain ou nord-vietnamien. On remarque assez vite que certaines classes dépendent de la faction. C'est notamment le cas des pilotes d'hélicoptère ou de l'ingénieur de combat, lesquels peuvent compter sur la cavalerie aérienne et sur de redoutables gadgets comme les grenades au phosphore blanc, le lance-flammes ou encore le C4.
Les hélicoptères débarquent
De son côté, le vietcong pourra compter sur des classes comme le sapeur pour piéger les ruelles sur lesquelles vont s'engouffrer ses ennemis et sur les lance-roquettes RPG pour anéantir les hélicos américains. Tout le fun du gameplay vient de cet équilibrage quasi-parfait entre les Etats-Unis qui disposent d'un arsenal dévastateur mais trop "rentre-dedans" et les forces nord-vietnamiennes qui misent sur les pièges et leur connaissance de l'environnement pour gagner les batailles. Ces dernières peuvent par exemple escalader les gouttières ou naviguer dans les tunnels avec leurs armes, tandis que les américains ne pourront arpenter ces derniers qu'en compagnie de leur arme de poing. L'équilibrage est plutôt bon et c'est très vite un plaisir d'explorer chaque facette de ce gameplay voulu réaliste, sans viseur, sans assistance, sans killcam, et sans possibilité de réussite si l'on ne joue pas de manière organisée.
Chef, oui Chef !
À la manière de ce qu'il était encore possible de faire dans un Battlefield 2 (et dans une bien moindre mesure plus tard dans la saga), chaque faction dispose d'un commandant, lequel donnera ses ordres aux chefs d'escouades qui eux-mêmes délègueront aux autres joueurs. Cette chaîne hiérarchique dispose de toutes les habituelles features du genre : marquage de cible, demandes d'objectif et mise en place d'ordres à exécuter, dialogue audio et écrit à multicanaux, bref, vous voyez le topo. Mais là où Rising Storm 2 se détache, c'est par le rôle-même du commandant, lequel doit être proche d'un joueur de classe "Opérateur Radio" pour passer ses ordres stratégiques. Et par ordre stratégique, nous entendons bien évidemment dégainer de la frappe au napalm, accélérer le déploiement, faire des tirs de barrage, faire une reconnaissance tactique. Toutes les joyeusetés des FPS à grande échelle, que l'on a peu à peu perdu en faveur des killstreaks et autres récompenses individuelles, sont là, incarnées par une sainte et logique collaboration entre un commandant et son porteur de radio.
Et l'intelligence du game design va encore plus loin car Rising Storm 2 propose trois modes de jeu bien étudiés, fonctionnant sur des modèles intelligents et adaptés au conflit. Ainsi, on pourra citer le mode Escarmouche qui jouera intimement sur les capacités de respawn de votre équipe, le mode Territoires qui propose de la capture successive d'objectifs, simples ou doubles, mais surtout le mode Suprématie. Dans ce dernier, les deux équipes se disputent une série d'avant-postes à la valeur de points différente. Le but est évidemment d'amener à zéro les tickets adverses, à l'image de ce que l'on retrouve dans beaucoup de FPS classiques. La vraie originalité vient du fait que ces points sont liés et qu'une rupture dans ce lien entrainera l'isolement des avants-postes les plus éloignés. En d'autres termes, il est tout à fait possible de retourner une situation perdue d'avance, simplement en "coupant du monde" les avant-postes adverses, en capturant par exemple la base qui les sépare du QG ennemi. Suprématie est à ce titre l'un des modes les plus malins que l'on ait pu voir depuis longtemps dans le monde du FPS multi.
Notre Gaming Live de Rising Storm 2
Points forts
- Un jeu d'envergure, jouable jusqu'à 64 joueurs, dans une ambiance unique
- Sound design de qualité : armes, voix, musique et explosions
- Un jeu volontairement "hardcore" qui nous rappelle qu'avancer tête baissée n'est pas acceptable dans un jeu de guerre
- Des factions à l'approche assez différentes
- Level design de qualité avec pas mal de subtilités
- Coopération exacerbée avec une vraie chaîne de commandement et des classes parfois interdépendantes
- Des modes de jeu très bien pensés (surtout le mode Supremacy)
Points faibles
- 5 ans de retard en matière de graphismes et d'animations
- Un gameplay souvent trop lourd et qui manque parfois de fun
- Bugs, lags, crashs : nous sommes bien sur un FPS PC multi au budget probablement très serré
Pour son prix minime d'une vingtaine d'euros à sa sortie, Rising Storm 2 est un bon investissement. Il offre une épopée multi tactique où la coopération est essentielle et dans lequel foncer tête baissée ne vous mènera à rien. Certes, il faudra passer outre et le niveau graphique assez bas du titre, mais le feeling du jeu demeure assez bon pour nous happer dans un gameplay hardcore, parfois un peu lourd, mais bien étudié. On prend plaisir à jouer différemment que l'on campe le rôle du marine ou du vietcong, et le contenu, un chouia limité à l'heure actuelle, promet déjà de s'intensifier grâce à une communauté formée et investie. Un bon FPS à grande échelle pour ceux qui souhaitent se plonger sérieusement dans des affrontements où la coopération est reine.