Raven Close

Une autre histoire : L'arche du temps – Le choix de Raven (c'est son nom complet…), publié un peu plus de deux mois après la sortie du jeu, était annoncé par Keiichiro Toyama comme un complément axé sur Raven exclusivement, et ayant pour objectif de "poursuivre l'arc narratif laissé en suspens à la fin du premier Gravity Rush" (sic). D'emblée, on s'inquiète quelque peu de sa position dans la timeline de la jeune série, dont un troisième épisode semble par ailleurs fort peu probable. Proposer un contenu additionnel davantage lié au premier épisode est un choix pour le moins curieux, mais si le contenu, la durée de vie, ou le scénario suivent, qui s'en plaindra ? Le créateur de la série, qui rappelons-le est également derrière les licences Silent Hill et Forbidden Siren, promettait également environ 5 heures en prenant son temps. En toute logique du fait de sa place dans la série, ce DLC ne permet donc d'explorer que Hekseville et aucun des lieux exclusifs à Gravity Rush 2… si toutefois on peut parler d'exploration. C'est en effet un des maux principaux que l'on évoquera dans ce DLC : il est incroyablement cloisonné.

En plus d'imposer une certaine linéarité, la promesse de Toyama quant à la durée de vie de ce contenu s'avère bien généreuse. En effet, ce contenu additionnel se boucle en 2, voire 3 heures pour un joueur "complétioniste", avec un rythme inégal et quelques longueurs (un comble pour sa durée !), et a tendance à apporter davantage de questions que de réponses (nous y reviendrons plus bas). En effet, à l'exception d'une pauvre collection annexe de souvenirs qui n'apporte rien, le personnage de Raven n'évolue pas, ne dispose que de deux pouvoirs exclusifs qui demeurent identiques du début à la fin en terme de puissance, et ne s'avèrent pas franchement transcendants. On progresse au travers d'une structure totalement linéaire où l'open world que constitue le monde si fascinant de Gravity Rush n'est que tristement chimérique, et si le plaisir de retrouver le style propre à la série est forcément là, le sentiment de nouveauté propre au contrôle de Raven s'en trouve finalement assez bridé.

Des pouvoirs moyens impliquent peu de responsabilités

Cette "nouvelle histoire" s'articule donc autour d'un personnage qui avait grandement fasciné les joueurs du premier Gravity Rush, et dont l'exploitation dans le second opus s'était avérée plutôt satisfaisante en fin de compte. De fait, jouer "enfin" Raven n'était pas si nouveau que cela, même si lui consacrer tout un arc narratif et donc une section de gameplay privilégiée représentait un effort non négligeable de la part de la Team Siren. Un scénario à part donc, introduit avec efficacité et sans perte de temps : jouable uniquement si vous possédez Gravity Rush 2, ce contenu additionnel vise exclusivement des joueurs connaissant bien son univers et à qui il ne sera pas nécessaire d'en rappeler les fondamentaux. L'histoire est plutôt prometteuse d'emblée, avec un flashback intéressant sur le passé de Raven, mais hélas on comprend très vite que la jouabilité et le contenu de ce DLC sont très, très limités.

C'est au long de six chapitres (chacun très courts, pas de quoi tenir la comparaison avec n'importe lequel parmi les presque trente que propose Gravity Rush 2) que Raven va donc replonger dans son passé et tenter de corriger le tir sur un moment-clé par ailleurs évoqué dans le scénario du premier volet. C'est essentiellement le segment dédié à Boutoume et au bus des enfants qui sera donc éclairci ici, au travers du point de vue de Raven et explorant la thématique de réalités aux déroulements temporels divergents. Cependant, ce n'est pas vraiment dans la manipulation de paradoxes temporels que se situeront les subtilités de gameplay de ce contenu additionnel, et les trois séquences d'action et de baston réelle mettront en avant des capacités certes nouvelles, mais pas spécialement audacieuses ou originales. Pour ne rien arranger, les combats sont certes énergiques et tirent parti des spécificités de gameplay de la série… mais souffrent également de ses errances habituelles. Globalement, c'est un peu brouillon, la maniabilité et la caméra sont parfois bien foireuses, et la difficulté évolue assez bizarrement vu que Raven garde la même puissance du début à la fin. Néanmoins, finir ce DLC ne constituera à aucun moment un quelconque challenge.

