Depuis l’apparition du MOBA dans les années 2010, maintenir à flot un genre comme le MMORPG est une opération risquée. Les plaines enchanteresses de ces mondes virtuels autrefois foyers de millions de joueurs se voient alors de plus en plus désertées au profit du Free to play. Cependant, estampiller son MMO Final Fantasy donne forcément un certain attrait au produit. RPG japonais à succès qu’on ne présente plus, la licence puise sa force dans un lore suffisamment conséquent pour étoffer et réinventer son univers à volonté; bref du pain béni pour le genre massivement multijoueur. Et il faut avouer que depuis 2013, Final Fantasy XIV ne lâche rien : version Vanilla “A Realm Reborn” concluante, première extension “Final Fantasy XIV : Heavensward” généreuse et soignée; l’avenir semble désormais tout tracé pour le bébé de Naoki Yoshida alias Yoshi-P, talentueux réalisateur et producteur d’un titre à succès en pleine expansion malgré un genre qu’il dit lui-même “en sommeil”. Avec une stratégie de refonte de gameplay inspirée des MMO occidentaux, Yoshida et son équipe partent cette fois en quête d’accessibilité pour cette nouvelle extension sobrement intitulée “Stormblood”, et entreprennent d’accueillir dignement sur les serveurs de la région d’Eorzéa des joueurs peut-être moins familiers, ou tout du moins plus occasionnels, que ceux ayant déjà poncé le jeu ces quatre dernières années. Pari réussi ?
Entre tradition et modernité
Soyons honnêtes, se lancer dans un MMORPG est une activité plutôt chronophage. Qui plus est quand ce dernier requiert des centaines d’heures de jeu pour arriver au meilleur de l’expérience proposée; et rattraper ses petits camarades déjà HL (haut level) présents depuis les débuts est un exercice rigoureux. Soucieux de rendre le jeu accueillant et d’attirer plus de monde afin de continuer la success story de Final Fantasy XIV, l’extension Stormblood voit donc apparaître de nombreux changements. A l’image du fameux “sésame” qu’avait mis en place un autre MMORPG très célèbre, des “potions” de job et d’épopée sont disponibles depuis le 16 juin dans la Station Mog pour accéder à Stormblood sans avoir à monter votre personnage au niveau maximum ou à passer par l’aventure de la précédente extension. Les tauliers s’alarment déjà du manque de cohérence qu’amène une telle décision lorsqu’arriveront les nouveaux donjons et raids d’un jeu qu’ils rôdent depuis 2013 en compagnie de joueurs inexpérimentés.
Qu’ils se rassurent, une refonte des classes a été enclenchée pour pallier à ce problème. Le but de la manoeuvre : réduire l’écart entre nouveaux et anciens joueurs, et rendre chaque classe unique à jouer. Terminé le système un peu trop complexe des compétences partagées (dites cross-skills), chacun aura désormais un rôle bien défini : Heal, Tank, DPS CàC, DPS Distance. Beaucoup d’actions ont alors été transformées, quand certaines n’ont pas été purement et simplement supprimées dans un souci de lisibilité. Une jauge de job est aussi ajoutée, spécifique à chacun, plutôt pertinente et bien pensée, et beaucoup y verront plus clair quant à l’enchaînement de leurs combos. En résulte un gameplay plus fluide, certes, mais aussi plus simpliste, trop peut-être pour certains joueurs, rendant certains cycles (notamment ceux des DPS) un poil redondants. Une routine s’installe. Certaines classes perdent alors un peu d’intérêt en jeu (mais seront, on l’espère, améliorées lors des prochains patchs), quand d’autres gagnent drastiquement en maniabilité. On regrette aussi que la dynamique du global cooldown soit restée inchangée rendant le jeu toujours un peu plus lent que ses concurrents, mais on comprend aussi qu’un jeu de cette facture ne serait possible qu’avec ce genre de désagréments. En effet Final Fantasy XIV étant un jeu cross plateforme (PC/PlayStation 4), on sent le besoin de faciliter la tâche aux joueurs consoles qui devaient pas mal s’arracher les cheveux sur une manette avec tant de compétences à gérer, et la qualité des animations (de plus en plus soignées) ne serait possible qu’avec ce petit temps de latence qui ne se ressent même plus une fois le level maximum atteint. Au bout de quelques heures de jeu on s’habitue très vite à cette nouvelle recette, et on se dit que ce n’est pas plus mal : le jeu se révèle plus amusant, maniable, plus fourni aussi dans ses stratégies de boss, et on imagine très bien les prochains raids amener de vrais nouveaux challenges pour la suite.
La marche des volontaires
La force de Stormblood bien sûr réside principalement dans son scénario, et la volonté de Naoki Yoshida d’affirmer de plus en plus son envie de créer un Final Fantasy à part entière, permettant ainsi d’attirer tous les fans de la série et de rendre son épisode pérenne. Il consolide ainsi son univers, parsème plusieurs easter eggs et références, et ne cesse de nous étonner par des choix de mise en scène plutôt audacieux. Votre avatar sera donc au coeur de la montée révolutionnaire qui gronde dans les territoires de Gyr Abania et Doma afin de répondre au joug garlemaldais qui sévit depuis de nombreuses années sur ces terres désormais désolées. Vous et vos compagnons devrez parcourir ces différentes régions afin de motiver les troupes et d’unir les différentes factions d’insurgés pour lutter contre l’ennemi commun et ainsi reprendre la cité-état d’Ala Mhigo. La résistance s’organise donc autour de nouveaux personnages charismatiques et attachants, dans une intrigue subtilement écrite, n’ayant rien à envier aux RPG d’hier et d’aujourd’hui. L’implication du joueur est alors parfaitement maîtrisée, et certaines quêtes d’épopée vous feront jouer des moments particulièrement savoureux malgré un début d’aventure un peu laborieux, sûrement dû à des environnements en effet très vastes.
Loin de la patte très épique d’Heavensward, Stormblood axe votre voyage sur la contemplation et l’errance parmi ses différents paysages librement inspirés de l’Asie. Les zones semblent dépeuplées, on aperçoit deci-delà des campements ou hameaux assez éparses : le dépaysement fonctionne, et on se sent coupés du continent principal, découvrant au fur et à mesure de notre quête les différentes coutumes et croyances des peuplades locales. Ce tout assez enchanteur laisse pourtant parfois une drôle d’impression de vide, ne donnant pas vraiment de rejouabilité dans certaines de ses zones, comme pour la Mer de Rubis qui introduit pourtant un nouveau gameplay aquatique. L’exploration se trouve aussi un peu ternie par un nombre excessif de quêtes Fedex, malgré l’effort de les rendre parfois plus divertissantes grâce à l’utilisation de mini-jeux et de choix de réponses multiples. La nouvelle ville de Kugane fortement inspirée de l’architecture d’Edo (ancienne Tokyo pendant l’ère du même nom) quant à elle fourmille de détails et de ruelles, et se laisse aisément appréhender. On aurait néanmoins souhaité visiter davantage d’habitations, certaines de ces ruelles n’étant que des cul-de-sac, et beaucoup de portes que des façades, amenant un petit côté frustrant à la découverte. La direction artistique et les musiques touchent pourtant au sublime, et de nombreux panorama, nous rappelant parfois ceux de feu Final Fantasy XI, vous donneront l’envie de vous arrêter simplement pour profiter de l’ambiance qu’ont réussi à créer les équipes de développement.