Comme évoqué plus haut, aucune possibilité d'amélioration de compétences n'est offerte à Raven. Il n'y a pas de gemmes à collecter, et aucune vraie quête annexe en-dehors des souvenirs, qui plus est accessibles exclusivement lors de séquences spécifiques. Exit l'appareil photo, l'aspect social avec les trésors apporté par Gravity Rush 2, et l'intérêt de se balader dans les différents quartiers d'une ville certes toujours aussi jolie, mais totalement morte et de fait inutile à explorer (surtout qu'aucun mode libre n'est proposé). Les nouvelles zones "spéciales" explorées, qui rappellent les diverses failles de la série principale, valent le détour… le temps d'une première partie, mais il y a fort à parier qu'elles marquent bien moins que leurs équivalents de l'histoire principale. L'aventure, qui plus est laisse sur sa faim en terme de nouveaux personnages et laisse des questions en suspens, peut certes se savourer parce que "c'est Gravity Rush" et que le style visuel et musical si atypique de la série fait toujours plaisir aux yeux et aux oreilles. Il n'en reste pas moins qu'on a de fortes chances d'en ressortir plus frustré(e) qu'autre chose…

Les combats sont aussi spectaculaires que fouillis et mal équilibrés.

C'est gratuit, mais ça vaut quoi ?

Il n'est pas évident de juger "Raven's Choice" avec objectivité tant l'aspect gratuit de ce contenu pousse à l'indulgence, et ce d'autant plus qu'il demeure agréable de retrouver Hekseville, et d'enfin diriger Raven. Le véritable problème réside en réalité dans la pauvreté du contenu, qui fait clairement tache en comparaison d'autres DLC de titres à monde ouvert qui avaient fait le choix de limiter l'exploration de celui-ci à une zone précise, tout en y incluant un minimum de vie et d'objectifs annexes. On pense notamment au très correct Festival of Blood, contenu additionnel de l'excellent inFamous 2, qui durait à peu près aussi longtemps mais donnait davantage d'opportunités de se promener dans l'espace urbain mis à disposition. En nous cantonnant à un chapitrage très, très linéaire, l'extension de Gravity Rush 2 nous frustre d'autant plus que ce second épisode constituait une énorme progression en comparaison d'un aïeul un peu chiche à ce niveau.

Puisque l'on parle d'ailleurs du bon vieux hit PSVita (non, ce n'était pas un défi d'apposer ces mots, promis…), celui-ci avait su nous livrer des DLC sympathiques, un peu décalés, dans la lignée scénaristique d'une histoire légère et qui ne se prenait pas la tête. Sans aller jusqu'à affirmer que "The Ark of Time" se prend les pieds dans le tapis, on en attendait mieux, et c'est peut-être là tout le souci : les fans conquis par Gravity Rush 2, et séduits par le lore construit autour de Kat et Raven, en attendaient sans doute trop ici. Il en reste deux heures pas désagréables, qui prolongent un univers vraiment unique, mais sur lesquelles on ne reviendra pas à moins d'avoir raté les quelques souvenirs qui jalonnent deux sections précises du jeu. L'idée n'était peut-être effectivement plus de présenter Hekseville comme un monde ouvert, mais ce DLC se destinant évidemment aux fans, la pilule a globalement du mal à passer.

Quant à l'aspect scénaristique, s'il ouvre quelques portes avec notamment un focus sur des personnages jusqu'ici quasi inconnus (mais pas nouveaux), on est clairement dans la sous-exploitation et le questionnement supplémentaire. On n'en dira pas davantage pour éviter tout spoil, mais on pouvait clairement espérer mieux à ce niveau. Le lien entre Kat et Raven, que l'on espérait voir davantage éclairci, passe finalement complètement à la trappe, et la notion de "choix de Raven" n'est qu'illusoire vu qu'à aucun moment, le jeu ne laisse de place à une quelconque décision du joueur pour notre héroïne. En fin de compte, certes, "Raven's Choice" est gratuit, mais était-ce une raison pour livrer un DLC aussi moyen dans l'ensemble ? Rien n'est moins sûr. Et quand on sait combien il est possible que la série se referme ainsi, on est en droit d'être un minimum déçu, plaisir prolongé (quoique…) ou pas.