Buffet à volonté
Mais Stormblood c'est aussi et surtout l'arrivée de nouvelles mécaniques de jeu : la nage est désormais disponible et semble pour le moment aussi maîtrisée et maniable que le vol. A noter que la monture aquatique Syldra uniquement présente dans l'édition collector représente un vrai plus pour vous déplacer en eaux profondes, petit bémol donc pour ceux s'étant procuré la version classique. Les premières brasses dans la Mer de Rubis donnent vraiment une sensation de liberté, brisant immédiatement les anciens murs invisibles. D’anciennes zones comme Costa del Sol gagnent immédiatement en attractivité, et faire trempette un peu partout en Eorzéa devient vite une habitude. Les environnements sous-marins sont pour l’instant assez négligeables sauf pour les métiers de récolte; on attend des combats, et soyons fous pourquoi pas un jeu de Blitzball ?
Deux nouvelles classes DPS s’ajoutent aux nombreux jobs de Final Fantasy XIV : Samuraï est une classe corps à corps, parfaite pour les nouveaux joueurs, un peu classique pour les habitués. Sa mécanique repose sur 3 combos à recharger pour lancer une attaque puissante, ainsi que sur sa jauge de rage qui croît selon la réussite des enchaînements précédemment évoqués. Mage Rouge se révèle ici plus intéressant, puisqu’il combine les attaques au corps à corps et à distance, et vous impose d’équilibrer les deux magies pour maîtriser ce gameplay asymétrique particulièrement novateur. On regrette toutefois que ces dernières commencent au lvl 50, et ne soient pas jouables directement dans l’extension avant d’avoir atteint le niveau minimum (soit 60). Dans l'ensemble ces nouveaux ajouts de classe, sans révolutionner le jeu, apportent un gameplay un peu neuf qui est le bienvenu.
Huit nouveaux donjons et trois défis viennent étoffer la liste des différentes instances déjà présentes. Inspirés des légendes mythologiques japonaises et bien qu’artistiquement remarquables, les premiers donjons mettent du temps à arriver dans l’histoire, et sont emprunts d’une certaine linéarité. Encore une fois ce choix de level design a certainement été pensé pour que les petits nouveaux puissent s'acclimater au système de jeu sans trop d'accroc. Le tout reste très plaisant à arpenter et les stratégies de boss vraiment travaillées. Il faut avouer qu’on sent enfin une volonté de briser la monotonie des précédentes instances et d’instaurer de nouvelles mécaniques. Un vrai vent de fraîcheur. Enfin le end game s’annonce conséquent puisque nous vous rappelons qu’il est possible d’alterner entre toutes les classes disponibles, et qu’il faudra cette fois atteindre le lvl 70 pour participer aux prochains raids (Oméga) prévus dans quelques semaines.
Trailer de Final Fantasy XIV : Stormblood
Points forts
- Une épopée incontournable
- Une direction artistique imbattable
- Une simplification du gameplay bienvenue
- La nage, vraie sensation de liberté
- Des primordiaux qui en jettent
- Un contenu quasi inépuisable
Points faibles
- Certaines classes devenues ennuyeuses
- Monter son Samuraï et son Mage Rouge du lvl 50 à 60 avant de les pratiquer sur Stormblood
- Des serveurs parfois un peu chargés
- Des quêtes FeDex rébarbatives
- Des instances qui tardent un peu à arriver dans l'aventure
Final Fantasy XIV est désormais un épisode de la série à part entière, et ce n'est pas cette extension qui nous fera dire le contraire. Loin de se reposer sur ses lauriers, Stormblood tranche nettement avec un Heavensward déjà très réussi, et tente de nouvelles approches pour attirer toujours plus de joueurs. Entrainé dans une épopée passionnante et confronté à des antagonistes toujours plus effroyables, ce MMORPG prend le parti pris d'axer l'expérience sur l'implication du joueur dans son univers. Un choix judicieux quand on sait ce qui a fait le succès des meilleurs épisodes de la licence. Les différentes instances sont un régal pour les yeux et un vrai plaisir de jeu, pour les connaisseurs comme pour les débutants. Rajoutons à cela du contenu toujours plus foisonnant et des patchs qui, on l'espère, suivront rapidement. Une très belle réussite.